Génocide arménien : l’Église fait mémoire
Le 12 avril 2015, le Pape François a célébré à Rome une messe à l’occasion du centenaire du génocide arménien. En France également, plusieurs célébrations sont organisées avec les communautés arméniennes. Par Chantal Joly.
« Pour les Arméniens qui commémorent cette année le douloureux anniversaire du génocide, que cet événement soit l’occasion de raffermir encore davantage les liens entre l’Église apostolique arménienne et l’Église catholique et que leur rencontre soit le signe d’une même espérance dans les promesses de Dieu ».
Cette intention de prière avait été lue le 12 mars dernier lors d’une veillée de prière pour les chrétiens d’Orient, organisée par les jeunes d’Antiokia, à l’église syriaque St-Éphrem à Paris. Ce soir-là, Sahag tenait à être présent. Membre du groupe jeunes et du Conseil de la paroisse arménienne de Paris, Sainte-Croix (3e), il a noué des liens d’amitié avec ce groupe, avec qui il a aidé à organiser des événements, en février, en vue d’aller à la découverte de son Église : une messe dans la liturgie de l’Église arménienne et une conférence avec le professeur Jean-Pierre Mahé, orientaliste spécialiste des études arméniennes.
« Les franco-français ont appris à nous connaître, on sent un intérêt pour cette communauté qui a réussi à se redresser. Malgré tous nos malheurs, nous avons réussi à faire l’équilibre entre identité et citoyenneté. Nous nous sommes retroussés les manches pour recréer la famille, l’identité, la citoyenneté. Notre Église dite apostolique car elle remonte aux apôtres Théddée et Barthélémy, en fait partie. Le christianisme a été notre religion d’État douze ans avant Rome. C’est un ciment d’unité très fort, un peu comme un refuge », commente le jeune homme.
Plusieurs célébrations dans les diocèses
« Pendant toute notre Histoire, nation et Église n’ont jamais été séparées, un slogan appris dès l’enfance déclare d’ailleurs « Pour la religion et la nation ». Même avant le Concile Vatican II, clergé et laïcs ne formaient chez nous qu’un seul corps» commente Mgr Jean Teyrouz (photo), évêque de l’Éparchie de Sainte-Croix de Paris des Arméniens catholiques de France. Parmi les victimes du massacre de 1916 – qui causa 1 million et demi de morts – 15 évêques et plusieurs prêtres et religieuses. En cette année un peu exceptionnelle, Mgr Teyrouz se réjouit d’être invité dans plusieurs grandes villes pour des célébrations en hommage aux victimes du génocide. C’est ainsi que le 15 mars, à la cathédrale St-Etienne de Limoges, il a cocélébré une messe avec Mgr François Kalist et que le 19 avril, à église St-Jacques à Carcassonne, il co-célébrera une messe en rite arménien avec Mgr Alain Planet. Le 24 avril, à l’église arménienne St-Jacques-de-Lyon (3e), aura lieu un office religieux avec l’Église apostolique arménienne, l’Église catholique et l’Église évangélique arménienne, précédé d’une table-ronde avec les représentants des différentes confessions chrétiennes. Le 26 avril, une messe sera célébrée à Notre-Dame de Paris, présidée par le cardinal André Vingt-Trois, et le 25 mai, une messe à Lisieux en présence de représentants du Saint-Siège. À Limoges, où cinq jours d’animations (conférence, films, opéra, kermesse, dîner) étaient organisés en mars dernier, Mgr Teyrouz témoigne avoir été « ravi », que ce soient en majorité des Français qui aient préparé l’événement, aux côtés d’un Arménien arrivé dans l’Hexagone en 1922.
Une éparchie aux moyens modestes
Au quotidien, avec seulement six prêtres pour des communautés très importantes et très disséminées, le suivi pastoral des familles, autant que la régularité de leur pratique, s’avèrent difficiles. Et cette diaspora, héritière de « la foi des montagnes » (titre d’une exposition conçue avec l’Œuvre d’Orient) de ce premier État chrétien du monde, se trouve confrontée, elle aussi, à la sécularisation.
La déclaration du Pape François
Jean-Paul II l’avait écrit. Le Pape François a prononcé le mot, entraînant aussitôt des frictions diplomatiques avec la Turquie. Dimanche 12 avril, lors d’une messe célébrée avec le patriarche Nersès Bedros XIX des Arméniens catholiques et en présence du président arménien Serge Sarkissian, il a évoqué le « premier génocide du XXe siècle » en ajoutant : « Occulter ou nier le mal c’est laisser une blessure ouverte saigner sans la panser ».
Il a par ailleurs encouragé les membres de la Congrégation pour la Cause des Saints et ceux de la Doctrine de la foi à intensifier leurs efforts et études pour la proclamation de Saint Grégoire de Narek, moine et prêtre arménien du Xe siècle, docteur de l’Église.