A propos du spectacle de Romeo Castellucci « Sur le concept du visage du fils de Dieu »

Note aux évêques de Mgr Pascal Wintzer, Administrateur Apostolique du diocèse de Poitiers, Président de l’Observatoire Foi et Culture de la Conférence des Evêques de France, a propos du spectacle de Romeo Castellucci « Sur le concept du visage du fils de Dieu », rendue publique le 16 novembre 2011.
 

Wintzer Pascal - Poitiers

La réflexion proposée ici est plus développée que ne le sont ordinairement les fiches proposées par l’Observatoire Foi et Culture.
La polémique qui est le point de départ de ces pages est, selon moi, révélatrice d’enjeux plus profonds : il s’agit de notre place dans le monde ; il s’agit de la mission ; il s’agit de l’espérance.
J’ai aussi voulu me référer à quelques auteurs qui nous aident à percevoir et à évaluer ces enjeux.

Mgr Pascal Wintzer
Administrateur Apostolique du diocèse de Poitiers
Président de l’Observatoire Foi et Culture de la CEF

Choisir le dialogue et la confrontation

Avant tout, comme nous y invite le Pape Benoît XVI , je choisis la voie du dialogue et sa fécondité. C’est pourquoi je veux déplorer les manifestations qui se sont exprimées tant à l’extérieur que dans la salle même du Théâtre de la Ville, à Paris, à l’occasion des représentations du spectacle de Romeo Castellucci « Sur le concept du visage du fils de Dieu ». Si elles veulent exprimer la révolte de certains face à ce spectacle, elles blessent les relations que l’Eglise catholique s’est toujours efforcée d’entretenir avec les arts et les artistes. Ces relations se lisent tout au long de l’histoire chrétienne. Elles ont été récemment encouragées par le cardinal Gianfranco Ravasi, Président du Conseil pontifical pour la culture, dans un entretien publié dans le journal La Croix, en date des samedi 14 et dimanche 15 novembre 2009, à la page 9 : « Nous croyons à la possibilité d’une rencontre entre la foi et l’art, pourvu que l’art sorte de son impuissance provocatrice. De même l’Eglise ne doit plus s’en tenir à une récupération hasardeuse de styles anciens et à des productions artisanales sans ambition. Elle doit accepter la confrontation avec ces nouvelles grammaires, avec ces nouvelles modalités d’expression. Ce dialogue-là serait fécond pour elle. »

Pas de religion sans culture

Dans nos diocèses, nombreuses sont les initiatives qui voient de telles rencontres, à l’occasion d’expositions, de l’accueil de spectacles dans des églises, de festivals, de commandes aussi.
Ces exemples contredisent l’idée d’un christianisme de plus en plus replié sur lui-même et se développant en dehors de la société et de la culture. Adoptant une telle attitude, le christianisme se contredirait lui-même, il oublierait l’attitude des Pères qui, au sein du monde hostile qu’était l’Empire romain, ont toujours travaillé à rencontrer les lettrés de leur temps.

Le philosophe et spécialiste de l’Islam Olivier Roy alerte sur les conséquences désastreuses pour la civilisation d’un découplage entre les religions et la culture. Dans le livre intitulé La sainte ignorance (Seuil, 2008), et sous-titré Le temps de la religion sans culture, il souligne les conséquences d’une religion « pure », c’est-à-dire détachée de la culture :
« La déculturation […] transforme en barrière l’espace entre le croyant et le non-croyant, qui ne partagent plus ni orthopraxie ni valeurs communes. C’est tout l’espace intermédiaire des croyants non pratiquants, pratiquants nominaux, incroyants culturellement religieux, qui disparaît. Aux yeux des croyants, les tièdes, les refroidis, ceux qui n’ont pas fait leur deuxième conversion (born again) font en fait partie du monde profane, voire du monde païen. Inversement, le croyant paraît incongru, voire fanatique, au non-croyant.
Les croyants se vivent désormais comme minoritaires environnés par une culture profane, athée, pornographique, matérialiste, qui a choisi les faux dieux : l’argent, le sexe ou bien l’homme lui-même. Et cela même si statistiquement les croyants sont majoritaires, comme aux Etats-Unis » p. 23.

Sortir du rêve d’une société naturellement chrétienne

Là est certainement le grand défi devant lequel l’histoire nous place. Puisant sa lumière à l’Amour extrême de Dieu pour le monde, le Concile Vatican II nous a encouragés à regarder avec estime nos sociétés. Certains que Dieu aime ce monde, nous savons qu’il n’existe pas, comme il n’a jamais existé, de société qui par elle-même serait accordée à l’Evangile. Penser le contraire, c’est douter de la capacité de ce dernier à se dire dans la langue de chacun, comme l’annonce la Pentecôte, et s’enfermer dans l’illusion de la recherche d’une langue commune, comme le fit Babel.

Il n’y a donc pas de culture « pure », de culture apte par elle-même à exprimer la foi chrétienne. Penser cela, le pratiquer, ce serait « expurger » des cultures, voire des églises. Selon quels critères ? Quelle expression artistique serait-elle « pure » ? Et laquelle « impure » ?
Le dialogue entre « l’Evangile de Dieu » et les cultures ne pose pas ces deux réalités l’une en face de l’autre.
« L’Evangile de Dieu » ou « l’Evangile de son Fils » n’existe qu’en la personne de Jésus mort et ressuscité. Il n’existe pas en soi dans une société, il est toujours inscrit dans des cultures, celles que se forgent inlassablement les hommes en quête du vrai, du beau, de la transcendance, au sein des drames de l’existence et de son apparente absurdité. Ces cultures modèlent les mondes, les sociétés, où nous vivons.
Le chrétien est celui qui déchiffre la présence et la quête de Dieu au cœur du foisonnement de la vie et des expressions culturelles.

Se mettre au travail

Plutôt qu’à l’invective et à la condamnation, c’est au travail que nous sommes appelés, travail par lequel chacun prend le temps de comprendre qui est l’autre et ce qu’il veut dire. Le dialogue est un travail de l’esprit et du cœur. Il est emprunt de modestie. Il est écoute bienveillante. Il est parole qui oriente vers le vrai et le beau. Il met sa joie dans la recherche partagée de la vérité.
Le dialogue exclut tout amalgame et tout mépris. Il nous invite à sortir du simplisme selon lequel les artistes sont des provocateurs, des blasphémateurs. Il nous appelle à prendre le temps de les interroger, ou tout simplement de lire ce qu’ils disent de leurs œuvres. Une religion sans culture devient une religion sans curiosité, et même sans intelligence.
Dans bien des œuvres contemporaines, qu’elles soient picturales ou théâtrales, les sujets représentés ne sont plus « religieux », ils n’illustrent plus des scènes bibliques, pour autant la question de Dieu, du spirituel, est portée de bien des manières. Ils expriment les inquiétudes face à un monde désenchanté, une nature vide, mais qui demeure, peut-être, un espace ouvert et disponible.
Nous sommes souvent entre deux iconoclasmes. Celui de metteurs en scène qui refusent des images lénifiantes de Dieu, images qui occultent les drames et les souffrances. Et l’iconoclasme de ceux qui, « protégeant » les seules images idéalisées, préfèrent détruire les autres.
Il ne faut pas nier qu’il y ait, de part et d’autre, de la provocation volontaire. Celle des artistes n’est pas de même nature que celle des manifestants. Mais, allons au-delà. L’enjeu profond est celui de la véritable espérance : d’une part, est dénoncée une espérance discréditée et illusoire qui se voile la face en ignorant les drames de l’homme et de l’histoire ; d’autre part, est brandie, tel un étendard, une espérance qui s’apparente plus à un slogan qu’à un chemin.

Au-delà de provocations qu’il faut cependant s’efforcer de comprendre, ne pouvons-nous pas nous accorder à reconnaître que la provocation qui construit et élève, c’est la beauté ? Aux artistes invités à la chapelle Sixtine, Benoît XVI affirmait : « Une fonction essentielle de la véritable beauté, en effet, déjà évidente chez Platon, consiste à donner à l’homme une  »secousse » salutaire, qui le fait sortir de lui-même, l’arrache à la résignation, au compromis avec le quotidien, le fait souffrir aussi, comme un dard qui blesse, mais précisément ainsi le « réveille », en lui ouvrant à nouveau les yeux du cœur et de l’esprit, en lui donnant des ailes, en le poussant vers le haut. L’expression de Dostoïevski que je vais citer est sans aucun doute hardie et paradoxale, mais elle invite à réfléchir :  »L’humanité peut vivre – dit-il – sans la science, elle peut vivre sans pain, mais il n’y a que sans la beauté qu’elle ne pourrait plus vivre, car il n’y aurait plus rien à faire au monde. Tout le secret est là, toute l’histoire est là ». Le peintre Georges Braque lui fait écho :  »L’art est fait pour troubler, alors que la science rassure ». La beauté frappe, mais précisément ainsi elle rappelle l’homme à son destin ultime, elle le remet en marche, elle le remplit à nouveau d’espérance, elle lui donne le courage de vivre jusqu’au bout le don unique de l’existence. » Benoît XVI, Discours aux artistes (21 novembre 2009).

Pour déchiffrer et comprendre

Une œuvre moderne est un message complexe, qu’il faut pouvoir décrypter, dans un dialogue à la fois avec l’œuvre, son auteur et son époque.
Des textes bibliques aussi, sont scandaleux. Il faut savoir les recevoir et les interpréter. Les prophètes n’ont pas hésité à réveiller les consciences endormies par des actes provocateurs, apparemment scandaleux et absurdes. Et puis, depuis le dadaïsme et le surréalisme, le scandale et la provocation font partie de la recherche artistique.
Plus que la beauté, une notion remise en cause, c’est la révolte, la provocation, le refus qui se manifestent chez des artistes contemporains.
Pour la critique d’art Catherine Grenier, qui s’exprime dans un article de La Croix, en date des 5 et 6 mars 2005, « Toute l’histoire de l’art moderne ne se fonde-t-elle pas sur l’idée de rupture, et le public n’a-t-il pas montré son étonnement, souvent son rejet d’un art […] destructeur de toutes les valeurs : la beauté, l’harmonie, la pérennité ? […]
Dans l’acte créateur, destruction et création participent d’un même mouvement. Les deux forces sont contradictoires, mais irriguées l’une par l’autre. »

Pour écouter

Le metteur en scène Pierre Debauche, fondateur et directeur du Théâtre du Jour à Agen, que j’ai interrogé au sujet de l’actuelle polémique suscitée par le spectacle de Romeo Castellucci, tient ces propos :
« Il faut que vous sachiez que je suis un artiste athée mais qu’à travers un des mes courts poèmes je revendique un statut particulier : « la bonté appartient à ceux qui la pratiquent ».
Depuis 25 siècles notre théâtre tend un miroir à la société et s’y reflètent toutes les violences imaginables.
Quand Sophocle nous montre Clytemnestre assassinant à la hache dans sa baignoire Agamemnon, ou Médée tuant ses enfants, ceci a deux caractéristiques : faire partie de l’humanisme de notre imaginaire, cependant qu’il y a matière à protestation.
Dans mon enseignement, je formule comme ceci le projet de théâtre auquel je travaille depuis 55 ans :  » tout projet théâtral est la recherche d’un bonheur possible ». J’ai donc du mal à saisir la provocation comme une bonne idée. Mais j’en perçois la source dans tant d’indifférences devant notre société du malheur obligé, que je souscris par ailleurs à tout esprit de révolte. La pire hypothèse serait que faute de provocateurs, l’imaginaire commun que les siècles ont fondé s’enfonce dans un scénario à la Titanic par le seul poids des indifférences.
Donc je continue de revendiquer à titre personnel la bonté comme mode de connaissance, et comme athée, j’ai gardé le sermon sur la montagne comme un de mes textes de référence. »

Tout l’enjeu est alors celui de l’interprétation des œuvres. Elles sont d’abord à recevoir en fonction de leur esthétique et de l’émotion qu’elles suscitent. Cependant, elles ont aussi un message théologique à transmettre. Mais celui-ci est existentiel avant d’être dogmatique ou biblique.
Pour se livrer à cette interprétation, Jérôme Cottin (cf. La mystique de l’art, Cerf, 2008) invite à prendre en compte cinq éléments :
– la situation de l’artiste : qui il est et ce qu’il a voulu dire ;
– le contexte historique dans lequel cet artiste vit et s’exprime ;
– le langage artistique qu’il utilise, le sien propre ou celui du groupe ou mouvement dont il se réclame ;
– le thème du tableau et le titre de l’œuvre ;
– le lieu d’élaboration, de réception et d’exposition.
Au-delà de la réaction première et immédiate à une œuvre, il convient de rechercher son sens ultime, ce qui suppose un travail d’analyse qui passe par la distanciation et la verbalisation.

Ne pensons pas que les éléments les plus matériels, mêmes triviaux, de notre existence, ne soient pas porteurs de sens. Un des meilleurs cinéastes français actuels, Bruno Dumont, dont on peut voir le dernier film Hors Satan sur les écrans, tient ces propos : « Je filme la nature qui est visible, dans l’espoir de trouver l’invisible. »

Pour regarder

Celles et ceux qui attaquent Romeo Castellucci ont-ils lu ou écouté ses propos ?
« Un jour, en feuilletant un livre, je suis tombé sur ce portrait de Jésus que j’avais étudié des années auparavant, aux Beaux-Arts de Bologne. J’ai littéralement été saisi par ce regard qui plonge dans vos yeux : j’ai marqué une pause, très longue, qui n’avait rien de naturelle et j’ai compris qu’une rencontre s’opérait. Je n’étais pas seulement devant une page de l’histoire de l’art, mais devant autre chose. Il y avait un appel dans ce regard. C’était lui qui me regardait, tout simplement. Dans Sur le concept du visage du fils de Dieu, ce regard du Christ est central et rencontre chaque spectateur, individuellement. Le spectateur est sans cesse observé par le fils de Dieu. Montrer le visage du fils de Dieu, c’est montrer le visage de l’Homme, Ecce Homo saisi au moment de la fragilité qui ouvre à la Passion. […].
Jésus est depuis toujours le modèle de l’Homme. Depuis la crucifixion, Dieu s’est abaissé jusque dans notre misère la plus triviale : il nous précède dans la souffrance en général, et dans celle de la chair en particulier […].
Pas de polémique, pas de blasphème, pas de raccourci de pensée ni de caricature idiote : ce que je fais requiert une lecture patiente, du temps et de la réflexion. Ce que je fais est un appel à l’intelligence et à la sensibilité de chacun des spectateurs. A la fin du spectacle, un voile noir coule sur le portrait du fils de Dieu : Dieu se retire dans le brouillard du fond de scène, depuis lequel il avait fait son apparition. Il est venu à nous et nous a regardés : il l’a fait. » (Dossier de presse du Festival d’Avignon 2011).

Chacun est donc renvoyé à lui-même, au regard qui est porté sur lui, comme au regard qu’il porte sur l’autre, et sur une œuvre.
Laurent Wolf insiste sur ce point dans le numéro d’Etudes de mars dernier.
« Ce qui choque dans l’art de notre époque, ce ne sont pas les images en tant que telles – n’importe qui peut voir pire tous les jours – mais le regard. Dans les reportages de guerre et même dans la publicité, c’est l’objet qui est obscène et pornographique, la violence étalée, le luxe inaccessible, la nudité comme appât pour autre chose qu’elle-même… Quand les artistes s’emparent de ces objets, il n’en reste rien d’autre que le rien. Pas de langage commun, pas de vie ensemble, la nudité fonctionnelle du monde, le regret du paradis perdu, le vide. A ce vide, il est tentant d’opposer la règle. A ce regard sur un monde sans morale, si ce n’est le désir de morale, il est tentant d’opposer l’interdit.
Et ce qui surprend dans la volonté de fixer les limites, de faire d’une règle particulière la règle générale, et d’interdire au nom de soi-même et de quelques autres parce qu’il n’y a plus d’instance extérieure, c’est qu’il ne s’agit ni de morale ni de règles mais de regard, d’une manière de voir et de considérer ce que la morale et la règle devraient être. Pas de paroles échangées, pas de langage partagé. Seulement le regard sur l’absence » p. 375. L’artiste, la règle et l’interdit, Laurent Wolf, Etudes mars 2011, n° 4143, p. 365-375.

Or, sur la scène du Théâtre de la Ville, il y avait un regard. Un regard dont on peut interroger la force ou la faiblesse ; un regard au sujet duquel est posée la question de son éventuelle impuissance ; mais un regard quand même.
Puis-je vous avouer que ce regard m’a aussi marqué durant l’été dernier ?
Visitant la ville de Gênes, j’ai été ébloui par un « Ecce homo » d’Antonello de Messine. Ce tableau se trouve dans un des plus beaux palais de la ville de Gênes, qui en compte de nombreux et de magnifiques. Même si ces palais sont désormais des musées, ils ne sont pas vraiment des musées, ils sont des demeures, certes dépourvues d’habitants, mais dont les pièces se découvrent à vous comme venant presque d’être quittées par ceux qui occupaient une chaise ou un fauteuil.
Dans ce tableau d’Antonello de Messine le Christ dans sa passion y arbore une moue où se lit davantage son étonnement navré face à ceux qui le condamnent que la souffrance. Puissent son attitude et son regard nous instruire. Encore faut-il savoir regarder ce regard à nul autre pareil. Le drame de l’existence voile nos regards sur ce regard. Et si Romeo Castellucci nous aidait à quitter nos aveuglements pour voir l’invisible regard du visage du Fils de Dieu ?

Et savoir interroger, voire refuser

Pour autant, il serait naïf de ne poser aucune question à aucun artiste ni à aucune œuvre. Oui, il existe des œuvres qui, si elles sont une insulte aux croyances et aux croyants, sont avant tout un mépris de l’homme. Ce sont ces œuvres qui ignorent volontairement l’histoire de l’art et refusent tout dialogue avec elle.
« En art, rien n’est jamais innocent, il n’y a pas de forme  »objective » car il n’y a pas de désir neutre, et se cacher derrière la raison pour construire une œuvre ne garantit pas qu’on ne fournisse pas involontairement à l’autre une échappée sur nos déraisons. Créer une œuvre volontairement  »in-signifiante » en dit autant sur l’artiste que s’il en crée une pleine de sens. La différence est que la première ne nourrira pas la conscience du spectateur et ne renforcera donc pas ses défenses contre les pulsions autodestructrices qui font de la vie un combat de tous les jours. Elle ne sera pas un régénérateur de vitalité comme pourra l’être la seconde. En revanche elle exprimera ingénument l’être de son émetteur » François Chevallier, La société du mépris de soi, Gallimard, 2010, p. 20.

D’autre part, dans une société où l’image est omniprésente, grâce à ces écrans qui ne nous quittent plus, nous avons paradoxalement oublié la puissance des images. Pour Jean Clair, « nous ne savons plus ce que les images veulent dire et peuvent faire. S’il y a un choc des civilisations, il passera par le choc des images. Donc par l’art et par le musée. La guerre des images est une guerre théologique fondamentale. Le mot expose, explique, apaise ; mais l’image impose. » (Le Point, 11 octobre 2007).
L’image s’impose pour tenter de donner à voir la beauté, au sein même de nos tragiques histoires, au creuset des déchéances les plus ordinaires et triviales. Là, où est la beauté ? Pour Romeo Castelluci l’image du visage de l’homme et de sa beauté a une source : « J’ai toujours été fasciné par l’image du Christ, par le mystère de cette beauté, par cet ecce homo qui fait de Jésus un homme. Le visage du fils de Dieu, à travers l’histoire de la peinture, a modelé celui de l’homme. L’invention du visage par la peinture, c’est le Christ » (Le Monde, 27 octobre 2011)

S’il existe des œuvres qui, volontairement, se refusent à tout dialogue, avec l’histoire de l’art, avec le contexte social, culturel, religieux, dans lequel elles s’inscrivent néanmoins, gardons-nous de suivre un tel chemin. Il faut savoir rencontrer et interroger et les œuvres et les artistes, au risque de ne produire qu’un discours solipsiste. Le risque, en l’absence d’un sens commun partagé, est d’encourager la parcellisation des hommes. Chaque groupe, chaque communauté, chaque chapelle, étant alors seule apte à dire ce qui la concerne. Là où rien ne peut plus être dit à l’autre, et là où l’autre n’accepte rien de ce que est dit de lui, l’individu triomphe peut-être, mais la communauté humaine est en péril.

+ Pascal Wintzer
Administrateur apostolique de Poitiers
Observatoire Foi et Culture

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