Discours de clôture de l’Assemblée plénière de printemps | le 4 avril 2025

Discours de clôture prononcé par le Président de la Conférence des évêques de France Mgr Eric de Moulins-Beaufort, le 4 avril 2025. Il s’agit de son dernier discours en tant que Président de la CEF, son mandat s’arrêtant en juin 2025.

Frères et Sœurs, chers amis, vous qui êtes présents ici, évêques, membres du secrétariat général, collaboratrices et collaborateurs de notre Conférence, journalistes et autres invités, et vous qui suivez ce discours grâce à KTO,

L’assemblée de printemps des évêques de France en cette année 2025 a été précédée par un jour et demi de session d’évaluation et de perspective dans notre lutte contre les violences sexuelles dans l’Église. Peut-être certains parmi vous qui m’écoutez par la grâce de la vidéo jugent-ils que nous, évêques, y passons trop de temps ou ne pensons plus qu’à cela. Certaines questions de journalistes donnent à penser que ce genre de réactions existent. Je voudrais ici devant les évêques rassemblés attester que nous avons vécu deux journées intenses, graves, mais belles, fortes, exigeantes, apaisantes. Nous en sommes sortis avec une profonde gratitude pour les personnes victimes qui ont accepté de travailler avec nous, avec le désir de trouver les moyens d’une proximité avec ceux et celles qui ne peuvent nous faire confiance, renforcés dans la volonté d’œuvrer pour que l’Église, la nôtre, qui est d’abord celle de Jésus-Christ, ne soit pas une terre de violence, mais une terre de vie, de paix et de joie, et pour cela, plus humblement, une terre de rencontre dans la vérité et la justice.

De ces trois demi-journées, nous vous adressons à vous toutes et tous un message que je me permets de vous lire ici. Nous, évêques, voudrions qu’il soit lu ou distribué dans les paroisses autant que faire se peut :

Résolument, continuons à servir la vérité !

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Les 31 mars et 1er avril, comme nous nous y étions engagés en mars 2023, nous, évêques de France, avons fait un point d’étape sur la lutte contre les violences sexuelles dans l’Eglise catholique. A notre invitation, trois cents personnes : personnes victimes, seules ou en collectifs, invités de nos diocèses, laïcs, prêtres et diacres, religieux et religieuses, experts, responsables associatifs, se sont réunies Cité Saint-Pierre à Lourdes. Pendant trois demi-journées, six tables rondes animées par différents journalistes, des ateliers, un ciné-concert racontant comment une personne victime sort de l’amnésie traumatique et parvient à la justice, se sont déroulés dans un climat de travail commun, d’écoute mutuelle, de bienveillance et de grande exigence.

Nous remercions de tout cœur les personnes victimes et leurs collectifs. Nous sommes reconnaissants du compagnonnage qu’elles ont consenti à vivre avec nous. Leur parole, une fois encore, aide notre Église à faire la vérité pour combattre le mal qu’elle transporte, afin que nous soyons plus fidèles au Christ et à notre mission. Un chemin a été ouvert depuis la remise du rapport de la CIASE ; il est à poursuivre encore et toujours. Il est essentiel qu’avec vous tous, nous progressions dans une culture de la vigilance et de la bientraitance, du respect à l’égard de toutes les personnes, en particulier les plus fragiles et les enfants. La prévention et le compagnonnage avec les personnes victimes sont de notre responsabilité à tous.

Cette session à Lourdes a été marquée par les témoignages bouleversants de plusieurs personnes victimes, parmi lesquelles certaines ayant vécu l’enfer de Bétharram. Nous leur disons combien nous comprenons et partageons leurs cris et leur colère. Nous nous tenons résolument à leurs côtés pour que s’accomplisse sans retard le nécessaire travail de vérité et de justice.

Avec le Secrétariat général de l’Enseignement catholique, avec les congrégations religieuses enseignantes, nous encourageons les personnes qui ont subi des violences physiques ou sexuelles dans des établissements scolaires à se signaler à la justice et à prendre contact avec France Victimes ou les cellules d’écoute de nos diocèses. Nous le redisons avec force et avec les mots du Christ Jésus lui-même : c’est la vérité qui rend libres (cf. Jean 8,32) et ouvre des chemins de guérison.

Plusieurs intervenants ont cité la parole de Dieu à Moïse dans le buisson ardent : « J’ai vu, oui j’ai vu la misère de mon peuple et j’ai entendu ses cris… Oui, je connais ses souffrances » (Exode 3,7). N’ayez pas peur, frères et sœurs, nous vous y exhortons, d’entendre le cri de ceux et celles qui souffrent dans notre Eglise et par elle aussi. Agissons ensemble pour rendre notre Eglise plus sûre. Nous avons besoin de la vigilance et de l’engagement de chacune et chacun de vous pour que notre Église affronte cette crise en se laissant transformer. Nous croyons que notre Dieu est un Dieu qui libère. En entrant dans la Semaine Sainte, écoutons ce qu’il promet : « Je suis descendu pour le délivrer » (Exode,3,8). C’est ce que nous célèbrerons pendant les Jours saints, dans l’espérance de Pâques.

                                                                            Les évêques de France

Ce texte est relativement court. Nous espérons qu’il n’est pas anodin. Il ne reprend pas les richesses de ce que nous avons entendu et reçu ; il vous invite, il nous invite à l’action, et l’action suppose une conversion : accepter de prendre au sérieux la parole des victimes et de les accompagner dans le long temps de leurs vies ; consentir à se laisser transformer par la vérité parfois amère ; espérer que la vie, ce qui veut dire : la rencontre, la coopération, le service mutuel, est plus forte que toute mort. Au nom des évêques, je redis notre gratitude à l’égard des équipes de l’INIRR et de la CRR, à Mme Derain de Vaucresson et à M. Garapon très spécialement. La voie ouverte par ces commissions de reconnaissance et réparation est à côté et au-delà du droit strict. C’est notre choix, au nom de l’humanité et de l’Évangile.

Nous avons complété nos processus de lutte contre les violences sexuelles dans l’Église par un processus nouveau destiné aux personnes qui ont été agressées ou seraient agressées à l’âge adulte. Nous l’avons voulu le plus près possible de ce que les institutions de notre pays exigent et rendent possible. Nous ne cherchons pas à créer une justice différente. Nous voulons, selon les indications qui nous avaient été données par le groupe de travail ad hoc, en novembre 2023, accueillir au mieux les personnes qui seraient victimes et leur apporter le soutien nécessaire vers la justice, celle de notre pays et celle de l’Église. Nous ne prétendons pas mieux juger que les juges. Nous constatons que la justice républicaine progresse dans la prise en compte des mécanismes par lesquelles une personne adulte peut être rendue vulnérable, les mécanismes de l’emprise et de l’abus spirituel. Nous souhaitons œuvrer pour que la justice canonique avance aussi sur cette voie.

Nous avons été attentifs à proposer un accompagnement différent de ceux que nous avons mis en place pour les personnes ayant été victimes dans l’enfance ou l’adolescence. Nous voudrions que les personnes coupables assument leurs responsabilités et ne s’en déchargent pas sur l’institution. La grandeur de l’être humain est d’être responsable de lui-même ; la grandeur d’un prêtre, d’un religieux, d’une religieuse, est d’assumer ses engagements, sa consécration, et, le cas échéant, ses fautes.

Pour répondre à ces objectifs, nous avons décidé la mise en place de cellules d’écoute à l’échelle diocésaine ou provinciale, chargées de recevoir les personnes plaignantes, de les écouter, d’entendre leurs demandes, et de les soutenir dans les démarches nécessaires pour obtenir justice lorsqu’il y a lieu. Il s’agira, dans ces cellules, de personnes formées et coordonnées à l’échelle nationale, mais réparties dans les diocèses ou les provinces. Elles accompagneront les personnes jusqu’à la justice étatique ou canonique. Mais nous ne voulons pas laisser des souffrances non prises en charge. C’est pourquoi, lorsque la justice, quelle qu’elle soit, ne pourra s’exercer, pour cause de prescription, de mort du mis en cause, de faits indubitables et cependant insuffisamment caractérisés pour la justice, nous avons décidé de solliciter des médiateurs professionnels : ils pourront proposer un cadre sécurisé de rencontre entre la personne plaignante et le diocèse, lorsqu’il le faudra, ou le mis en cause, lorsque ce sera possible. Nous nous appuyons sur la pratique actuelle de la justice en notre pays et sur l’expérience professionnelle des médiateurs habilités par la justice. Nous le faisons, non pas tant au nom d’une responsabilité, car chacun est responsable de ses actes, mais comme pasteurs, au nom du Corps du Christ, envoyé pour proclamer la guérison et la Résurrection à tous et à chacun.

Permettez-moi d’ajouter ceci : je ne veux pas, nous ne voulons pas, nous habituer à connaître dans l’Église, notre Église, qui n’est pas notre propriété mais l’Église du Seigneur Jésus et de ceux et celles dont il fait les siens, des violences et des agressions, des perversions sexuelles ou spirituelles. Le Christ n’a pas fondé l’Église pour qu’elle ajoute au mal qu’il y a dans le monde. Il l’a voulue pour diffuser dans ce monde-ci sa puissance de salut qui vient du Père et qui conduit au Père. Pendant les six années passées, nous avons dû constater qu’il y avait de la violence dans la condition humaine, plus qu’on ne le savait, plus qu’on ne voulait le voir, et nous avons dû reconnaître que cette violence s’insinuait dans l’Église. Il faut s’en prémunir ; il faut en protéger les plus vulnérables ; il faut aider les coupables à se reconnaître comme tels et à se repentir ; il faut dénoncer le mal au nom de l’humanité et de Dieu. La bonne volonté n’y suffit pas, qui souvent, hélas, trop souvent, court le risque de se transformer en complaisance, par tant de liens de solidarité réelle ou imaginaire, que les coupables savent faire valoir, par l’affreux souci de préserver le bien d’un collectif au prix de la mort d’une personne. Des processus sont nécessaires, des dispositifs clairs et performants. Seulement, ils ne suffisent pas. Le mal ne se combat pas seulement par des digues ou des réparations. Il faut le prendre à la racine. Il vient s’infiltrer là où devrait régner le service des personnes, et en premier lieu des plus vulnérables. Tous les dispositifs ou processus que nous avons mis en place pendant ces six années, tous les dispositifs ou processus auxquels nous avons travaillé expriment notre réaction devant le mal commis ou possible. Au nom du Christ, nous ne pouvons le tolérer, nous ne pouvons nous y résigner. Mais nous ne pouvons en rester à une telle réaction. Nous avons à puiser davantage dans les ressources dont le Seigneur Jésus comble son Église. De ces ressources, nous avons à en vivre, plus exactement et plus généreusement.

Je veux, au nom des évêques, dire aux prêtres notre reconnaissance, notre admiration. Je veux assurer les jeunes qui s’éprouvent appelés par Dieu que tout quitter pour servir le Christ Jésus ouvre une vie pleine et plus que pleine, une vie qui partage aux autres de la vie et de la joie. Nous avons, nous évêques, à soigner l’accompagnement des prêtres, à travailler pour leur offrir des conditions de vie et d’exercice du ministère qui permettent de garder le cœur ouvert, la charité active et délicate, de progresser dans l’amour des personnes auxquelles nous sommes envoyés.

Je veux aussi, avec tous les évêques, remercier et encourager les familles qui s’efforcent d’être, autant qu’elles le peuvent, des communautés de personnes, pas seulement de la chair et du sang, au service de la vocation de chacun. Elles sont des lieux magnifiques d’apprentissage de l’ouverture mutuelle, du don de soi réciproque, de l’espérance en chacune et chacun. Les drames connus dans les familles ne doivent, ne devraient pas, décourager les jeunes d’en tenter l’aventure. Ils pourront puiser dans le Christ, dans sa grâce, dans son enseignement, dans sa lumière, et dans l’intensité de la vie de l’Église, de quoi vivre chacun selon son meilleur, chaque conjoint au service de l’autre, grandissant en communion avec l’autre, en créant pour leurs enfants un espace où le monde se pacifie, où chacun compte pour tous les autres, et cela est bénéfique pour chaque membre d’une famille mais aussi, pour ceux et celles qui les rencontrent et pour la société entière.

Mercredi matin, une conversation spirituelle en deux séquences nous a permis des échanges riches et prometteurs sur les enjeux que nous apercevons pour l’Église en France dans les trois ans qui viennent. La présidence et le conseil permanent à venir trouveront dans le compte rendu de ces échanges du matériau abondant pour nourrir le travail de notre Conférence et de nos assemblées. Tous les enjeux énumérés ensemble dessinent une figure de l’Église en transformation, humiliée et humble, portée par l’espérance dans l’action de grâce pour ce que le Christ Jésus, crucifié et ressuscité, dépose en elle par son Esprit, consciente d’avoir un service à rendre pour l’humanité entière, pour le bien de tous et de chacun.

De manière, plus modeste, ce matin, les présidents des six pôles qui structurent désormais notre Conférence ont exposé les priorités que les conseils de pôles se sont données. Alors que nos moyens diminuent, même si la générosité des fidèles se maintient, nous devons viser plus précisément ce que nous voulons faire ensemble. De manière plus générale encore, il nous faut progresser, comme le document final du synode y invite, dans une culture de l’évaluation, du compte rendu, de la mesure des objectifs atteints ou non. Certes, l’Église vit et grandit par le don de Dieu : les catéchumènes en nombre inédit qui demandent à être baptisés et veulent entrer dans la vie baptismale à la suite du Christ, les jeunes qui ont pris part à la messe des Cendres, nous les recevons avec gratitude comme des dons par lesquels Dieu nous encourage. Mais il est de notre responsabilité de prendre les moyens nécessaires, avec le discernement et la prudence qui s’imposent, sûrs que Dieu fera déborder la mesure dont nous nous servons.

Enfin, chers amis qui m’écoutez ici ou grâce à KTO, cette assemblée était la dernière qu’il m’était donné de présider. Nous avons procédé à des élections nombreuses : celles de la présidence et du conseil permanent. Celui-ci sera désormais plus nombreux, comprenant non plus dix mais seize évêques, un par province ecclésiastique et l’archevêque de Paris. La commission doctrinale a été renouvelée, les évêques m’ont fait l’amitié de m’appeler à la présider de nouveau ; le conseil de lutte pour la protection des mineurs (CPLP) sera conduit par Mgr Gérard Le Stang, Mgr Thibault Verny ayant souhaité se consacrer à son diocèse et à la commission pontificale de la protection des mineurs ; enfin le conseil pour l’Enseignement catholique voit Mgr Matthieu Rougé prendre la succession de Mgr Benoît Rivière, que je remercie au nom de tous pour son engagement dans l’accompagnement et le soutien apportés au Secrétaire general de l’Enseignement catholique. Il nous fallait aussi choisir un nouveau Secrétaire général, M. Philippe Delorme ayant achevé les deux mandats possibles. Les six années pendant lesquelles celui-ci a tenu la barre, ont été des années de mutation de l’éducation et de l’enseignement dans notre pays ; nous lui exprimons notre reconnaissance pour sa constance et sa persévérance. Au poste déterminant de Secrétaire général de l’enseignement catholique, nous avons appelé Monsieur Guillaume Prévost. La douloureuse affaire de Bétharram renvoie à un passé qui n’est pas si éloigné et qui n’aurait jamais du être. J’exprime ici notre confiance dans tous les chefs d’établissements et tous les membres des communauté éducatives, pour que tous soient au service de la croissance personnelle  des enfants et des jeunes qui leur sont confiés.

Transmettre le flambeau de notre Conférence au cardinal Aveline est une grande fierté. Il nous a fait vivre des heures si belles, si intenses, si joyeuses, à Marseille, avec le pape François, si intéressantes aussi lors des Rencontres méditerranéennes, en septembre 2023, si graves au pied de Notre-Dame de la Garde, lors du temps de prière pour les migrants disparus en mer. Nous n’oublions pas le « Bonjour, la France », du Saint-Père, ni le tressaillement auquel celui-ci nous a rendus attentifs, lorsque le Christ s’approche de nous. Avec vous, Monsieur le Cardinal, nos horizons s’ouvrent, vers les autres continents, vers les autres religions, vers la mission qui consiste à servir avec générosité et confiance, l’œuvre de Dieu.

Soyez remercié d’avoir accepté d’assumer la tâche, parfois austère, qui consiste à présider notre Conférence. Tout ce qui s’y vit a à voir, de près ou de loin avec l’envoi que nous avons reçu du Seigneur – mais c’est parfois d’un peu loin. Vous avez, Éminence, cher Jean-Marc, encore trois mois pour vous y préparer ; cependant, comme dans une course de relais, je compte bien que vous tendiez le bras pour saisir le flambeau le plus vite possible. Je me réjouis de retrouver les bancs ordinaires de notre assemblée et, surtout, d’y être conduit par votre accent marseillais. J’ai pu vous le dire un jour : les choses les plus graves, avec cet accent-là, s’allègent. Merci à vous et au diocèse de Marseille d’avoir accepté. Vous serez bien aidé par Mgr Vincent Jordy, archevêque de Tours, qui a droit à un second tour à la Vice-présidence, et par Mgr Benoît Bertrand, évêque de Pontoise. Avec au-dessus de la présidence nouvelle, la Bonne Mère et saint Martin de Tours et pour palladium la sainte tunique d’Argenteuil, le conseil permanent à venir devrait, chers frères évêques, nous conduire à travers les déserts et à travers les plaines « couvertes de blé » par des routes sûres. Merci au P. Christophe Le Sourt d’accepter, encouragé par Mgr Vuillemin, évêque du Mans, la charge sans doute passionnante et non moins lourde de secrétaire général. Merci au P. Jean-Philippe Morin, du diocèse de Moulins, qui rejoindra l’équipe du secrétariat général.

Nous avons, nous évêques, à exprimer notre gratitude au P. Jean-Christophe Meyer qui, après deux mandats de secrétaire général adjoint, va retrouver avec bonheur le diocèse de Metz dont il est originaire. Vous avez apporté ici, Père, le sérieux et le sourire avec lesquels vous venez à bout de tous les problèmes. Vous nous avez fait bénéficier de votre sens de l’organisation, de votre détestation de la perte de temps, de votre volonté inlassable de servir utilement. J’exprime notre gratitude à Mme Diane Pilotaz : pendant trois années, elle a été secrétaire générale adjointe en charge de la communication, et ces trois années, quand on fait le compte de ce qui s’y est passé, de moments de crise et de moments intenses, semblent avoir été six ou neuf. Merci, Diane, de nous avoir accompagnés, formés, encouragés, relevés ; merci de nous avoir appris à faire confiance aux journalistes et aux médias en général ; merci de nous avoir poussés à décider ce que nous voulions faire entendre ou faire vivre à ceux et celles à qui nous pensions nous adresser. Enfin, cette assemblée est la dernière où nous bénéficierons de la conduite souple et ferme du P. Hugues de Woillemont. Rien ne l’agace, rien ne l’effraie, tout se résout, tout aboutit. En toute occasion, il est possible de sourire, et même de rire un peu, car le rire n’est pas antinomique de la gravité et de la détermination à agir.

Je me dois d’ajouter un mot de gratitude pour les membres des deux conseils permanents avec lesquels j’ai eu à travailler. Au long de ces six années, nous nous sommes accordés sans difficulté, sans crise, sur ce qu’il fallait faire ou vers quoi il fallait aller. Cette concorde quasiment spontanée a été notre plus grande force. J’en rends grâce à Dieu de tout mon cœur. Mgr Olivier Leborgne a été un appui et une source d’inspiration pendant les trois années où il a été vice-président et encore au-delà. Je lui en exprime ma vive reconnaissance. Mgr Vincent Jordy lui avait succédé, nous apportant la finesse de sa réflexion, son attention aux nuances des sensibilités catholiques, sa perspicacité qui lui fait trouver le moment juste où partager son jugement. Il est heureux, cher Vincent, que tu puisses continuer encore trois ans à soutenir le président. Je souhaite bonne arrivée dans ce train à Mgr Benoît Bertrand. Sa joyeuse énergie vous dopera tous. Enfin, cher Dominique, merci. Tu as été le compagnon de ces six années. Nous venions d’horizons ecclésiaux différents ; il me semble que nous nous sommes bien trouvés. Lorsque j’ai été élu en mars 2019, j’ai espéré que tu le serais aussitôt, ce qui fut fait. De Belfort à Créteil, ton courage, ta lucidité, ton habileté, ta remarquable capacité de pêcheur de perles qui t’a fait repérer bien des fois les bonnes personnes pour les missions délicates que nous avions à pourvoir, ton opiniâtreté, ta confiance aussi, ont été des atouts plus que précieux.

Frères évêques, ces derniers temps de nombreux journaux ont consacré une page à faire mon portrait. C’est le charme et la croix d’une fin de mandat à la tête de cette Conférence. Tous ces portraits m’identifient à la lutte contre les violences sexuelles dans l’Église. On ne choisit pas ses combats. Celui-ci, il fallait le mener, il faut continuer à le mener. Nous avons combattu ensemble, et d’abord contre nous-mêmes. Nous le continuerons tous ensemble. S’il avait été possible de choisir, j’aurais préféré être associé davantage à notre travail sur Laudato Sì et au travail mené avec un ou deux invités diocésains, dose de synodalité que nous avions introduite avant que le Saint-Père y engage toute l’Église. A y réfléchir un peu, ce ne sont pas deux combats différents. Car l’écologie n’est pas d’abord ni seulement affaire d’environnement, de préservation de la nature, de lutte contre la pollution. Ma conviction profonde est que le temps est venu pour l’humanité de repenser sa relation à tous les êtres, et cela veut dire pour chacun de nous : sa relation à soi-même, aux autres humains, aux êtres non-humains, à la technique aussi, et plus encore à Dieu. Il s’agit d’une immense conversion : nous dégager de tout rapport de prédation et de domination, même habité ou habillé de bonnes intentions et de grands sentiments ; avancer résolument dans une autorité dont l’effet unique est de faire grandir autrui et dans un pouvoir, une potestas, qui soit pouvoir d’agir et d’agir toujours pour le service d’une vie plus vivante, mieux partagée, davantage source de communion. Car Dieu ne nous a pas créés pour que nous provoquions la mort mais pour que nous cultivions le jardin en vue de la Résurrection. Car Jésus est venu pour désarmer toute violence, en nous et dans notre histoire, Non par une force ou une contrainte plus forte, mais par l’attraction de l’amour, par le bouleversement que peut provoquer en nous le don de soi. Nous contemplons cela sur sa croix et, devant celle-ci, nous espérons en la Résurrection. Toute notre histoire humaine, celle de l’humanité entière et celle de nos « vies minuscules », se déroule sous l’unique promesse du Christ : « Va, ton fils est vivant ». Pas forcément ni seulement guéri, mais vivant. Puissent, au terme de notre vie, les plaies que nous porterons ressembler un peu à celles de Jésus,

Je vous remercie.

+ Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort,
archevêque de Reims,
Président de la Conférence des évêques de France

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