Rome : Saint-Jean-de-Latran, à la suite des premiers apôtres

la basilique Saint-Jean-de-Latran

La basilique Saint-Jean-de-Latran est l’une des quatre basiliques majeures de Rome et la cathédrale de l’évêque de Rome. Dédiée au Sauveur, à Jean le Baptiste et à saint Jean l’évangéliste, elle invite le pèlerin à s’inscrire dans les pas des premiers apôtres et à renouveler les vœux du baptême. Par Florence de Maistre. 

“Donnons-nous rendez-vous devant la grande façade majestueuse de la basilique Saint-Jean-de-Latran. Elle est située dans le quartier du Coelius, l’une des sept collines de Rome. C’était dans l’Antiquité un quartier très vivant, populaire”, commence Sophie de Cibeins, membre de l’association Rencontres Romaines et accompagnatrice de pèlerinages à Rome pour des groupes de grands-parents et petits-enfants avec Ichtus voyages. La basilique consacrée en 324 par le pape Sylvestre Ier est la plus ancienne de Rome. Elle est également la cathédrale de l’évêque du diocèse de Rome : le Pape. La cathèdre, chaire épiscopale du successeur de Pierre et du père de tous les prêtres de Rome, se dresse ici. Le fronton de l’édifice porte l’inscription suivante : “Mère et tête de toutes les églises de la ville et du monde”.

L’appellation Latran vient de la grande famille des Laterani. Depuis l’empereur Néron, la demeure et les biens de cette famille ont été confisqués et transformés en caserne de la garde montée impériale. Lorsqu’en 312 Constantin gagne la bataille du pont de Milvius, il se saisit des terrains de son rival Maxence et y édifie la première église de Rome. “La veille de la bataille, Constantin aurait entendu, en songe, une voix lui dire : par ces signes tu vaincras. Il s’agit du monogramme du Chrisme, des lettres superposées I et X qu’il place alors sur les étendards de ses soldats. Victorieux, il reconnaît le christianisme comme religion, accorde la liberté de culte aux chrétiens jusqu’alors persécutés, donne au Pape ce site du Latran”, raconte Sophie de Cibeins. En 313, il signe effectivement l’édit de Milan et sera baptisé à la fin de sa vie en 337. La basilique du Latran est d’abord consacrée sous le titre du Très-Saint-Sauveur, avant d’être également dédiée à saint Jean-Baptiste en raison du grand baptistère qui la jouxte dès sa création. Depuis le XIIe siècle, elle est aussi dédiée à saint Jean l’évangéliste.

Depuis l’Antiquité

L’antique basilique est appelée d’or, tant elle était décorée d’œuvres riches d’orfèvrerie et d’argent. Très vite, un palais est également construit pour héberger l’évêque. Quelques vestiges sont encore appréciables. L’endroit est ensuite fortifié et entouré de murailles. Comme Saint-Paul-hors-les-Murs, la basilique est détruite plusieurs fois. Elle subit invasions, incendies et tremblements de terre, mais elle est toujours reconstruite. Au Moyen-Âge, le pèlerin pouvait voir des statues à l’effigie de la Louve de Rome, du Tireur d’épine, mais aussi nombre de reliques dont le puit de la Samaritaine, la dalle sur laquelle la tunique du Christ a été jouée aux dés, des morceaux de la table de la sainte Cène ou encore la scala santa : l’escalier que le Christ a emprunté avant de se présenter devant Pilate. “Il aurait été transféré par sainte Hélène, la mère de Constantin. Il est toujours installé tout près du palais. Aujourd’hui encore des pèlerins le montent à genoux”, précise la guide de Rome. Depuis sa construction en 313 jusqu’en 1309 et l’exil en Avignon, c’est-à-dire pendant dix siècles, le domaine du Latran est la résidence du Pape.

De retour à Rome, soixante-dix ans plus tard, le palais est inhabitable. Le Pape choisit alors de se fixer sur la colline du Vatican à côté de l’antique basilique Saint-Pierre. “Mais il a une grande volonté de faire revivre l’héritage du Latran, en raison des évènements historiques majeurs qui s’y sont déroulés, notamment les nombreux conciles qui s’y sont tenus dont cinq oecuméniques. L’ensemble est restauré dès Martin V et par les Papes successifs. On peut voir les apports de chacun et les grandes transformations. La façade du XVIIIe siècle de l’architecte Alessandro Galilei est très impressionnante”, rapporte Sophie de Cibeins. La dernière intervention date du XIXe siècle. Le pape Léon XIII agrandit la basilique derrière le chœur de façon à accueillir davantage de fidèles. À noter, Pie XI crée sur place en 1926 le musée missionnaire ethnologique, déplacé depuis dans l’enceinte de la cité du Vatican. Trois ans après, il signe avec Mussolini les accords de Latran. La fameuse question romaine est désormais résolue. La souveraineté de l’État du Vatican, ainsi que le rôle du Pape sont établis. Le Latran est, en revanche, toujours le lieu du vicariat et de la direction du diocèse de Rome.

la nef de Saint-Jean-de-Latran

La vocation d’apôtre

La façade de la basilique laisse deviner cinq nefs derrière les cinq immenses portes. Une loggia de bénédiction les surmontent. Au sommet : le Christ bénit les pèlerins. Il est entouré par saint Jean évangéliste et saint Jean-Baptiste, ainsi que douze docteurs de l’Église latine et grecque, comme saint Jérôme et saint Grégoire, qui forment l’unité de la doctrine. La porte centrale est en bronze et date de plus de 2000 ans. Elle provient du Forum où le sénat romain se réunissait. À sa droite, la porte sainte n’est ouverte que tous les vingt-cinq ans. Elle est l’occasion d’évoquer l’histoire des années jubilaires et les démarches de conversions proposées. C’est au Latran, en 1300, que le pape Boniface VIII annonce le premier jubilé formel avec la démarche pèlerine à Rome et non plus à Jérusalem. Dans le cadre de l’année jubilaire “Pèlerins de l’Espérance”, le pape François a solennellement ouvert cette porte sainte le dimanche 29 décembre 2024. C’est au jour de la fête de la sainte Famille, le 28 décembre 2025, que le pape Léon XIV devrait la refermer. “Des bas-reliefs de la vie de saint Jean-Baptiste sont sculptés sous le porche. On trouve aussi de grandes statues de Constantin, qui n’est pas un saint du calendrier catholique mais reconnu comme tel chez les orthodoxes”, indique l’accompagnatrice de pèlerinage.

En entrant dans la basilique, le regard est attiré en premier par le pavement. “Il est de style cosmatesque. C’est l’œuvre d’une famille d’artistes qui récupéraient les pierres de marbres colorés antiques pour former ces magnifiques motifs décoratifs”, précise Sophie de Cibeins. Puis le visiteur pénètre dans la nef, longue d’environ 100 m comme sur le plan d’origine et réaménagée en 1650 par Francesco Borromini. “Sobre, blanche, elle joue sur les contrastes d’ombres et de lumières et met en valeur les statues des douze apôtres. Chacun est représenté avec ses symboles et signes de martyr. C’est intéressant d’essayer de les reconnaître”, poursuit la guide. Au centre de la nef, des bas-reliefs font dialoguer l’Ancien et le Nouveau Testament, en correspondance à gauche et à droite. Ainsi d’un côté, Jonas sort de la baleine. En face, le Christ sort du tombeau. Quand Joseph est vendu par ses frères, le parallèle est fait avec la trahison de Judas. Ou encore le déluge avec le baptême du Christ. En remontant la nef, une fresque de Giotto représente Boniface VIII proclamant le jubilé de 1300. Une pierre tombale fait mémoire du pape Sylvestre. Martin V, Clément VII et Léon XIII sont d’ailleurs enterrés au Latran en signe de leur attachement à cette basilique. Dans le ciborium, petit baldaquin au-dessus de l’autel, deux reliquaires conservent les restes des têtes de saint Pierre et saint Paul.

Enfin la mosaïque centrale du IVe siècle et reprise au XIIIe, manifeste sur fond doré, toute la symbolique du baptême. La Trinité est présente à travers la colombe de l’Esprit saint, le doigt du Père et la figure du Christ. Une croix glorieuse resplendit sur une colline. Les biches du psaume 42 s’abreuvent aux quatre fleuves de la Parole. Neuf apôtres sont répartis de chaque côté de l’eau vive. Dans leurs mains, un écriteau confesse chacune de leur profession de foi : ils s’engagent à poursuivre la mission d’évangélisation. La Vierge, Pierre, Paul, André, Jean-Baptiste, Jean l’évangéliste, François d’Assise, Antoine de Padoue et le pape Nicolas IV, ce dernier étant représenté agenouillé, invitent chacun à méditer sur l’église apostolique avec. “Dans un songe, Innocent X aurait vu le Latran s’écrouler et être retenu par un pauvre en haillon. Le Pape aurait reconnu François d’Assise relever l’église en ruine et l’Église universelle. Il approuva alors la règle de l’Ordre naissant”, commente la guide. En sortant, le cloître roman est remarquable. Il date du XIIIe.

Un seul baptême

L’obélisque est situé du côté nord de la basilique. Haut de 36 m, c’est le plus grand de tous les obélisques égyptiens connus. La colonne provient du Cirque Maxime de Rome. Sixte V, pape connu pour ses talents d’urbaniste, la transfère sur la place du Latran en 1588. Elle permettait alors aux pèlerins de reconnaître de loin potentiellement une église et un lieu d’accueil. Dans le narthex de ce même côté se trouve une statue d’Henri IV, sacré roi de France en 1594 à Chartres. Pour s’octroyer les bonnes grâces du Pape, il renouvelle la donation des revenus de l’abbaye de Clairac (Lot-et-Garonne) au Latran, comme initié par Louis XI. Il est fait en retour chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran. Ce titre honorifique revient depuis aux rois de France, puis aux chefs d’État français pour peu qu’ils se déplacent jusqu’à la basilique pour le recevoir. Une messe pour la France est célébrée sur place chaque année le 13 décembre, jour anniversaire d’Henri IV.

Enfin en quittant la basilique, le pèlerin peut se rendre au baptistère Saint-Jean-de-Latran qui date du IVe siècle. L’édifice, situé sur un ancien aqueduc, est le premier et unique connu à Rome. Tous les chrétiens de Rome de cette époque ont été baptisés ici. Il a également servi de modèle aux autres baptistères de tout le Moyen-Âge. “Son plan de forme pentagonale s’appuie sur huit colonnes de porphyre et représente les sept jours de la semaine plus le huitième : celui de la Résurrection, explique l’accompagnatrice de groupes à Rome. La personne qui demande le baptême doit descendre trois marches pour renoncer au “vieil homme” qu’elle est, avant d’être immergée par trois fois et de confesser la foi de l’Église catholique. Elle remonte par le côté opposé pour signifier la créature nouvelle qu’elle est devenue par le sacrement du baptême ainsi reçu.

Près des fonts baptismaux, une fresque rappelle la vie de Constantin : son songe, le signe sur les étendards, son baptême. Quatre chapelles ont été ajoutées, dont une en l’honneur de saint Jean l’évangéliste qui abrite une mosaïque antique d’oiseaux et de fleurs. Une autre est dédiée à saint Jean-Baptiste. De cette dernière, il ne reste que les portes qui font entendre un tintement lorsqu’elles s’ouvrent. Sophie de Cibeins partage : “Ce baptistère est très émouvant. On peut passer du temps à l’explorer. Le baptême par immersion prend ici tout son sens, on le comprend avec tout son corps”. En levant les yeux, le pèlerin peut observer l’entablement des colonnes et lire cette inscription, l’une des plus anciennes du monde chrétien concernant le baptême : Ici naît pour le Ciel un peuple de lignée divine, engendré par l’Esprit fécondateur de ces eaux. Vous qui êtes nés à cette source, vivez dans l’espérance du Royaume des cieux. Ici est la source de vie qui lave tout l’univers, jaillissant des plaies du Christ. Cette eau – qui reçoit le vieil homme qui s’y plonge – fait surgir l’homme nouveau. Plus rien ne sépare ceux qui y renaissent : Un seul baptême, un seul Esprit, une seule Foi : ils sont devenus UN.

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