Père Louis-Joseph Lebret (1897-1966)
Planter l’Église au cœur du monde
Après avoir mené une action sociale et syndicale de grande envergure dans le monde des marins-pêcheurs, ce prêtre dominicain s’est fortement engagé en faveur du développement des peuples.
La vie et l’œuvre foisonnante du P. Lebret trouvent leur source et leur cohérence dans une démarche de miséricorde agissante, attentive au plus proche comme à l’humanité entière. « Prendre dans son cœur et sur ses épaules la misère des autres, non comme un étranger, mais comme l’un parmi les autres, avec les autres, en les mettant dans le coup, en les engageant dans le combat de leur délivrance » ; avec eux, analyser de manière rigoureuse et globale les causes de cette misère « qui est de corps et d’âme » pour y apporter les secours d’urgence, les réformes de structures et de mentalités afin de promouvoir la justice ; former les hommes capables de conduire et de faire converger tous ces efforts en montée humaine universelle. Cette miséricorde, qui se fait technicienne et stratégique, est irradiée par l’amour de son Dieu, dans une spiritualité de l’engagement qui fait de l’action, une marche vers Dieu et de la contemplation la lumière qui irrigue toutes les dimensions de la charité.
Cette démarche de miséricorde, qui a pris le temps de mûrir, a germé dans le monde de la pêche bretonne, où Lebret est saisi par la misère économique et la détresse morale des marins pécheurs et de leurs familles. De 1941 à 1957, dans la France de la défaite et de la Libération, par la création de Économie et humanisme, elle s’élargit aux fondements d’une économie humaine dans une société communautaire, aux méthodes d’enquêtes de participation et de planification, aux sessions d’études et de formations dans les structures de la vie économique et sociale, comme dans les chantiers de l’aménagement des territoires dont il est le pionnier. La découverte des favelas du Brésil le jette au grand large de la misère des peuples en développement et « de l’insouciance des nantis de l’Occident ». Il court le monde pour lancer des programmes de développement, conseiller et former ceux qui en seront les responsables.
Dans les années soixante, cette charité investie dans le développement intégral trouve son achèvement dans les rencontres et à la tribune de l’ONU, dans les débats du Concile et de la commission ou s’élabore la constitution Gaudium et spes, auprès de son ami Paul VI qui lui confie la gestation de ce qui sera l’encyclique Populorum progressio. Sollicité de partout, usé par un cancer mal soigné, le P. Lebret largue ses dernières amarres le 20 juillet 1966 à Paris et s’en va trouver sa plénitude dans l’océan d’amour de Dieu.
Le jour de Pâques 1967, Paul VI publie « l’encyclique de la Résurrection » comme un message d’espérance et de solidarité. Le P. Lebret achevait ainsi sa mission : planter l’Église au cœur du monde et le monde dans le cœur de Dieu.
Mgr Lucien Fruchaud
Évêque de Saint-Brieuc et Tréguier