Abbaye de Sénanque : accueillir au nom des moines
Soucieuse de porter au grand large le message évangélique tout en se protégeant de la foule des touristes, la communauté cistercienne de Notre-Dame de Sénanque a initié une “Mission-Eté”. Une présence missionnaire assurée par des laïcs, renforcée en cette année de la Miséricorde par une présence sacerdotale. Par Chantal Joly.
Les voies de Dieu sont décidément pleines de ressources ! Salariée du centre de formation permanente du diocèse d’Orléans, Pascale a vu passer l’appel de l’abbaye provençale située à Gordes transféré par un séminariste… Son mari Bruno étant attiré par l’univers monastique et elle davantage tournée vers le monde, la proposition avait l’avantage d’allier leurs sensibilités. Ils ont trouvé l’expérience tellement « géniale » qu’ils l’ont renouvelée en 2014 et 2015, se retrouvant avec d’autres volontaires pour accueillir, au nom des moines, les centaines de touristes (dont beaucoup de Chinois) qui se pressent dans ce beau site.
Logés à l’hôtellerie, un autre lieu d’évangélisation, ils ont vécu au rythme des moines, participant aux offices, présents « de façon intensive » (5 heures par jour debout en pleine chaleur !) dans une tente qui sert de « petit sas » entre le magasin et le parking : y figurent une exposition avec des photos des moines et la règle de Saint Benoît, un jeu à partir de peintures représentant des scènes d’Évangile et un point d’eau fraîche.
Chaque équipe de 4 à 5 bénévoles, munis de badges et croix en bois, a pour mission d’expliquer aux touristes qu’ « ils ne visitent pas n’importe quel monument historique et que les moines vivent de prières et de travail ». Un « accueil chrétien qui se veut à la fois enjoué, délicat » et adapté aux talents de chacun, les uns plus à l’aise avec les enfants, d’autres avec le monde anglo-saxon, etc. Des versets bibliques traduits en 8 langues sont distribués. S’il n’est possible « d’aller plus loin avec certains visiteurs qu’une ou deux fois par jour », Pascale estime que « la valeur du témoignage est incontournable aujourd’hui ». Raison pour laquelle elle a lancé dans son diocèse l’émission “Une foi n’est pas coutume” sur RCF, dans laquelle des croyants témoignent de ce qui les anime. Autre « fruit de ces temps particuliers vécus intérieurement et extérieurement » à Sénanque : l’organisation d’une formation « pour que tout chrétien soit en capacité de faire visiter son église ».
Une mission qui déplace
Marie-Pierre se réjouit de revenir cet été avec une catéchumène qu’elle a accompagnée vers le baptême, Diyi Xu, chinoise, et son mari américain Benjamin. Des co-équipiers multilingues, précieux pour accueillir le flux de touristes. Cette habitante des Yvelines est une fidèle d’une mission qui « la nourrit spirituellement et la déplace » dans la mesure où elle se sent « plus à l’aise dans des relations intimistes ». Passionnée de théologie, membre avec son mari d’une fraternité de laïcs cisterciens liés à l’abbaye de Timadeuc (Bretagne), elle raconte « se sentir bien à la seconde où elle arrive ». À Sénanque, elle devient « un instrument » au service des moines, appelée à « dire dans un langage simple qui est le Christ et de quelle nature est sa foi » en accueillant ses interlocuteurs « avec bienveillance »… y compris certains qui sont agressifs, qui voudraient ramasser les lavandes cultivées par la communauté ou à qui elle rappelle l’exigence d’une tenue décente. Marie-Pierre se dit « émerveillée de voir à quel point le don d’une Parole biblique peut amener des personnes à s’illuminer, à pleurer, à se confier ». Elle témoigne aussi de l’émotion de ceux qui rédigent des intentions de prière sachant qu’elles « seront portées par la prière de la communauté ». Personnellement, c’est au cours de l’office nocturne peu fréquenté des Vigiles qu’elle se ressource. Elle apprécie par ailleurs beaucoup le temps de lectio divina matinal en équipe, animé par leur accompagnateur spirituel, Frère Jean, le frère hôtelier.
La joie de témoigner
Pour Damian, 38 ans, séminariste franco-allemand en études au Studium Notre-Dame de vie d’Avignon, qui a pratiqué notamment de l’évangélisation de rue pendant le festival de théâtre; rien de bien nouveau. Ce sont « les mêmes joies, les mêmes difficultés et les mêmes blocages à faire sauter pour ouvrir à la discussion avec ceux qui se plaignent de l’Église ». Envoyé à Sénanque en 2015 dans le cadre de son tiers temps d’apostolat, il a néanmoins vécu de façon très positive cette expérience qu’il « conseille à ceux qui en ont le temps ». Au nom d’abord de « la joie de témoigner ». Au nom de la chance d’être au contact d’un public international. Au nom de la « petite vie fraternelle » avec les autres bénévoles de la mission, ainsi qu’avec les étudiants qui travaillent au magasin ou servent de guides pour visiter l’abbaye. Au nom aussi de la possibilité qu’il a eu de partir en vélo à Apt et de découvrir le village de Gordes. « C’est bien, estime-t-il, qu’il y ait dans cette région hautement touristique un lieu chrétien, une proposition non commerciale ».
Une pastorale “inédite”
“En cette année Jubilaire de la Miséricorde nous est monté au cœur le désir d’offrir en plus à cette Mission une présence sacerdotale “sur le terrain, avec les missionnaires”. […] Nous pensons que c’est une pastorale “inédite” ici proposée pour bien des prêtres, qui peut être d’une grande richesse”… ont écrit Frère Jean-Marie, Prieur de Notre-Dame de Sénanque et frère Jean, hôtelier dans leur lettre aux prêtres contactés pour la “Mission-Eté Sénanque”.