Noël 1223 : et François créa la crèche
La crèche fête ses 800 ans. L’histoire remonte à 1223 : François d’Assise, revenu d’un voyage en Terre Sainte, crée une crèche vivante dans une grotte du village de Greccio (Italie). Cet article rédigé par François Fayol, diacre, est extrait de la revue Diaconat aujourd’hui de décembre 2023 : « Fin de vie, choisir la vie ».
À Noël 2023, François d’Assise, qui avait une grande dévotion pour le mystère de l’Incarnation et pour la fête de Noël, décida de représenter la crèche ; appelant Jean, un homme de bonne renommée, il lui dit : « Si tu désires que nous célébrions la présente fête du Seigneur à Greccio, dépêche-toi de t’y rendre à l’avance et ce que je te dis, prépare-le soigneusement. Car je veux faire mémoire de cet enfant qui est né à Bethléem et observer en détail, autant que possible de mes yeux corporels, les désagréments de ses besoins d’enfant, comment il était couché dans une crèche et comment, à côté d’un bœuf et d’un âne, il a été posé sur le foin. » [1]
Le jour de Noël, « vint le saint de Dieu et, trouvant tout préparé, il vit et fut en joie. De fait, on prépare une crèche, on apporte du foin, on conduit un bœuf et un âne. Là est honorée la simplicité, exaltée la pauvreté, louée l’humilité et l’on fait de Greccio comme une nouvelle Bethléem. […]
On célèbre la solennité de la messe sur la crèche et le prêtre jouit d’une consolation nouvelle. François se vêt des ornements du lévite, car il était lévite [2], et chante d’une voix sonore le saint Évangile. Sa voix était certes une voix forte, une voix douce, une voix claire, une voix sonore, qui invita toute l’assistance aux récompenses suprêmes. Il prêche ensuite au peuple se tenant alentour et profère des paroles douces comme miel sur la naissance du pauvre roi et sur la pauvre petite cité de Bethléem. »
À Greccio, « Bethléem franciscain », on prie encore aujourd’hui dans cette petite grotte devenue chapelle avec une très belle fresque des XIVe-XVe siècles, en deux tableaux : à gauche, François en dalmatique, contemplant et adorant le petit enfant Jésus ; à droite la Sainte Famille, avec une très belle – et rare – Virgo lactans, Marie allaitant Jésus.
Comme nous le disons souvent Dieu s‘est fait homme, petit homme, né d’une femme : « N’ayons pas peur de regarder d’abord la vierge dans son humanité. Chacun, chacune de nous a été témoin un jour de cette scène maternelle touchante : une femme, dans un autobus, un train, une salle d’attente, un quai de gare, qui ouvre son corsage pour donner le sein à son bébé. Rien d’inconvenant dans ce geste, aucun voyeurisme dans notre regard. Un des plus beaux gestes de l’humanité, […] Ce sein dévoile le premier battement du cœur de notre foi chrétienne : Dieu s’est fait humain jusqu’à téter le sein d’une femme. » [3]
Mystère de l’incarnation que nous célébrons à Noël avec un petit d’homme, né d’une femme, pour que nous soyons unis à lui dans sa divinité, ce que nous disons à l’autel, à voix basse, en versant une goutte d’eau dans le vin du calice : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a voulu prendre notre humanité.»
Croyons-nous assez dans l’homme, croyons-nous assez en Dieu, pour que cela soit ?
C’est bien le projet de Dieu, pour chaque homme et chaque femme, pour chacun de nous… sens profond de Noël que Maurice Zundel a toujours mis en avant : « Et le verbe s’est fait chair, Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu. » [4] Formule audacieuse de saint Irénée, qui pourrait être mal comprise, formule approfondie plus tard par François Varillon : « Rien ne peut être divinisé qui n’ait été d’abord humanisé. » [5]
Croyons-nous assez dans l’homme, croyons-nous assez en Dieu, pour que cela soit ?
François Fayol
Diacre coordinateur du Comité national du diaconat
[1] 1 Celano, 84-86.
[2] Une traduction plus ancienne (Théophile Desbonnets et Damien Vorreux, 1968) disait : « François revêtit la dalmatique, car il était diacre ».
[3] Fr. Pascal Aude, ofm cap., 28 mai 2014, Contemplation de la Virgo lactans à Greccio, Pèlerinage du diocèse de Créteil.
[4] Maurice Zundel, Et Caro Verbum facta est, 1926.
[5] François Varillon, Joie de croire, Joie de vie, Bayard, p. 17.