La figure pastorale à la lumière des évenements de 2020 : « invités à témoigner d’une vision d’espérance enracinée dans l’expérience pascale ».

À l’occasion de la mémoire de Saint Jean-Vianney le 4 août, le Père Laurent Berthout, délégué épiscopal à l’information du diocèse de Bayeux-Lisieux et curé de la paroisse Sainte-Trinité de Caen, témoigne de la façon dont les prêtres ont traversé l’année 2020 et ses turpitudes. Avec quelques mois de recul sur le confinement, que pouvons-nous dire de ce qui reste de la figure du pasteur lorsqu’il n’est pas au milieu des brebis ?

03 juillet 2010: Un moine de la communauté Saint Jean passe devant un portrait géant de St Jean Marie Vianney, Ars-sur-Formans (01), France. July 3th, 2010: A monk walks past a giant portrait of Saint Jean-Marie Vianney, Ars-sur-Formans, France.

Le 4 août, nous faisons mémoire de Saint Jean-Marie Vianney, le saint curé d’Ars, saint patron des prêtres du monde. Il est notre modèle pour que nous soyons toujours plus ajustés dans notre ministère au don de la grâce reçue à notre ordination. Il nous rappelle qu’« un bon pasteur, un pasteur selon le cœur de Dieu, c’est là le plus grand trésor que le bon Dieu puisse accorder à une paroisse, et un des plus précieux don de la miséricorde divine. »

Monseigneur Dupleix résuma ainsi son charisme : « Il accomplit son ministère d’une manière admirable par sa prédication, sa prière continue et son exemple de pénitence. Chaque jour, il catéchisait enfants et adultes, réconciliait les pénitents, et une telle charité, puisée dans la sainte Eucharistie comme à sa source, resplendissait en lui qu’on venait de loin rechercher ses conseils, et qu’il conduisit à Dieu, avec sagesse, un grand nombre de personnes. » Au cœur de la crise sanitaire que nous connaissons depuis le mois de mars, le saint curé nous rappelle que Dieu est là.

Reprenant les mots de Mgr de Moulins-Beaufort dans son discours à l’occasion du 4ème anniversaire de la mort du Père Hamel, pouvons-nous dire que la période a mis en lumière des « saints prêtres », des prêtres qui ont continué à faire Église, qu’elle soit confinée ou déconfinée, domestique ou en assemblée ?

A partir des échanges que j’ai pu avoir avec des prêtres du diocèse de Bayeux-Lisieux, en particulier avec ceux de mon pôle missionnaire à Caen et à partir de ce que j’ai pu observer sur les réseaux sociaux, je peux témoigner que les prêtres ont essayé de vivre saintement cette période en restant fidèle à leur mission : prier, enseigner, fortifier la foi des fidèles de leur communauté paroissiale sans oublier les pauvres. Je suis d’ailleurs admiratif et ému des témoignages que j’ai pu entendre.

Si la rupture physique avec les fidèles et l’ensemble de la société a été brutale, elle a rapidement libéré les initiatives. Pour plusieurs d’entre nous, il a d’abord été important de témoigner de la présence réelle du Christ pendant la crise par des bénédictions du saint Sacrement au cœur de nos villes ou de nos villages, puis de garder un lien avec les paroissiens avec les moyens numériques d’aujourd’hui : mails, réseaux sociaux, ou encore avec le téléphone.

Des messes ont pu être retransmises sur YouTube, ou sur les radios ou télévisions publiques et catholiques. Elles ont été bien suivies par les fidèles et nos prêtres aînés qui concélébraient avec nous depuis leur bureau. Des temps de prière quotidiens ou hebdomadaires autour de la Parole de Dieu ont continué à nourrir la vie spirituelle de chacun. Ce temps de solitude a été l’occasion pour nous prêtres de restructurer notre vie quotidienne autour de la Liturgie des Heures, la messe et la lecture. Là où un prêtre prie ou célèbre, même seul, il le fait au nom de tous et pour tous. En sa personne la communauté perdure puisqu’il en est le pasteur. Il en garde toujours le souci et continue à l’animer. Ce lien n’a pas été rompu.

24 septembre 2018 : Retraite mondiale de prêtres organisée à l'occasion du bicentenaire de l'arrivée de Saint Jean-Marie Vianney à Ars-sur-Formans. Messe célébrée par Mgr Benoît RIVIERE, évèque d'Autun. Ars-sur-Formans (01), France.

Le pasteur n’est pas seul, il est autant celui qui guide son peuple, configuré au Christ, que le frère avec ses frères croyants. C’est tout le peuple de Dieu qui a continué à rendre présent le Christ. La sainteté du prêtre fidèle au poste, c’est aussi la fidélité de chaque croyant à sa mission. Les initiatives des prêtres, celles des fidèles laïcs ont été prises ensemble et se sont fécondées mutuellement. En ce sens, nos communautés se sont même fortifiées, en tout cas avec ceux qui étaient déjà engagés.

Cette relecture pourrait sembler être idyllique parce qu’elle montre que le caractère permanent de la communauté et de la mission du pasteur ont été maintenus avec de beaux fruits spirituels. Et pourtant, toute la question se pose pour nous de ceux qui ne sont pas connectés ou qui sont isolés par l’éloignement ou la pauvreté et que nous avons perdus de vue. Certains sont revenus, mais pas tous. Et cela est une vraie question qui crée une souffrance pour notre cœur de prêtre ou de croyant. Il ne faudrait pas l’oublier dans nos projets de communication.

Cette période nous a rappelé toute l’importance de ce qu’est l’Église comme corps vivant du Christ et nous a permis de vivre un manque, un manque de présence et de contact. Le virtuel ne suffit pas à constituer une communauté. Nous avons besoin du présentiel, d’où cette légitime impatience de reprendre le chemin de nos églises et de renouer avec les rencontres. Nous devons le vivre dans le respect des règles sanitaires. Nous pouvons même arriver à faire du gel hydroalcoolique un geste fraternel.  Au-dessus des masques, les yeux continuent à exprimer nos états d’âme.  Là où des initiatives spirituelles, catéchétiques ont pu être prises avec les moyens numériques pour se nourrir mutuellement, là ou des prêtres ont pu garder le contact avec les fidèles, les communautés se sont vite retrouvées avec joie.

Nous avons aimé rêver d’un monde d’après. Mais celui-ci prendra du temps à se révéler. Et il se construit avec le principe de réalité, les peurs et les souffrances d’aujourd’hui.

Louis et Zélie MartinLe responsable du centre spirituel Saint Pierre de Caen a beaucoup accueilli de jeunes autour de la solennité de Pentecôte pour vivre le sacrement du pardon qui n’avait pas pu être célébré à l’occasion de Pâques. Avec le recteur du sanctuaire de Lisieux, il constate l’importance de témoigner de l’espérance et de la miséricorde du Seigneur au moment même ou la crise sanitaire continue. La pastorale du sanctuaire thérésien s’est adaptée à ce besoin d’écoute et de réconfort. Le témoignage concret de la miséricorde divine à l’école de Sainte Thérèse et de ses saint parents, Louis et Zélie Martin est devenu la priorité.

Comme pasteurs, nous sommes invités à continuer à accompagner le Peuple de Dieu dans sa traversée d’une certaine forme de désert en rassurant, en fortifiant, en nourrissant les fidèles sans perdre de vue l’horizon missionnaire et sans oublier les plus pauvres, victimes de la crise économique. Nous sommes invités à témoigner d’une vision d’espérance enracinée dans l’expérience pascale. Dieu est toujours avec nous, il traverse avec nous. Notre responsabilité pastorale est d’en être le signe et le témoin.

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