En chemin vers la vie consacrée
Clémentine Curial, 36 ans, native d’Alençon, sera consacrée le 1er juin prochain dans l’Ordre des vierges par Mgr Jacques Habert, évêque de Séez. Après des études d’histoire, des expériences professionnelles dans le patrimoine, deux ans de coopération en Inde et une reconversion dans le domaine agricole, elle est depuis septembre dernier responsable de la pastorale des jeunes et des pèlerinages diocésains. Témoignage. Par Florence de Maistre.
Une belle vie alençonnaise
“Je suis née et j’ai grandi à Alençon. J’y suis restée jusqu’au Bac, avant de poursuivre des études d’histoire à l’université de Caen. Avec mon master professionnel sur le patrimoine, j’ai effectué plusieurs stages à la conservation des antiquités et objets d’art de l’Orne à Alençon, et trouvé à l’issu un emploi à la délégation régionale de la Fondation du patrimoine. Je me suis retrouvée dans ma ville natale. J’étais contente d’avoir un job qui me plaisait à Alençon. J’ai vécu ces quatre belles années de travail dans la joie.”
L’appel de la coopération
“Adulte, avec un CDI, une voiture, un appartement, je me suis retrouvée face à cette question : que faire maintenant ? Je pouvais continuer toute ma vie comme ça, mais quelque chose me semblait mal ajusté. J’avais l’impression de m’installer, or je voulais choisir : cette vie-là ou autre chose. Au cours de ma réflexion, j’ai entendu parler de Fidesco. L’appel de la coopération a vraiment résonné à mes oreilles, c’était très nouveau pour moi. Je crois que j’avais un désir d’abandon, de voir ce que le Seigneur était capable de faire avec ça ! Avant de partir, on se sent assez pauvre, on a peur de l’inconnu et en même temps l’aventure est très excitante. J’ai été envoyée en Inde, où j’ai vécu une expérience humaine et spirituelle très riche.”
Une expérience de vie communautaire
“Avec Fidesco, on ne choisit ni la mission, ni la destination. Vu mes expériences professionnelles, la gestion comptable et administrative des communautés Points-Coeur en Inde m’a été confiée, ces dernières ayant surtout une mission de présence et de prière. Il y avait deux petites communautés, l’une de garçons et l’autre de filles, dans des bidonvilles. Et Le jardin de la Miséricorde un foyer d’accueil pour personnes en grandes difficultés, où je vivais. Nous partagions au quotidien une vraie vie communautaire fondée sur la prière et le travail, ce qui a beaucoup nourri ma foi. Face aux enfants, aux familles, aux personnes handicapées, je me suis vraiment interrogée sur la façon dont on devient frères les uns des autres au-delà de nos différences culturelles ou de nos blessures, c’était très enrichissant ! J’ai d’ailleurs gardé des liens avec une jeune femme handicapée du Jardin qui est venue en France cet été. C’était très étonnant et super de la revoir, j’ai trouvé qu’elle avait une grande faculté d’adaptation ! Il y avait aussi une micro-entreprise de production et vente de confitures, et une ferme. J’ai été surprise de constater ma curiosité pour la ferme, alors que je n’y travaillais pas. Nous avions des chèvres, des poules, des dindons et des vaches, et cela m’attirait beaucoup.”
Le temps du discernement
“Je suis rentrée après de deux ans et par chance j’ai tout de suite retrouvé un emploi à Paris au sein de la Fondation pour la sauvegarde de l’art français. Un super job dans la lignée de ce que j’avais fait précédemment. De très bons amis m’ont aidée pour me réadapter à la vie française et découvrir la vie parisienne ! Assez rapidement après ce retour d’Inde, j’ai discerné une vocation de consacrée et je me destine depuis à devenir vierge consacrée. J’avais une belle paroisse à Clichy et je fréquentais les Bernardins, mais c’est l’Église de l’Orne qui me parle : mon appel est de vivre dans le diocèse qui m’a élevée dans la foi. Je me suis dit qu’il fallait donc revenir dans l’Orne, quitte à remettre en cause mon activité professionnelle. Les vierges consacrées vivent dans le monde, y travaillent et ne dépendent financièrement ni du diocèse ni d’une congrégation. Je cherchais un emploi porteur de sens, cohérent avec ma vocation. J’étais à Paris et j’ai eu très envie de me rapprocher du milieu agricole.”
Un virage à 180°
“Je veux être consacrée. Si je veux vivre au milieu des gens, c’est pour les connaître, les aimer et leur annoncer le Christ. Le monde agricole reste à évangéliser, il y a de nombreuses personnes touchées par la crise et qui ont à plus forte raison besoin de Jésus. J’étais aussi intéressée par les nouvelles techniques de production, type permaculture, qui ouvrent des portes. Il y avait une dimension d’espérance dans ma démarche. Mais je n’y connaissais rien du tout. J’ai eu la chance de faire un stage dans une ferme pour me confronter à la réalité du métier. J’ai pris un virage à 180° en passant de Paris à la ferme, d’un milieu extrêmement raffiné au travail de la terre ! Le stage m’a enthousiasmée ! Le fermier, jeune père de famille fourmillant d’idées novatrices, proposait des ateliers partagés et s’intéressait à l’aspect formation. J’ai trouvé un système de contrat d’accompagnement professionnel : je travaillais chez lui, en étant en situation d’entrepreneur, accompagnée pas à pas. Pendant un an, j’ai fait du maraîchage et élevé des poules pondeuses, avant de réfléchir à une spécialisation. J’ai surtout découvert des gens passionnants, courageux et intelligents qui refusent le système et assument leurs choix. J’admire leur capacité de réflexion, leur façon de vivre autrement. Il y a aussi une rusticité, une simplicité de la vie à la campagne, comme celle que j’avais en Inde, qui me touche. Les vierges consacrées choisissent de vivre à la suite du Christ, la chasteté, l’obéissance et la pauvreté. Pour moi, cette expérience est une invitation à la simplicité. De la ferme, je retiens aussi cette découverte de la nature. J’ai fait du scoutisme, mais c’est une autre étape de comprendre l’évolution de la graine, de la plantation, ou le fonctionnement d’un élevage. C’est très beau, et ainsi confronté au réel, on comprend beaucoup mieux les paraboles de Jésus !”
Au service du diocèse de Séez
“En juin dernier, l’évêque m’a proposé la responsabilité de la pastorale des jeunes et des pèlerinages. C’était un renoncement de quitter mon projet agricole, mais la mission proposée est très cohérente avec mon appel : après discernement, j’ai accepté. Le service de l’Église a une place importance dans mon histoire profonde. Je découvre la maison diocésaine à Sées, et fréquente l’Église dans tous ses aspects. C’est nouveau, j’observe et analyse. Mon objectif : faire connaître et aimer le Christ aux jeunes. Je ne veux pas le perdre de vue, je sais que l’on peut vite se noyer dans des aspects pratiques, organisationnels. D’où l’importance d’avoir une vie spirituelle nourrie. Nous sommes un petit diocèse avec peu de forces vives, je crois que l’un des enjeux est d’arriver à travailler ensemble. C’est à ce prix qu’on pourra faire de belles choses et qu’on sera efficace dans l’annonce et l’accompagnement des jeunes.”
Approfondir sa vocation
“Je me prépare depuis quatre ans et demi. Je ne cesse de découvrir et d’approfondir la vocation des vierges consacrées, vocation fondamentale du chrétien. J’en avais une image vieillotte et très injuste. Initialement, je cherchais une congrégation religieuse, je rêvais d’une belle abbaye du XIIe siècle, d’un bel habit et d’une belle liturgie : toutes choses des plus essentielles en fait ! Pour accompagner ma réflexion sur la consécration, mon père spirituel m’a conseillé un livre dédié aux vierges consacrées : exactement ce que je recherchais ! J’ai rencontré des vierges consacrées du diocèse de Paris, dont une qui m’a encouragée à suivre la formation des responsables aux Collège des Bernardins, ouverte aux laïcs en mission ecclésiale. Pendant deux ans, j’ai ainsi reçu un enseignement spirituel et intellectuel. En parallèle, je suis allée voir l’évêque de Séez, Mgr Jacques Habert : il a mis un point d’honneur à ce que l’on se rencontre chaque mois. Après cette première formation, avec mon double désir de me mettre au service de l’Église et d’être consacrée, j’ai débuté une licence à l’Institut supérieur de sciences religieuses (Collège des Bernardins). Mais à la suite de mon déménagement et avec mon travail à la ferme, les trajets à Paris devenaient difficiles. J’ai interrompu ces études et verrais comment les reprendre l’an prochain, car pour l’instant je préfère prendre le temps d’appréhender mes nouvelles missions. En attendant, je suis accompagnée par une équipe en vue de ma consécration. La date est d’ailleurs enfin prévue ! Ce sera le 1er juin, lundi de Pentecôte. J’ai hâte et en même temps je suis contente d’avoir du temps pour l’intégrer dans ma vie quotidienne.”
En confiance
“Je suis l’aînée de ma famille, j’ai deux sœurs, deux frères, dix neveux et nièces. J’ai de la chance, mes parents ont bien accueilli mes choix. Je ne les ai pourtant pas ménagés avec mes revirements, pas toujours évidents à suivre : ils m’ont toujours fait confiance. J’avais quelques craintes avant de leur faire part de mon choix de l’Ordre des vierges consacrées, j’ai quelques exemples où l’annonce s’est mal passée. Je sais que je choisis une vocation difficile à comprendre. J’ai été extrêmement touchée de l’accueil très positif qu’ils m’ont offert. L’important, c’est d’abord la confiance. Ensuite l’expression de la foi est pour chacun différente. D’une certaine manière, mes parents sont heureux d’avoir un enfant qui se consacre à Dieu. Mes frères et sœurs, qui s’inquiétaient de mon célibat, sont aujourd’hui heureux que je me donne. L’action de grâce m’habite et me laisse confiante en l’avenir.”
Carte des diocèses
Vous trouverez sur cette carte les informations détaillées de chaque diocèse en cliquant sur la zone correspondante.
Attention : ne pas confondre diocèse et évêché.
L'évêché est le lieu de résidence de l'évêque.
Le diocèse prend le nom du lieu où se trouve la cathédrale.