Résumés des interventions des évêques français au Synode sur la Nouvelle Evangélisation
« Témoignage de la foi et pédagogie de la culture »
C’est pourquoi, dans ce contexte, la nouvelle évangélisation doit unir dans un même effort le témoignage de la foi et une pédagogie de la culture.
Le témoignage de la foi est d’autant plus perceptible qu’il manifeste la communion qui unit tous les membres de l’Église et qu’il s’exprime dans tous les registres de l’action ecclésiale: enseignements du magistère, déclarations publiques sur différents sujets, la vitalité des paroisses et des communautés chrétiennes, la référence manifeste de chaque chrétien à la vie du Christ, par la parole et par la manière de vivre. Sa crédibilité repose pour une bonne part sur le témoignage vécu des chrétiens et sur la visibilité de leur participation à la vie de l’Église.
La pédagogie de la culture se développe par l’implication des chrétiens dans tous les systèmes éducatifs et par leur contribution à une véritable éducation de l’intelligence qui est la condition nécessaire à l’exercice d’une véritable liberté.
D’autre part, nous devons investir tous nos moyens dans la formation des clercs et des laïcs pour qu’ils soient capables de mieux montrer que l’adhésion à la foi chrétienne n’est pas en contradiction avec la raison humaine.
Enfin, nous devons développer les conséquences éthiques d’une anthropologie chrétienne qui s’enracine dans la Révélation et qui se déploie dans un dialogue avec les autres sagesses. Nous devons être plus conscients que nous sommes dépositaires d’un trésor pour l’avenir de l’humanité et porteurs d’une espérance.
Etre « visage et parole du Christ, vivant et proclamant la foi de toujours dans les mots d’aujourd’hui »
Le Concile Vatican II a présenté l’Eglise comme sacrement de l’union des hommes avec Dieu et des hommes entre eux. Un sacrement c’est une réalité du monde qui révèle le mystère du salut parce qu’elle en est la réalisation. Sans être du monde, notre Église est-elle bien dans le monde? Elle est visible mais son message est-il lisible? Aussi, en quelque sorte, nous n’avons pas à être signes d’Église, mais signes du Christ, et c’est en cela que nous serons l’Église: visage et parole du Christ, vivant et proclamant la foi de toujours dans les mots d’aujourd’hui.
Il me souvient d’une parole toujours actuelle du Cardinal Suhard, initiateur de la Mission de France: « Il ne s’agit pas d’obliger le monde à entrer dans l’Église telle qu’elle est, mais de faire une Église capable d’accueillir le monde tel qu’il est. » Pour notre Synode, c’est tout un programme. Quel bonheur de proposer la Bonne Nouvelle de Jésus à tous ces hommes et femmes d’aujourd’hui, aux jeunes et aux enfants, qui ne savent pas qu’ils sont là tout près de la Source.
« Appelés à un travail intérieur de renouvellement de notre vie chrétienne »
Nous cherchons à être plus nombreux, à rassembler plus de fidèles pour l’Eucharistie, à manifester plus fortement la présence catholique dans nos sociétés sécularisées.
Mais nous ne nous contentons pas de ces perspectives quantitatives. Nous sommes aussi appelés à un travail intérieur de renouvellement de notre vie chrétienne, qui comporte trois exigences.
Première exigence : un acte de discernement sur ces temps que nous vivons. Ce sont des temps éprouvants pour la mission chrétienne à cause des effets de la sécularisation. Mais, au milieu de ces épreuves, se manifestent aussi des attentes spirituelles, qui portent sur des questions de vie et de mort. À nous d’y répondre.
Seconde exigence : un engagement à progresser dans notre connaissance du Dieu vivant, en purifiant notre foi de ce qui l’alourdit et en osant parler à Dieu des autres que nous rencontrons, avant de leur parler de Dieu.
Troisième exigence: comprendre que le but de l’Église, ce n’est pas l’Église, mais la rencontre des hommes avec le Dieu vivant. Il ne s’agit donc pas seulement d’être présents au monde, mais d’être du Christ pour le monde.
Ces trois exigences ont été approfondies et pratiquées par Madeleine Delbrêl, une Française qui a compris à quoi nous engage une Nouvelle Evangélisation.
« Susciter des communautés chrétiennes, vivantes, joyeuses, traversées par un élan missionnaire »
Ce n’est pas un désaveu du passé, ni un repli identitaire, ni une reconquête. C’est annoncer la nouveauté du Salut dans le Christ, la miséricorde de Dieu, dans un monde en profonde mutation qui vit comme si Dieu n’existait pas, confronté à un profond vide intérieur. D’abord il faut oser parler de Dieu, réveiller dans le cœur de l’homme la nostalgie de Dieu.
Je relèverai trois préoccupations.
Réveiller la conscience missionnaire des baptisés. L’évangélisation, la transmission de la foi passe d’abord de personne à personne. Tout baptisé est capable de témoigner auprès de ses proches, ses voisins, ses collègues de l’humble joie de connaître le Christ. Il y a là une véritable difficulté. Beaucoup sont marqués par une forme de relativisme, dont nous n’avons pas pris la mesure. On réduit la foi à une simple option personnelle.
La question des « baptisés non-croyants », qui s’adressent aux curés pour le baptême des petits enfants, ou se préparer au mariage. Ils ignorent le sens de leur demande. Parfois, ils se disent non pratiquants, non croyants, ce qui désespère les prêtres. Comment accueillir ces demandes? Comment les transformer en chemin de type catéchuménal, s’inspirant du rituel des catéchumènes adultes? L’avenir de l’évangélisation dépend de la redécouverte et l’expérience du sacrement de la réconciliation qui est central. Il convient aussi de travailler la juste compréhension des sacrements d’initiation (baptême, contirmation et eucharistie), leur unité.
Nous ne sommes plus dans une chrétienté. Mais nous continuons à nous organiser comme si nous l’étions encore. Il ne faut plus réfléchir en terme de couverture de territoire, ni de recrutement de personnel, face au nombre réduit de prêtres. Il faut susciter des communautés chrétiennes, vivantes, joyeuses, traversées par un élan missionnaire.
Le véritable défi est l’annonce de la joie du Salut, de l’amour miséricordieux à tous. Il faut créer de nouveaux espaces où un dialogue soit possible avec ceux qui sont loin de Dieu.
« L’Église ne doit pas craindre de se montrer au monde »
En 50 ans, la notion de » monde » est passée du singulier au pluriel : nous sommes dans un monde globalisé certes, mais aussi éclaté. D’où un enjeu essentiel, celui de l’unité, de la communion, des sociétés, des personnes, et bien sûr de l’unique Église de Jésus-Christ.
En 2012, tout au moins en Occident, l’Église catholique se sait distincte de la société; présente en elle, mais sans totalement la recouvrir.
Tout comme le Seigneur se met à l’écoute de ce qui est dit de lui: » pour les hommes, qui suis-je? » (Mt 16, 13), l’Eglise doit aussi entendre ce qui est dit d’elle; elle est moins celle qui se donne une identité que celle qui la reçoit: de son Seigneur avant tout, mais aussi de ce que les hommes disent d’elle.
Je pense que le terme de communauté ne doit pas être employé de manière exclusive. Parmi ceux qui suivent le Seigneur, dans l’Evangile, il y a les disciples, mais il y a aussi les foules.
Les évêques ne peuvent s’adresser qu’au seul premier groupe, à la suite du Seigneur, ils parlent à tous, particulièrement aux autres.
Le discours communautaire me semble dangereux et faux s’il est le seul dans lequel nous nous situons.
Le monde a changé, et aussi la place de l’Église dans le monde; rêver d’un retour de la chrétienté est un leurre, une illusion, et repose sur la sacralisation d’une forme historique de la présence de l’Église catholique.
L’Église ne doit pas craindre de se montrer au monde, de s’exposer au regard de la société. Celle-ci doit alors, dans ses institutions, ses finances, sa manière de se dire avec clarté, être un témoin audible et crédible.
Il s’agit de se tourner vers l’avant, de vivre et de dire ce qui fait la joie de l’Église: son Seigneur.
« Que tous les pasteurs soient mieux préparés à l’exercice de la gouvernance pastorale »
Cette conversion pastorale concerne tous les baptisés et tous les acteurs de la vie ecclésiale, mais particulièrement les pasteurs: Évêques et prêtres. Pour que la nouvelle évangélisation ne se résume pas à un slogan ou à un catalogue d’actions à entreprendre, pour qu’elle ne soit pas asphyxiée par l’immobilisme, la bureaucratie ou le cléricalisme, il importe que tous les pasteurs soient mieux préparés à l’exercice de la gouvernance pastorale.
1. Cette conversion des pasteurs relève d’abord d’un travail de sanctification personnelle.
2. Cette conversion doit s’accompagner d’une relecture approfondie des textes conciliaires et du Magistère de l’Église, afin d’entrer dans une intelligence ecclésiale et théologique du renouveau missionnaire dont il est le ministre.
3. Cette conversion réclame encore un apprentissage sur une nouvelle manière d’exercer la responsabilité pastorale: positionner l’annonce directe de la foi à la pointe de la pastorale ordinaire, promouvoir une catéchèse d’initiation de type catéchuménal pour les débutants et les recommençants et des parcours apologétiques adaptés, développer une ecclésiologie de communion qui fasse droit à la complémentarité des états de vie et à l’accueil des charismes, favoriser la création de lieux d’accueil et de dialogue ouverts aux attentes spirituelles, susciter chez les chrétiens le témoignage de la charité.
4. Le nouvelle évangélisation appelle enfin « un nouveau style de vie pastorale » (Pastores dabo vobis, n°18) pour les prêtres et les Évêques.