Prêtre ouvrier, un ministère spécifique
En cette Année sacerdotale 2010 et à l’occasion du 1er mai, fête du travail, des prêtres ouvriers parlent de ce qu’ils vivent dans leur ministère presbytéral, au cœur d’un monde et d’une Eglise à servir et aimer. Témoignages.
Comment vivez-vous votre ministère de prêtre aujourd’hui ?
Père René, Valenciennes – Nord, auteur de « Toujours debout » (Editions Bénévent) : « C’est un ministère de compagnonnage. Comme Jésus avec les compagnons d’Emmaüs. Il fait route avec eux, les écoute avant de parler. Il écoute leurs questions, leur souffrance. Il partage avec eux le repas. J’ai écrit un livre en pensant aux copains de travail pour qu’ils puissent prendre conscience de l’importance de notre vie quotidienne. Eux qui pensaient vivre une vie banale, ont été surpris de voir qu’elle était assez importante pour être dans un livre. Je pense à la parabole de Jésus en Matthieu 25 : Les gens sont surpris que leurs gestes aient quelque chose à voir avec Dieu. Devenir humain les uns par les autres, se libérer de ce qui nous écrase et nous empêche de devenir hommes, c’est déjà évangéliser. L’appartenance au peuple de Dieu est plus large que l’appartenance à l’Eglise ! Comme dans la parabole, ceux qui accèdent à l’humanité, à cette ressemblance, ne deviennent pas forcément disciples de Jésus. Jésus rend son fils à la veuve de Naïm (Lc 7, 11-17). Il ne le garde pas pour lui. Jésus reconnaît la démarche pour une vie plus humaine comme une libération. Prêtres ouvriers, nous posons des actes qui parlent à nos copains. Nous devenons signes de Celui qui veut leur dire qu’Il les aime. Nous sommes évangélisés par eux. Jésus, lui aussi, s’est émerveillé devant la foi de la Cananéenne à laquelle il ne prêtait pas attention parce qu’elle était une étrangère (Mt 15, 21-28). Dire qui est Dieu est de notre responsabilité. Il n’est pas le Tout-Puissant que nos copains imaginent ».
Dans un contexte où la crise frappe à toutes les portes, où se portent plus spécifiquement vos solidarités ?
Père Jean-Claude, Massy : « Prêtre ouvrier depuis 1976, j’ai découvert l’action syndicale comme une chance dans la reconstruction des solidarités. Cette histoire m’a conduit à participer à l’action des travailleurs sans-papiers, le 15 avril 2008, dans la région Ile-de-France. Dans cette lutte, j’ai été émerveillé du courage des travailleurs sans-papiers qui ont dû affronter, leur patron, la police, le gouvernement. Souvent leurs familles les ont soutenus dans leur lutte, en acceptant de ne pas recevoir d’argent pendant la durée du conflit. Les travailleurs sans- papiers ont vécu une triple réintégration : L’opinion publique les a considérés comme des hommes et des femmes comme les autres. Ils ont été réintégrés dans la société. Ils ont été réintégrés dans la classe ouvrière. Leur lutte est devenue une lutte à part entière de la classe ouvrière. Par les solidarités vécues, ils ont été réintégrés dans la fraternité de la République française.
Dans le décret sur le ministère et la vie des prêtres de Vatican II, on peut lire au chapitre 4 : « Si l’Eglise veut vraiment atteindre l’esprit des auditeurs, elle ne doit pas se contenter d’exposer la parole de Dieu de façon générale et abstraite, mais elle doit appliquer la vérité permanente de l’Evangile aux circonstances concrètes de la vie ». Comme Jésus qui, par sa pratique d’accueil des voleurs, des prostitués, des malades, des étrangers, de ceux qui étaient considérés comme impurs, les réintégrait dans la société, je crois que ce signe de réintégration dans l’humanité est encore pertinent aujourd’hui, dans une société qui n’arrête pas de construire des murs pour se protéger des pauvres. Jésus parlait d’un monde nouveau, qu’il appelait « Royaume », où il n’y aurait pas d’exclus, où tous les hommes vivraient la fraternité, tous fils du même Père, Dieu. Il me semble que c’est le signe que j’ai vécu avec les sans-papiers et que j’ai servis comme prêtre ouvrier ».
Dans le décret sur le ministère et la vie des prêtres de Vatican II, on peut lire au chapitre 4 : « Si l’Eglise veut vraiment atteindre l’esprit des auditeurs, elle ne doit pas se contenter d’exposer la parole de Dieu de façon générale et abstraite, mais elle doit appliquer la vérité permanente de l’Evangile aux circonstances concrètes de la vie ». Comme Jésus qui, par sa pratique d’accueil des voleurs, des prostitués, des malades, des étrangers, de ceux qui étaient considérés comme impurs, les réintégrait dans la société, je crois que ce signe de réintégration dans l’humanité est encore pertinent aujourd’hui, dans une société qui n’arrête pas de construire des murs pour se protéger des pauvres. Jésus parlait d’un monde nouveau, qu’il appelait « Royaume », où il n’y aurait pas d’exclus, où tous les hommes vivraient la fraternité, tous fils du même Père, Dieu. Il me semble que c’est le signe que j’ai vécu avec les sans-papiers et que j’ai servis comme prêtre ouvrier ».
Au cœur de toutes les mutations de société, on entend dire qu’il n’y aurait plus de monde ouvrier ?
L’équipe de prêtres ouvriers dans le diocèse de Nanterre : « La conscience ouvrière est d’abord celle de subir une injustice et de ne pas avoir droit à la parole dans la société. Elle est celle d’hommes et de femmes atteints dans leur dignité d’être humain, qui ne se sentent pas reconnus et respectés comme tels. Dans cette expérience s’éveille le sens d’une solidarité. Ce sentiment d’être victime d’une injustice est particulièrement présent au travail, qui devrait être un lieu d’accomplissement et où trop souvent les salariés sont considérés et utilisés uniquement comme force de production.
Après la guerre, au temps du marxisme triomphant, le Cardinal Suhard avait compris qu’un « mur » séparait l’Eglise des masses populaires et il avait envoyé des prêtres en usines. Aujourd’hui encore subsiste un fossé qui ne peut pas être franchi par l’Eglise, sans qu’un signe institutionnel fort soit donné de son engagement au côté de ce monde et de sa lutte pour être reconnu dans sa dignité. Si actuellement le monde ouvrier est moins franchement hostile à l’Eglise que dans les années 50, les prêtres ouvriers que l’Eglise y a envoyés n’y sont pas pour rien ».
Après la guerre, au temps du marxisme triomphant, le Cardinal Suhard avait compris qu’un « mur » séparait l’Eglise des masses populaires et il avait envoyé des prêtres en usines. Aujourd’hui encore subsiste un fossé qui ne peut pas être franchi par l’Eglise, sans qu’un signe institutionnel fort soit donné de son engagement au côté de ce monde et de sa lutte pour être reconnu dans sa dignité. Si actuellement le monde ouvrier est moins franchement hostile à l’Eglise que dans les années 50, les prêtres ouvriers que l’Eglise y a envoyés n’y sont pas pour rien ».
En quoi votre ministère renouvelle-t-il votre manière de célébrer et de prier?
Père Jean-Marie, diocèse de la Rochelle : « Je vis les eucharisties d’une façon nouvelle : je me sens de plus en plus proche des personnes présentes, notamment du « petit peuple » rassemblé. J’expérimente une parole de plus en plus libre, pour dire la vie dans l’Evangile et l’Evangile dans la vie. Les paroles des psaumes et de la prière eucharistique prennent de plus en plus de poids. Je découvre que ma prière ne vient pas s’ajouter à ce que je vis, mais ce que je vis devient prière, alors je prends du temps pour le relier et l’offrir. Je reçois des encouragements de chrétiens lors de messes où je me suis présenté comme Prêtre Ouvrier. L’intuition fait référence : elle est toujours vivante ».