Interview de Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille
Prenant la suite du Cardinal de Panafieu en 2006 en tant qu’archevêque de Marseille, Monseigneur Georges Pontier, 76 ans, s’apprête à son tour à quitter ses fonctions pour raison d’âge. L’occasion de revenir avec lui sur ce qui a marqué ces 13 années passées à la tête de ce diocèse et ses deux mandats à la présidence de la Conférence des évêques de France.
Monseigneur, le dimanche 30 juin 2019 en la cathédrale de la Major, vous célébrerez une messe d’au-revoir. Quelles actions de grâce souhaiteriez-vous formuler à cette occasion ?
Je rends grâce pour le visage de la communauté chrétienne qui est dans ce diocèse de Marseille, pour tous les baptisés qui essaient de vivre leur vocation et leur mission dans les réalités d’aujourd’hui. Au cœur de la cité phocéenne, les chrétiens sont placés du côté de l’engagement auprès des plus pauvres. Je pense notamment aux maraudes de nuit auprès des personnes de la rue, aux communautés dans les quartiers nord de Marseille qui ont le désir de réussir la rencontre islamo-chrétienne.
Je rends grâce pour la variété du presbytérium, composé de prêtres diocésains mais aussi de nombreux religieux. Je rends grâce pour les vocations sacerdotales et les ordinations célébrées.
Je rends grâce pour la présence des communautés de rite oriental : maronites, melkites, assyro-chaldéens, arméniens… Elles nous rendent attentifs aux drames qui ont lieu au Moyen-Orient, notamment pour les chrétiens.
Je rends grâce pour les bonnes relations avec les autres confessions, à travers Marseille Espérance, pour les liens avec le tissu associatif, pour les rapports cordiaux avec les élus locaux. Vraiment, dans ce diocèse, il y a une forme de tolérance et d’accueil est qui réelle !
Que pouvez-vous dire de la piété populaire à Marseille, et notamment de l’attachement des Marseillais à la Bonne Mère ?
Notre Dame de la Garde, la Bonne Mère, fait partie de la culture du marseillais, quel qu’il soit. A la Bonne Mère, montent des personnes de toutes confessions, qui ont un vrai sentiment de proximité de Marie dans leur vie. On peut y présenter son nouveau-né le premier samedi de chaque mois et à cette occasion rendre grâce pour la vie donnée. Aussi, la Bonne Mère travaille à la fraternité, à la rencontre, au respect de chacun.
Monseigneur, à la fois en tant qu’évêque et en tant que président de la Conférence des évêques de France, vous vous êtes beaucoup investis pour l’accueil des migrants : avez-vous vu le regard des chrétiens changer sur leur sort ?
Les chrétiens en Europe occidentale vivent dans une société réticente à l’accueil des migrants, voire, qui en a peur. Ce n’est donc qu’à la lumière de l’Evangile qu’ils sont invités à vivre cette réalité. Cela passe par un travail de conversion et d’accueil de la Parole de Dieu ! On ne peut pas arracher des pages entières d’Evangile où l’on voit Jésus nous parler de l’accueil de l’étranger. La fraternité et l’accueil sont au cœur du message évangélique.
Je crois que dans l’ensemble, que ce soit à Marseille ou plus largement en France, la communauté chrétienne comprend que c’est un devoir des chrétiens d’être engagé du côté de l’accueil. Cela est mieux perçu qu’il y a quelques années, même s’il y a des résistances à cause de l’environnement dans lequel nous évoluons ou de la culture politique à laquelle on adhère. Toujours est-il que je reçois moins d’attaques que je n’en ai reçues au début par rapport à ces questions !
Monseigneur, pendant vos années d’épiscopat à Marseille, vous avez porté une attention toute particulière aux catéchumènes : vous receviez leurs lettres, et y répondiez personnellement. Qu’en retenez-nous ?
Les catéchumènes adultes, c’est un fait ecclésial qui ne part pas de nous, mais qui nous est donné. L’Esprit Saint travaille le cœur des gens, en réveillant certains qui avaient été baptisés petits mais qui avaient tout abandonné, et il en conduit d’autres qui n’étaient pas du tout baptisés mais qui se présentent à l’Eglise pour être initiés à la connaissance du Christ, aux mystères de Dieu et du Salut, et à leur mission.
C’était donc une de mes premières responsabilités en tant qu’évêque que de travailler à ce bel accueil de ce que l’Esprit nous donne : accompagner les catéchumènes, les écouter, leur transmettre le message chrétien, nourrir leur relation à Dieu dans la prière… Cela enrichit la vie des communautés chrétiennes qui ont à accueillir tout ce qui nous vient de ces frères nouveaux qui nous sont donnés.
Les catéchumènes, c’est un don qui est dans l’histoire de chacun. Les lettres qu’ils m’écrivent, c’est la relecture de leur histoire : en leur répondant personnellement, on les aide à retrouver les signes de la présence de Dieu dans leur vie. Cela m’a nourri, en tant qu’évêque : je n’ai pas fait que croire que l’Esprit est présent, je l’ai vu à l’œuvre !
Monseigneur, en 2014 et en 2015, vous avez été père synodal à Rome. Vous avez également suivi le synode sur les jeunes, la foi et le discernement des vocations en octobre dernier. Que pouvez-vous nous dire de la synodalité dans l’Eglise ?
La synodalité est une manière de vivre qui associe au maximum la diversité des partenaires. Dans l’Eglise, en l’occurrence, c’est faire en sorte que l’ensemble des baptisés soient associés à la vie de cette Eglise, en responsables, et non pas simplement en consommateurs ou en force d’appoint. Tous les baptisés ont cette grâce de la responsabilité de la vie et de la mission de l’Eglise.
La synodalité, c’est également la manière de structurer nos différents conseils et nos différents services diocésains pour qu’en leur sein, il y ait des membres divers du Peuple de Dieu : nous ne sommes pas les uns contre les autres mais les uns avec les autres. Nous avons des progrès à faire parce qu’on constate que la place des clercs est prégnante dans la vie et l’organisation de la communauté chrétienne. Alors que dans la théologie des ministères, le sacerdoce des prêtres est au service de la croissance spirituelle et du sacerdoce commun des fidèles. Donc normalement, le ministère des prêtres est celui du serviteur. Il n’est pas celui qui transforme les baptisés en force d’appoint pour ses idées à lui, ou pour ses initiatives à lui.
Or il faut reconnaître humblement que dans nos églises occidentales en particulier, l’histoire a fait que la synodalité s’est distendue. Et depuis le Concile Vatican II, on n’a pas encore tiré toutes les conséquences de cet appel à plus de synodalité dans notre Eglise. On le voit dans la composition de nos conseils pastoraux paroissiaux, diocésains… ces différentes structures que prévoit l’Eglise et où on a ou non réalisé cette synodalité.
La synodalité, c’est aussi une conversion. Il faut que chacun comprenne l’importance de cette manière de vivre le pouvoir et l’autorité dans l’Eglise. Ce n’est pas à la manière du monde, où il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l’ont pas. En Eglise, c’est l’Esprit saint qui a le pouvoir, et il est dans le cœur de tous les baptisés, et même au-delà. Nous avons donc à accueillir ce travail de l’Esprit Saint, et nous n’en sommes pas propriétaires. Et la synodalité exprime cela : elle exprime que nul n’est propriétaire de l’action de l’Esprit saint, et que nous sommes tous au service de l’action de l’esprit saint, selon notre vocation propre.
À réécouter sur le site de RCF, « Au revoir Monseigneur Pontier »
Mgr Georges Pontier, président de la CEF, père et frère !
Témoignage du Père Olivier Ribadeau Dumas sur ses six années de relation avec Mgr Georges Pontier, Archevêque de Marseille et Président de la Conférence des évêques de France de 2013 à juillet 2019.
Carte des diocèses
Vous trouverez sur cette carte les informations détaillées de chaque diocèse en cliquant sur la zone correspondante.
Attention : ne pas confondre diocèse et évêché.
L'évêché est le lieu de résidence de l'évêque.
Le diocèse prend le nom du lieu où se trouve la cathédrale.