Message du Métropolite Emmanuel au nonce apostolique et aux évêques de France
Chers frères et sœurs en Christ,
Ce rendez-vous est déjà une habitude. Et c’est toujours avec beaucoup d’amitié que l’Assemblée plénière des évêques de France m’ouvre ses portes tout en m’offrant une occasion unique de pouvoir m’adresser à vous dans un esprit de fraternité.
Cette dynamique de rapprochement qui nourrit les relations catholiques-orthodoxes depuis plusieurs décennies est notamment due à l’accroissement de nos différentes communautés et églises orthodoxes en Europe occidentale. Le cas de la France est à cet égard tout à fait symptomatique. Car derrière le simple constat d’ordre sociologique, il convient de souligner l’importance des différentes synergies entre orthodoxes et catholiques. En effet, la division qui perdure entre les chrétiens, entre nos églises, ne saurait limiter le message évangélique. Certes, notre division ne rend pas le meilleur témoignage de l’œuvre salvifique de Jésus-Christ, mais le désir d’unité, l’espoir qui est aujourd’hui le nôtre, tendent à renforcer l’esprit d’ouverture et d’acceptation des différences comme les conditions nécessaires et préalables d’une communion réinstaurée. J’entends par synergies tous ces gestes quotidiens de fraternité qui améliorent notre vivre ensemble, libre de tout esprit partisan, de tout esprit protectionniste. Nous sentons bien que la mission de l’église, léguée par le Seigneur, est crédible lorsque nous agissons de concert. Car même si nos communautés orthodoxes sont minoritaires, voire ultra-minoritaires sur le territoire français, le contexte dans lequel se développe nos relations dépassent très largement les seules frontières nationale et elles puisent dans les réflexions théologiques communes comme dans une source vivifiante de rapprochement, ainsi que le laissait entendre le Pape Benoît XVI, au cours de son voyage en Allemagne, au mois de septembre de cette année. C’est pourquoi il importe que, dans notre dialogue théologique, avance la résolution de la question la plus brûlante pour les relations entre nos deux Églises, celle de la primauté de l’évêque de Rome dans la communion de l’Église et des Églises, à laquelle a travaillé, en septembre 2010, la Commission mixte internationale de dialogue théologique réunie à Vienne pour sa 12e session. Dans une moindre mesure, le dialogue théologique que nous développons au niveau local est tout aussi important. Il convient que nous nous investissions encore davantage en ce sens.
Cependant, l’enthousiasme qui est aujourd’hui le nôtre ne peut faire l’impasse sur la réalité ô combien préoccupante des chrétiens du Proche-Orient. En effet, un an après le synode des évêques du Moyen-Orient, les bouleversements politiques de la région ont rendu la présence des chrétiens d’autant plus précaire. Le vent démocratique ayant soufflé tout au long du printemps arabe a paradoxalement remis en question l’existence du pluralisme religieux et concentré son action sur les éléments considérés comme allogènes. Tout dernièrement encore, les événements sanglants survenus en Egypte, à l’encontre des membres de la communauté copte, montrent à quel point il est urgent d’unir nos voix pour faire que cessent ces violences. Les chrétiens d’Orient sont un enjeu œcuménique de tout premier ordre. D’une manière ou d’une autre, la volonté d’union et l’espoir d’unité sont autant de conditions qui permettront, j’en suis convaincu, non pas de créer un front anti-musulman, mais une dynamique intégratrice où l’acceptation des différences à l’intérieur du christianisme constituera un véritable catalyseur pour l’ensemble de ces sociétés.
C’est aussi dans cet esprit qu’il convient d’interpréter la rencontre d’Assise qui s’est déroulée en Italie, le 27 octobre dernier, mais aussi son écho en France, à travers la réunion au Trocadéro. En effet, le dialogue interreligieux s’inscrit dans une volonté commune d’un vivre ensemble dans la paix. Mais pour cela il convient de rendre aux religions leur discours, leurs enseignements et sortir enfin de l’instrumentalisation politique de leurs symboles à travers lesquels la violence se voit justifier et la haine légitimée. Les bases pour un dialogue riche entre les religions existent. Le monde contemporain nous offre autant de thèmes et de sujets de réflexion qu’il convient de développer avec courage et persévérance. C’est là, tout le sens du message de Sa Sainteté le Patriarche Œcuménique Bartholomée, lorsqu’il disait, à l’occasion de son voyage officiel en France, au mois d’avril de cette année : « Ces rencontres ont ouvert nos yeux sur la diversité des cultures et des religions ainsi que sur la complexité de la réalité mondiale. L’évolution du monde se caractérise désormais par une sécularisation accrue et par le pluralisme. Aucun de nos pays ne peut se présenter comme monoethnique, unireligieux ou monoculturel. […] Plutôt que comme une menace ou un problème, cette réalité sociale devrait être perçue comme un défi auquel nous pouvons répondre par le respect mutuel, le dialogue et la rencontre fraternelle ».
Le défi du vivre ensemble se décline aussi au niveau de l’environnement et de la protection de la nature. L’altérité à l’intérieur de la société appelle dans son sillage une attention accrue s’agissant du monde dans lequel nous vivons. Il serait tentant de relire strictement l’engagement chrétien à l’égard de la nature comme une forme inavouée d’anthropocentrisme, voire d’anthropomonisme. Certes, la préoccupation du prochain doit restée l’une de nos premières considérations, d’autant que les changements climatiques viennent remettre en question la justice au niveau mondiale, créant de nouvelles formes de victimes. Mais cette approche ne doit pas amoindrir la sacralité intrinsèque de la nature en tant que nous la considérons comme une création de Dieu, un don, voire une grâce à laquelle notre sanctification est liée. C’est de cette manière qu’il convient de comprendre, ce qu’Olivier Clément appelait à la suite de la tradition patristique et ascétique, la physiki theoria. La contemplation de Dieu par la nature n’est alors possible que dans l’établissement de relations normalisées entre l’humanité et la nature. D’ailleurs, notre présence à Lourdes est la encore pleine de sens. Une grotte, lieu de révélation, comme la grotte de Bethléem. Dieu se manifeste dans le cœur de la terre.
Chers frères et sœurs en Christ,
Voici les quelques réflexions, pistes et autres considérations que je souhaitais partager avec vous aujourd’hui. Il me revient désormais de vous présenter les plus cordiales et sincères salutations de tous membres de l’Assemblée des Evêques Orthodoxes de France, avec lesquels vous travaillez au quotidien, sur le terrain. Je vous remercie de m’avoir une nouvelle fois ouvert vos portes pour vous adresser ce message de fraternité. Restons attachés à la vérité de l’Evangile et à la grâce de la foi afin de faire grandir le Christ en nous (Gal 2, 20). Alors seulement serons nous en mesure de reconnaître en l’Autre, ce qui trône au plus profond de son cœur, le Seigneur Jésus-Christ, notre sauveur.
Métropolite Emmanuel
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