Bienheureux Karl Leisner (1915-1945)
Un modèle de discernement et de cohérence
Déporté à Dachau, ce diacre allemand y est ordonné prêtre par l’évêque de Clermont en décembre 1944. Jean Paul II, en le béatifiant le 23 juin 1996, l’a donné en exemple à la jeunesse européenne.
Lorsque j’ai été nommé évêque de Clermont, en mai 1996, j’ai eu la surprise de découvrir que l’un de mes prédécesseurs, Mgr Gabriel Piguet, avait été déporté à Dachau, de septembre 1944 à mai 1945. Quelques jours plus tard, j’ai été invité à participer à la messe de béatification de Karl Leisner et de Bernhard Lichtenberg, célébrée dans le stade olympique de Berlin soixante ans, jour pour jour, après l’inauguration des Jeux olympiques par Adolf Hitler.
Ainsi donc, là même où le nazisme avait voulu édifier le culte de la « race supérieure », Jean Paul II donnait en exemple à la jeunesse européenne deux figures éminentes de la résistance allemande au nazisme. À la veille des JMJ de Cologne, où l’on parlera aussi beaucoup de Édith Stein, il est important que nous les fassions connaître aux jeunes qui vont se rassembler autour du pape Benoît XVI.
Karl Leisner est né en 1915 à Rees, au bord du Rhin, au nord ouest du diocèse de Münster. Responsable d’un mouvement de jeunesse catholique, il discerne immédiatement le caractère pervers du régime hitlérien. Son journal intime en atteste dès le mois de mars 1933. Karl Leisner met en garde les jeunes dont il est l’animateur. Ceci lui vaut d’être surveillé par la police politique. En 1934, il commence ses études de théologie à Münster. Après un rude combat intérieur, il est ordonné diacre le 25 mars 1939.
Atteint par la tuberculose, il doit séjourner au sanatorium de Saint-Blaise, en Forêt noire. C’est là qu’il est arrêté, le 9 novembre 1939, pour avoir manifesté son regret devant l’échec d’un attentat contre Hitler. Il est interné, d’abord à la prison de Mannheim, puis au camp de Sachsenhausen, et enfin à Dachau, fin 1940.
À l’arrivée de Mgr Gabriel Piguet, évêque de Clermont, le 6 septembre 1944, les amis de Karl Leisner reprennent espoir de le voir ordonné prêtre. Commencent alors des préparatifs étonnants : les prêtres déportés doivent agir dans la clandestinité pour obtenir les lettres dimissoriales de la part des évêques de Munich et de Münster. Une jeune postulante, sœur Imma Mack, sert d’agent de liaison pour le courrier. Finalement, Karl Leisner est ordonné prêtre le 3e dimanche de l’Avent, 17 décembre 1944, au cours de la messe célébrée dans la fameuse « baraque des prêtres » de Dachau. Il meurt le 12 août 1945, quelques semaines après la libération du camp.
À soixante ans de distance, cette ordination prend un relief étonnant. Elle préfigure une Europe réconciliée, consciente de son enracinement évangélique et ecclésial. Le bienheureux Karl Leisner est vraiment pour tous les Européens un intercesseur et un modèle de discernement et de cohérence dans les engagements.
Mgr Hippolyte Simon
Archevêque de Clermont