Étienne, à l’écoute du cri des pauvres et de la terre

Etienne Faure, délégué à la diaconie et l'écologie intégrale à Saint-Claude

Appelé par le diocèse de Saint-Claude, Étienne Faure est depuis deux ans délégué épiscopal pour la diaconie et l’écologie intégrale : deux dimensions complémentaires pour une belle mission au service des hommes et de la terre. Portrait. Par Florence de Maistre.

“Dans ma mission, le terme de diaconie est à comprendre comme solidarité : il s’agit d’être au service des plus fragiles. Le cri des pauvres et le cri de la terre, tels qu’évoqués dans l’encyclique Laudato si’ (2015) sont liés l’un à l’autre. On ne peut pas entendre l’un sans l’autre. On aurait parfois tendance à les opposer : le soin de la planète serait-il réservé à ceux qui en ont les moyens ? Non ! Si je vais d’abord vers les pauvres, je reconnais leur besoin d’une vie digne qui touche aux enjeux de notre maison commune. Ici, dans le Jura, ou à l’échelle de la planète, les pauvres sont les premières victimes des injustices sociales et climatiques. Les deux dimensions de ma mission font sens”, développe Étienne Faure, 55 ans, délégué épiscopal pour la diaconie et l’écologie intégrale du diocèse de Saint-Claude.

Saint-Claude : prière avec le délégué Etienne FaureÉtienne et son épouse Thérèse, sage-femme, arrivent dans le Jura il y a 21 ans au moment de la naissance de leur fille aînée, Marie. Étienne est alors associé comme agriculteur et éleveur de vaches, des Montbéliardes dont le lait est utilisé pour le comté. L’exploitation est en bio. “Les greffes prennent quelquefois difficilement : j’ai quitté le Gaec trois ans après. Et j’ai travaillé comme ouvrier agricole dans l’élevage et la vigne”, indique le délégué épiscopal. Deux autres enfants, Jean et Louis viennent agrandir le foyer. Puis Étienne devient, pendant douze ans, chargé de formation au sein de l’ADFPA (association départementale de formation et de professionnalisation pour les agriculteurs). Il parcourt tout le Jura à la rencontre des acteurs du monde paysan. “De cette belle expérience, je retiens l’énergie des agriculteurs, leur forte capacité d’adaptation. C’est une des professions qui se forme le plus en continu. J’ai accompagné nombre d’entre eux sur les changements de pratiques agricoles en lien avec les changements climatiques. Sans oublier le côté humain, bouleversant. Je les ai initiés à la communication bienveillante. Je me suis ouvert avec eux à ces divers champs d’action : le Tout est lié de Laudato si’ était déjà là”, confie l’ancien éleveur.

Une démarche mûrement réfléchie

À la suite de la publication de l’encyclique Laudato si’ du pape François en 2015, Étienne participe à un petit groupe de réflexion autour de son évêque, alors Mgr Vincent Jordy, pour s’approprier le texte, proposer des animations pour le faire connaître et rayonner dans le diocèse. En novembre 2019, il est convié à participer à l’assemblée plénière de la conférence des évêques consacrée à Laudato si’. “J’ai accompagné Mgr Jordy à Lourdes. C’était juste au moment de l’annonce de sa nomination comme archevêque de Tours. Cette assemblée a eu une saveur particulière”, relève Étienne. Invité à poursuivre la démarche initiée, il participe aux quatre autres assemblées plénières sur l’écologie intégrale avec le P. Raymond Monnoyeur, alors administrateur diocésain, puis avec Mgr Jean-Luc Garin, nouvel évêque de Saint-Claude. “J’ai eu la joie de participer aux cinq assemblées, mais cela m’a beaucoup secoué. J’ai ressenti de nombreux appels pour l’Église et pour le monde, avec ce besoin de relire le travail. À l’été 2021, j’ai pris un temps de retraite chez les Clarisses à Ronchamp”, partage l’animateur-formateur agricole. Dans la foulée, il adresse un courrier à son évêque dans lequel il développe quelques pistes de réflexion.

commencer par le plus petit premier pas possible

Dès leur rencontre suivante, Mgr Garin évoque son souhait de créer un poste de permanent au service du diocèse avec ces deux dimensions : diaconie et écologie intégrale. Un nouveau temps de discernement commence pour Étienne, qui n’envisageait ni de quitter son activité de formateur auprès des agriculteurs et des salariés agricoles et viticoles du Jura, ni de devenir un acteur salarié de l’Église. Pendant quatre mois, le laïc interpellé par Laudato si’ et le pasteur du diocèse de Saint-Claude dialoguent ensemble. Ils affinent et définissent cette nouvelle mission. “Mgr Garin m’a même reçu une fois avec mon épouse. Je voulais qu’elle entende aussi ce à quoi j’étais appelé”, souligne Étienne. Il termine la session de formation en cours et arrive au service de l’Église dans le Jura en avril 2022. Pour définir ses priorités sans se précipiter, Mgr Garin donne cette consigne : “commencer par le plus petit premier pas possible”.

Auprès des plus fragiles

Modeste. Le qualificatif revient plusieurs fois dans la bouche du délégué épiscopal pour caractériser les actions menées. Au cœur de sa mission : l’accompagnement d’initiatives. Depuis deux ans et demi, il se rend surtout présent aux lieux et aux équipes qui développent et vivent déjà des expériences de solidarité et de partage. À son arrivée, le diocèse venait d’inventorier l’ensemble de ses biens immobiliers, parmi lesquels des lieux susceptibles d’être de mission. Sensible à différentes intuitions telles que l’association Lazare qui propose des colocations solidaires entre sans-abris et jeunes actifs ou encore le Village Saint Joseph, Étienne noue des contacts. Très vite les fondateurs du Village Saint Joseph étudient le projet d’ouvrir une maison au sein de l’ermitage Notre-Dame de Mièges. Après un chantier d’aménagement mené par des paroissiens, l’ermitage reçoit depuis la rentrée scolaire un foyer familial chrétien qui s’apprête à accueillir six à huit personnes en fragilité. “Je suis émerveillé de la dynamique qui s’est créée localement. Un réseau de bénévoles de tout le doyenné s’est mis en route au service de cette famille volontaire et de ce projet. Les habitants qui étaient tristes de voir ce haut-lieu jurassien délaissé sont fortement mobilisés. L’aventure est lancée !”, sourit le délégué épiscopal, qui envisage déjà de créer des activités autour du jardin de l’ermitage et d’autres ateliers. Dans la même dynamique, un autre partenariat est en réflexion à Champagnole. L’idée ? Un habitat intergénérationnel partagé.

Quant aux temps forts des journées mondiales de prière et des rendez-vous annuels proposés par l’Église, Étienne ne se lance pas encore dans l’organisation d’événements dédiés ou de manifestations marquantes. “Cela demande beaucoup d’énergie, je ne peux pas m’agiter dans tous les sens. En revanche, si une équipe m’interpelle, alors je la soutiens et nous agissons ensemble. Dans le prendre soin de l’homme, il ne faut pas s’oublier”, précise le permanent du diocèse. L’an dernier la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié a été placée sous le signe de la réconciliation et de la rencontre entre les partenaires de cette pastorale. Une trentaine de bénévoles de tout le diocèse se sont rassemblés à Poligny autour de Mgr Garin qui revenait justement des Rencontres Méditerranéennes à Marseille. Un temps de relecture de la mission a permis d’entendre et de partager les souffrances et les appels des personnes migrantes et réfugiées, ainsi que les besoins de leurs accompagnateurs. “Le travail accompli est formidable, mais ce contact avec les personnes déplacées est générateur d’énormes incompréhensions. Il nous plonge dans ce monde d’injustices, révoltant. Il s’agit de trouver notre place, d’être à leur service dans les dimensions spirituelles, culturelles et humaines, hors des urgences assurées par nombre d’associations engagées”, assure le délégué épiscopal. Depuis, un nouveau comité diocésain de la pastorale des migrants s’est constitué. Il est avant tout un lieu de relecture et de vie fraternelle en lien avec les réseaux existants.

Pour ce 29 septembre 2024, le thème de la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, choisi par le pape François est : “Dieu marche avec son peuple”. Invité à rejoindre le doyenné de Salins-les-Bains, Étienne se rendra à la messe des peuples célébrée par le P. Charles Kibangu, prémontré congolais, curé de Salins. Une rencontre conviviale et un repas partagé entre personnes accompagnées et accompagnants du Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile), du Secours catholique et d’autres structures locales sont ensuite prévues. Les acteurs du CCFD-Terre solidaire animeront des temps d’ateliers et musicaux. Ainsi s’annonce le jour de fête et de joie pour toutes les personnes fragiles.

repas partagé dans le diocèse de Saint-Claude

La posture du semeur

Parmi les propositions existantes, le département compte une dizaine de Jardins du Partage animés par le réseau Solidarité Paysans Jura. Le principe ? Créer du lien social et favoriser la découverte de la nature, en proposant aux personnes bénéficiaires d’accompagnement social de s’initier du jardinage avec des bénévoles soucieux de partager leur savoir-faire. Le Secours catholique est partenaire de trois de ces jardins à Cousance, Poligny et Dole. “C’est un très beau lieu où se vivent les deux dimensions de la diaconie et de l’écologie intégrale. Ici à Poligny, la maison diocésaine dispose encore de 1,5 hectares de parc : un espace superbe à investir”, se réjouit l’ancien travailleur agricole. Avec les jeunes adultes du Cada, il organise déjà un atelier par mois. Désherbage pour le plaisir d’être utile et de discuter, création de petites pancartes qui indiquent le nom des plantes, cueillette de pommes en lien avec ATD-Quart Monde qui fabrique ensuite du jus, etc. “Ces ateliers sont au service de la rencontre et de l’accueil. La joie se lit sur les visages de tous les participants”, souligne Étienne, qui, outre le Troc plantes qu’il propose chaque printemps au personnel de la maison, aux habitants de Poligny, aux bénéficiaires et accompagnateurs du jardin partagé, souhaite progressivement créer davantage d’évènements.

jardins partagés dans le diocèse de Saint-Claude

La maison diocésaine s’est engagée, avant l’arrivée du délégué épiscopal, dans la démarche de labellisation Église verte. Elle obtient en juillet 2023 le niveau “cep de vigne”, gage de son désir de conversion écologique. Dans le cadre du Temps pour la Création, entre le 1er septembre et le 4 octobre, la fête sainte Hildegarde de Bingen, ce 17 septembre, a été valorisée. “Notre maîtresse de maison, qui a une dévotion particulière pour la sainte, m’a sollicité. Nous avons proposé un temps de prière pour tous les membres de la maison et demandé à notre cuisinier de préparer un repas avec les préconisations de la prophétesse de la diététique”, explique le délégué épiscopal. Ce dernier s’attache à être disponible de façon transversale aux différents pôles pastoraux du diocèse. Il y a peu de temps, il a animé une séance de catéchisme dans une école voisine avec le responsable de l’évangélisation des jeunes et préparé un atelier pour contempler le jardin. D’ailleurs les responsables de service forment ensemble la Fraternité des missionnaires diocésains. “C’est une grande joie ! Nous sommes invités à vivre ensemble les cinq essentiels de la vie chrétienne (prière, fraternité, formation, service, évangélisation). Sur cette base, nous pouvons partager nos doutes, difficultés ou craintes : cela crée un lien de vérité entre nous”, révèle Étienne. Outre les mots de Laudato si’, la Parole qui le porte est tirée de l’Évangile de Matthieu au chapitre 25 : “J’avais soif et vous m’avez donné à boire”. Il ponctue : “C’est universel ! Cette soif de notre humanité et de notre terre, nous met en lien avec les besoins de toute la Création. Je me sens très petit au regard du dynamisme d’autres diocèses. Mais je vois de nombreux germes appelé à croître, comme autant de petites joies qui nomment mon espérance.

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