Homélie du dimanche 29 novembre
Dimanche 29 novembre 2020
Premier dimanche de l’Avent
Références bibliques :
Lecture du prophète Isaïe. 63. 16 à 64. 7 : « Tu viens à la rencontre de celui qui pratique la justice. »
Psaume 79 : « Jamais plus nous n’irons loin de toi. »
Lettre de saint Paul aux Corinthiens. 1 Cor. 1. 3 à 9 : « Il vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus-Christ notre Seigneur. »
Lecture de l’évangile selon saint Marc : « Il peut arriver à l’improviste. »
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LA LITURGIE DE L’EGLISE
nous introduit dans le mystère de Dieu.
Nous commençons aujourd’hui une nouvelle année liturgique, selon le cycle même dont l’Eglise marque le temps de vivre la grâce reçue dans le mystère de l’Incarnation, dont la Nativité en est la première expression. Puis dans le mystère pascal de la Rédemption, mort et résurrection du Seigneur Jésus.
De cette manière, nous sommes invités à réactualiser la grâce qui est en nous. Cette « réactualisation » se vit en Eglise, et non pas selon notre cheminement solitaire.
Notre société sécularisée et déchristianisée témoigne d’ailleurs du besoin, qui subsiste en tout homme, d’être-avec, d’être-avec-autrui, notamment lorsqu’il est en recherche, lorsqu’il est en difficulté, lorsqu’il connaît l’échec.
L’Eglise est le milieu divino-humain où trouve son achèvement et sa plénitude l’aspiration du cœur humain à la convivialité collective. « Animal social » par nature, l’homme, en tant que personne créée à la réplique du Dieu tri-unique, est fondamentalement un être social et donc, pour tout baptisé, un être ecclésial.
C’est dans ce sens que nous pouvons rejoindre le mystère de l’Incarnation de ce Dieu unique et trinité dont la « convivialité » s’exprime dans le Père, le Fils et l’Esprit, comme le suggère l’icône d’Andrei Roublev où les trois visiteurs divins sont autour d’une table eucharistique.
Cette communion, qui a sa plénitude au jour du mystère pascal, l’Eglise nous la fait vivre dans la liturgie au sens plénier du terme. « Fais fructifier en nous l’eucharistie qui nous a rassemblés. » (prière après la communion)
ALLER AVEC COURAGE
pour assumer ce que nous sommes.
Nous sommes invités à partir, à « redémarrer » sans cesse, nous qui piétinons et même parfois reculons.
En fait, nous ne sommes pas encore arrivés au terme de cette identification dont parle saint Jean et que l’Eglise rappelait dans la liturgie de la Toussaint : « Dès maintenant nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jean 3. 2) Ce que saint Paul exprime d’une autre manière : « Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. » (Galates 2. 19-20).
Il nous faut donc sans cesse nous libérer des habitudes, des autosatisfactions qui reviennent entraver notre liberté d’enfants de Dieu. Il nous faut être conscients de ce que nous sommes, à la fois « un vieil homme », et, dans le même temps selon l’expression de saint Paul, ce « nouvel homme » qui vit déjà en nous par la grâce de notre baptême, nouvel homme dont la force vitale dépasse infiniment les limites du « vieil homme ».
Pour se libérer de leurs limites humaines, beaucoup de nos contemporains espèrent trouver dans les sagesses de l’Orient le nirvana de salut. Jésus nous invite, lui, à assumer ces limites. Il a assumé nos faiblesses, nos péchés même, lui qui était dans la condition même de Dieu ! « C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout » (Philippiens 2. 5 à 11)
Pour nous, cela demande du courage, une force et une humilité sans complaisance. Car ce n’est pas chose facile de jeter sur nous-mêmes un regard loyal, sans complaisance, un regard sévère et lucide, un regard qui décape et met à nu toutes les sinuosités compliquées et d’aller jusqu’à se convertir. Le cœur qui se convertit est celui qui décide de ne plus faire écran au regard posé sur lui par le Père des lumières sur chacun de nous qu’il convie à cette « déification. »
SUR LES CHEMINS DE LA JUSTICE
pour être en harmonie.
Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, la justice s’entend d’une manière différente de celle qui est exercée sur le plan humain. Certes la justice de ce monde est indispensable, mais elle ne suffit pas dans ce cheminement vers Dieu.
Dans les Ecritures, elle est mise en correspondance avec la foi, la charité et la vie. (Romains 1. 16 – 1 Jean 2. 29). Cette justice n’est pas une simple « justification » que Dieu nous donne au vu de nos mérites. Elle est l’harmonisation de ce que nous vivons avec la vie même de Dieu, par la grâce et les sacrements de cette grâce.
Cette justice, nous pouvons d’ailleurs l’exprimer le sens qu’utilise l’ouvrier quand il a ajusté deux pièces avec précision, ou dans le sens qu’utilise le musicien quand il parle d’une note juste lorsqu’il accorde son violon.
Si nous allons avec courage sur ce chemin de la justice, ce n’est pas pour trouver une récompense ni même une règle de vie, c’est pour rejoindre quelqu’un, et nous ajuster à celui qui est au cœur même de notre attente et de notre vie, le Christ .
La démarche de toute éthique aboutit à la justification de celui qui la professe, à la satisfaction de connaître la loi, de savoir les vertus et de les pratiquer. Pour le Christ, la figure même de la démarche vers le chemin de la justice, c’est le publicain, le fils prodigue, le larron, tous ceux qui, dans la vérité de leur insuffisance, n’attendent rien d’eux-mêmes, mais recherchent et s’abandonnent à la relation d’amour que Jésus établit.
LA RENCONTRE DU SEIGNEUR
Cette démarche est une démarche intérieure et personnelle et non pas grégaire et extérieure à soi-même, ce qui est le risque d’une démarche entraînée par un groupe enthousiaste et communicatif. Elle a pour terme une rencontre personnelle qui est une rencontre de communion. « Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils Jésus-Christ notre Seigneur. » (1 Cor 1. 9)
Ou, selon l’expression du théologien orthodoxe, Vladimir Lossky, « Nous embarquer sur l’Océan sans fond de l’immensité divine à la recherche de l’Amour.
Durant ce temps de l’Avent, nous retrouverons souvent saint Jean Baptiste. Il est celui qui a mis ses disciples sur le chemin de la rencontre avec Jésus : « Voici l’agneau de Dieu. »
Ils y répondent par une démarche personnelle et libre, mais c’est lui, Jésus, qui leur donne à voir ce qu’il est, non par des discours ou des sermons. Il les entraîne avec Lui, près de Lui. « Venez et voyez ». Pour saint Jean, c’est un premier pas sur un chemin dont il dira que le terme est au jour où « nous serons semblables à Lui parce que nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jean 3. 2)
Cette rencontre l’avait conduit au Christ par une démarche dynamique « à travers la vie de ce monde ». L’existence définitive en Dieu ne sera pas un état statique, mais la continuation, à un plan nouveau, de la route que nous avons suivie durant notre vie et dont le dynamisme sera vécu dans l’infini de la vitalité divine, de la vie trinitaire, de Dieu qui est Amour, « l’amour dont nous t’aimerons éternellement. »
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A la lumière de ces quelques réflexions, nous pouvons donner tout leur sens aux prières de ce dimanche.
Celle du début de la messe : « Donne à tes fidèles d’aller avec courage sur les chemins de la justice à le rencontre du Seigneur… »
Celle de la communion : »Fais fructifier en nous l’eucharistie qui nous a rassemblés. C’est par elle que tu formes dès maintenant, à travers la vie de ce monde, l’amour dont nous t’aimerons éternellement. »