Redemptionis Sacramentum
Présentation de l’Instruction Redemptionis Sacramentum par Mgr Robert Le Gall
1 – L’Instruction Redemptionis Sacramentum , publiée le 23 avril 2004, nous arrive de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements. Elle doit être située comme un prolongement particulier de la Lettre encyclique du pape Jean-Paul II Ecclesia de Eucharistia , publiée le Jeudi saint 17 avril 2003, où le Saint-Père dit que l’Eucharistie « est ce que l’ Eglise peut avoir de plus précieux dans sa marche au long de l’histoire » (n. 9). C’est la raison pour laquelle sa célébration ne peut laisser indifférent ni les ministres ordonnés ni les fidèles, que le texte de l’Instruction interpelle tour à tour.
2 – Le Saint-Père a le souci du respect qui doit entourer le « trésor qui est au cour de la vie de l’ é glise », ce qui l’invite à « lancer un vigoureux appel pour que, dans la célébration eucharistique, les normes liturgiques soient observées avec une grande fidélité. Précisément pour renforcer ce sens profond des normes liturgiques, j’ai demandé aux Dicastères compétents de la Curie romaine – en l’espèce la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements (cf. Redemptionis Sacramentum , n. 2) – de préparer un document plus spécifique, avec des rappels également d’ordre juridique, sur ce thème de grande importance. Il n’est permis à personne de sous-évaluer le Mystère remis entre nos mains » (n°52).
3 – Il se trouve que nous recevons au même moment les Lineamenta ou perspectives proposées à une large consultation en vue de la XI e Assemblée générale ordinaire du Synode des é vêques sur le thème L’Eucharistie : source et sommet de la vie et de la mission de l’ é glise ; elle aura lieu en octobre 2005. Cette large réflexion ecclésiale permettra d’« évaluer » avec justesse et profondeur comment nous sommes fidèles à l’enseignement du Concile Vatican II sur la place de l’Eucharistie dans l’élan missionnaire que le Saint-Père a voulu imprimer à l’orée du troisième millénaire.
4 – Nous avons commémoré le 4 décembre dernier les 40 ans de la promulgation de la Constitution sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium , dont le Saint-Père a montré à plusieurs reprises l’importance et la pertinence. Sa Lettre apostolique Vicesimus quintus annus du 4 décembre 1988, pour les 25 ans de la Constitution, soulignait tout le positif de la rénovation liturgique ; elle signalait aussi des abus, des incompréhensions ou des précipitations dans la mise en ouvre. Il a repris une semblable, mais plus succincte, évaluation en sa Lettre apostolique pour le 40 e anniversaire ( Spiritus et sponsa , 4 décembre 2003), où il nous engage à aller du renouveau à l’approfondissement, pour que se développe une véritable « spiritualité liturgique ».
5 – En France, après des années un peu flottantes dans les années 70, un équilibre semble s’être mis en place, mais, comme tout équilibre, il reste à maintenir avec vigilance. Une tâche persévérante de formation reste la nôtre (cf. R edemptionis Sacramentum , n. 40, 170) à tous les niveaux, pour une plus profonde « réception » de ce que Dieu nous donne par son é glise dans la liturgie, singulièrement dans l’Eucharistie. Dans son discours aux é vêques des Provinces de Lyon et de Clermont, le Saint-Père remarquait : « L’assurance que la vie chrétienne s’enracine dans le mystère eucharistique, « source et sommet de la vie de l’ é glise », selon la belle expression des Pères conciliaires, amène de plus en plus de fidèles à s’engager activement auprès des ministres ordonnés dans la préparation et la célébration de l’action liturgique, pour mettre en valeur la beauté du culte chrétien, qui est ordonné « à la gloire de Dieu et au salut du monde », comme l’exprime la liturgie de la messe » (7 février 2004).
6 – Dans un autre discours, qui était adressé à notre groupe des Provinces de Montpellier et de Toulouse, le Pape exprimait sa confiance à l’égard des prêtres et son merci pour leur générosité, « eux qui accomplissent leur ministère dans des conditions souvent très difficiles, au sein d’une société où ils ne sont pas tellement reconnus » (samedi 24 janvier 2004). « Ce qui compte avant tout pour le prêtre, ajoutait-il, c’est l’édification et la croissance de sa vie spirituelle, fondée sur une relation quotidienne avec le Christ, structurée par la célébration eucharistique, la Liturgie des Heures, la lectio divina et l’oraison. C’est ce qui fait l’unité de l’être sacerdotal et du ministère ». à ce merci doivent être associés les diacres et tous ceux qui sont généreusement impliqués dans la pastorale sacramentelle et liturgique, dans les paroisses, les diocèses et les provinces : nous avons tous à nous former dans l’esprit de ce que l’ é glise nous enseigne, pour devenir de vrais formateurs.
7 – Il s’agit d’entrer de façon pratique, avec un grand respect, dans la célébration du Mystère pascal pour en vivre ( Redemptionis Sacramentum , n. 176), par une authentique « participation active » du Peuple convoqué par Dieu dans l’Esprit Saint (n. 42), pour célébrer avec admiration les merveilles du salut, qu’il convient de recevoir et d’offrir (n. 39, 40) ; le Peuple ne peut être passif (n. 54), et son intériorité priante le conduit au cour des mystères : « Les fidèles, enseigne le Concile, n’assistent pas au mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais, le comprenant bien à travers les rites et les prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée, se laissent instruire par la Parole de Dieu, refont leurs forces à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu et, offrant la victime sans tache, non seulement par les mains du prêtre, mais en union avec lui, ils apprennent ainsi à s’offrir eux-mêmes et sont conduits, de jour en jour, par le Christ Médiateur, à la perfection de l’unité avec Dieu et de l’unité entre eux » ( Sacrosanctum Concilium , n. 48).
8 – Par deux fois, l’Instruction mentionne « la liberté, qui est prévue par les normes des livres liturgiques, d’adapter, d’une manière judicieuse, la célébration à l’édifice sacré, ou au groupe de fidèles, ou bien aux circonstances pastorales, de telle sorte que le rite sacré tout entier soit réellement adapté à la mentalité des personnes » (n. 21 ; cf. n. 39). Une telle liberté n’est possible qu’éclairée par une vraie formation, celle que le Concile ne cesse de recommander (cf. Sacrosanctum Concilium , n. 14-20) pour éviter erreurs, interprétations hâtives ou trop personnelles ; nous sommes invités à redécouvrir la richesse des signes et des symboles que la liturgie met en ouvre grâce à la participation de chacun et de tous. Comme dit le Saint-Père dans sa Lettre pour le 40 e anniversaire de la Constitution sur la liturgie, « le renouveau liturgique réalisé au cours de ces décennies a montré combien il est possible de conjuguer une législation qui assure à la liturgie son identité et sa beauté, avec des espaces de créativité et d’adaptation, qui la rendent proche des exigences exprimées par les diverses régions, situations et cultures » (n. 15).
9 – « La liturgie appartient au Corps tout entier de l’ é glise, rappelait le Saint-Père à l’occasion du 25 e anniversaire de Sacrosanctum Concilium . C’est pourquoi il n’est permis à personne, même au prêtre, ni à un groupe quelconque, d’y ajouter, enlever ou changer quoi que ce soit de son propre chef. La fidélité aux rites et aux textes authentiques de la liturgie est une exigence de la lex orandi , qui doit toujours être conforme à la lex credendi » (n. 10). Nous ne sommes pas propriétaires d’une liturgie que nous pourrions aménager à notre guise (cf. Ecclesia de Eucharistia , n. 52) ; des adaptations ou des variantes sont prévues, mais à l’intérieur d’un cadre cohérent qu’il convient de respecter. L’Instruction nous donne l’opportunité, dans la perspective de la Lettre encyclique du Saint-Père et du Synode des é vêques de 2005, de réexaminer nos façons de célébrer en conformité avec ce que l’ é glise demande, ce qui nous évitera l’arbitraire d’omissions, d’adjonctions ou de modifications intempestives. Une instruction n’est ni une encyclique ni une constitution conciliaire : son genre littéraire peut donner une impression négative. En fait, cette Instruction souligne en creux ce que la Présentation générale du Missel Romain de la troisième édition typique – dont la traduction est actuellement soumise aux é vêques de France – explique positivement. Il faudra lire cette Présentation , la faire lire, la comprendre et l’expliquer, pour la mettre en pratique et n’oublier ni la simplicité ni la noblesse que le Concile a voulues dans la célébration digne des saints mystères de notre foi.
10 – On retiendra de l’Instruction sa dernière parole : « Il faut que chacun se souvienne toujours qu’il est le serviteur de la sainte Liturgie » (n. 186). La liturgie nous est donnée ; il faut la recevoir avec attention, intelligence et reconnaissance, pour que nous y entrions à la place qui est la nôtre et y fassions entrer largement tous ceux qui ont soif d’« aller au cour de la foi ».
+ fr. Robert Le Gall
évêque de Mende
Président de la Commission épiscopale de la Liturgie et de la Pastorale sacramentelle