Rencontres méditerranéennes : adresse de remerciement au Saint-Père de la part de Mgr de Moulins-Beaufort

Mgr EMB au Palais du PharoAdresse de remerciement de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et Président de la Conférence des évêques de France (CEF) au Saint-Père pour les Rencontres méditerranéennes, au Palais du Pharo le samedi 23 septembre 2023.

Très Saint-Père,

Il m’a été demandé de vous adresser quelques mots de remerciement au terme de ces troisièmes Rencontres méditerranéennes. Je le fais en présence du Président de la République française que je suis heureux de saluer et des ministres et responsables publics de notre pays et de la région qui sont ici présents.

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre de l’Intérieur, Madame la Ministre de la Ville, Monsieur le Maire, Monsieur le Président de la Région Grand-Sud, Madame la Présidente du département et de la métropole de Marseille, Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs, Mesdames et Messieurs les élus et Mesdames et Messieurs les hautes personnalités rassemblés en cet amphithéâtre, en prenant part à cette séance de conclusion, vous devenez en quelque sorte les témoins des paroles que nous, évêques participants de ces Rencontres méditerranéennes, évêques de France tous concernés par la façade méditerranéenne de notre pays, et vous jeunes appelés à devenir toujours mieux des phares de la culture de la rencontre, avons entendues ensemble de la part du pape François. Vous pourrez nous demander ce que nous en aurons fait. Le semeur est sorti pour semer, rappelle l’évangile de ce jour : nous sommes nombreux ici à savoir ce que signifie la parabole que le Seigneur Jésus propose.

Très Saint-Père, votre venue en conclusion des troisièmes rencontres méditerranéennes attire fortement l’attention de tous, autorités politiques et citoyens de ces pays, croyants catholiques ou non. Pour les évêques des pays occupant un rivage méditerranéen, elle indique une priorité de réflexion et d’action pastorale.

Au terme de trois jours de travail entre évêques concernés et jeunes de ces pays de toutes religions et cultures, nous recevons de vous un vif encouragement, une exigence, à prendre au sérieux ce que notre rive méditerranéenne nous appelle à être et à vivre. Je me laisse guider par Jean Giono, chantre de la Provence et de la Méditerranée : « Cette mer ne sépare pas ; elle unit. »

Considérer ensemble la Méditerranée, contempler ce que la géographie naturelle et humaine et l’histoire, depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, nous enseignent, nous conduit tous à nous reconnaître d’abord comme des héritiers, ensuite comme engagés dans des rapports de force qu’il faut transformer en rapports de fraternité, enfin nous invite à comprendre notre destinée humaine comme une traversée vers la Patrie de la vie pleine pour tous et pour toujours.

  1. Par cette mer, tous, nous sommes des héritiers. Héritiers de grandes civilisations qui ont précédé l’apparition du christianisme et de l’islam et au contact desquelles le judaïsme s’est forgé, les civilisations qui ont inventé l’écriture alphabétique par exemple. Là a commencé l’histoire d’Abraham et nous avons appris qu’il y avait une histoire juive de la liberté et une histoire grecque de la liberté, une histoire juive et une histoire grecque de l’espérance, et sans doute une histoire arabe et une histoire africaine de l’une et de l’autre et que ces histoires avaient à se conjoindre sans cesse. Jean Giono l’a écrit : « Tel vallon au nord de Sainte-Victoire semble avoir été décrit par Sinbad le marin ; ce laboureur est dans Théocrite ou dans Virgile ; ce piégeur de grives est dans l’histoire arabe de Tabari». Cet héritage habite nos manières de vivre notre foi ou notre religion. Nous avons, nous le comprenons mieux, nous évêques catholiques, avec les Églises au service desquelles Dieu nous a appelés comme pasteurs, à faire fructifier ces héritages millénaires, à la suite des Pères de l’Église, de sorte qu’ils contribuent au trésor de l’humanité entière. Aucun héritier ne peut s’approprier de tels héritages. Chacun ne les reçoit que pour les partager. Que transmettront nos générations ?
  2. Nos pays ont aussi profité de la Mer Méditerranée et des rapports qu’elle permettait entre ses différentes rives pour établir parfois des rapports de domination avec d’autres peuples. Encore le poète : « Sur cette eau, depuis des millénaires, les meurtres et l’amour s’échangent et un ordre spécifiquement méditerranéen s’établit. » Selon les périodes, les pays dominants et les rives dominantes ont varié. Il en résulte une histoire faite de belles rencontres et aussi de douleurs et de blessures mutuellement infligées. Nous devons savoir regarder avec lucidité ce passé, le nommer avec clarté et précision, et travailler ainsi à une réconciliation plus réelle, plus profonde, qui puisse toucher chaque personne, plus fortement qu’un discours instrumentalisé par les nécessités ou les combats politiques. Avec d’autres, sans doute, mais avec leurs ressources spirituelles propres, nos Églises peuvent et doivent porter fortement la conscience des fautes commises les uns contre les autres et œuvrer pour leur apaisement. Les mémoires sont blessées et nos Églises sont et pourraient être davantage des lieux de lumière et d’apaisement. Il y a de l’orgueil, conscient ou non, et du mépris, de l’humiliation et du ressentiment. Nous pouvons apprendre à nous rencontrer dans l’humilité.

    La mer Méditerranée est une mer commune ; elle s’offre à chacune et chacun qui aborde ses rives comme une promesse ou une menace et un tombeau

  3. Enfin, nous avons à ne jamais oublier que la mer Méditerranée a été et est toujours le lieu de destinées personnelles. Elle est une source d’émotion esthétique, elle est une réserve de nourriture et de produits, elle nous inscrit dans l’histoire longue de l’humanité. La contempler nous fait comprendre la vie terrestre comme une traversée vers la Patrie. Giono, une dernière fois : « Aux peuples de ses rivages, bien que de races différentes, de religions opposées, elle impose les mêmes gestes ». Des personnes, par milliers, par millions, ont risqué leur vie sur elle, pour le meilleur et pour le pire, pour aller vers plus de bonheur, de liberté, de vie, de joie, ou pour tomber dans le désespoir ou la mort. Nous, chrétiens, avec beaucoup d’autres, nous ne pouvons regarder ses flots sans penser à tous ceux et toutes celles qui se sont confiés à eux, depuis Ulysse et saint Paul, nous l’avons entendu hier, jusqu’à celles et ceux qui cherchent aujourd’hui à quitter leur pays. La mer Méditerranée est une mer commune ; elle s’offre à chacune et chacun qui aborde ses rives comme une promesse ou une menace et un tombeau. Il nous revient, à nous humains, de nous entraider fraternellement pour que la mer tienne sa promesse et permette à chacun de tenir la promesse qu’il est. Hier soir, Très Saint-Père, vous nous avez rappelé, dans un moment grave et doux, saisissant, que toute personne morte en mer était un frère ou une sœur avec qui nous aurions pu partager un moment de destinée commune dans l’attente de la rencontre éternelle. Selon les religions ou l’absence de religion, nous comprenons différemment l’éternité à laquelle les humains sont appelés. Ces conceptions déterminent aussi certaines compréhensions de la vie terrestre et des responsabilités de chacun. Nous voulons essayer d’ouvrir nos horizons les uns aux autres, pour que l’espérance soit partagée par le plus grand nombre, pour que la Méditerranée devienne une « mosaïque de l’espérance », où tous, gage et promesse pour tous les peuples, s’aident mutuellement à chercher « Celui qui est plus grand qu’il ne se puisse penser » (Majus quam cogitari possit, saint Anselme).

Très Saint-Père, au nom des évêques présents, en m’associant aux jeunes qui ont travaillé avec nous pendant ces journées, et au nom de tous ceux et celles qu’ensemble nous représentons, permettez-moi de remercier la Conférence épiscopale italienne qui a initié ces rencontres – je salue spécialement le cardinal Bassetti – et permettez-moi de remercier chaleureusement le cardinal Aveline, le diocèse de Marseille et les équipes formidables qu’ils ont su mobiliser pour imaginer, préparer et conduire ces journées. Leur ténacité, leur créativité, leurs attentes ont contribué à la joie intense de ces jours. Et Très Saint-Père, merci à vous, de tout cœur, de nous appeler avec tant de force à sortir de nos problématiques respectives, tournées vers notre survie aux uns et aux autres – ; merci de nous engager à regarder vers la mer et vers les horizons où elle nous conduit. Par elle, nous quittant nous-mêmes, nous rejoignons le vaste monde, l’humanité entière en route vers sa destinée ultime.

Le Seigneur, nous le savons ici à Marseille, rejoint ses amis embarqués sur les flots et les confie à sa « bonne mère ».

Le semeur est sorti pour semer.

De tout cœur, Très Saint-Père, merci.

+ Éric de Moulins-Beaufort, Archevêque de Reims,
Président de la Conférence des évêques de France

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