Homélie du dimanche 7 avril

Dimanche 7 avril 2019
5éme dimanche de Carême

Références bibliques :  

Livre d’Isaïe : 43. 16 à 21 : “Ne songez plus au passé. Voici que je fais un monde nouveau.”
Psaume 125 :”Il s’en vient, il s’en vient dans la joie, il rapporte les gerbes.”
Lettre de saint Paul aux Philippiens : 3. 8 à 14 :Je cours en oubliant ce qui est en arrière et lancé vers le but je cours en avant.”
Evangile selon saint Jean : 8. 1 à 11 :”Va et désormais ne pèche plus.”

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La première lecture comme la deuxième convergent, en ce dimanche, sur une recommandation inhabituelle dans l’Ecriture, mais dont il nous faut comprendre le sens véritable à la lumière du texte de saint Paul aux Philippiens et de l’épisode évangélique de la femme adultère. « Ne vous souvenez plus d’autrefois…Oubliant ce qui est en arrière. »

Pour saint Paul, nous devons jamais oublier cette “justice qui vient de Dieu et qui est fondée sur la foi.” (Philippiens. 3.9) et, pour le Christ, ce “désormais” rappelle à cette femme dont on ignore le repentir intérieur, que son passé ne peut ni ne doit se vivre à nouveau.

Dans les deux cas, oublier le passé contient plusieurs exigences. D’abord ne pas oublier les bienfaits de Dieu. Ensuite ne pas nous alourdir par un retour nostalgique ou anxieux de nos culpabilités. C’est enfin nous tourner vers l’avenir dans la foi et l’espérance née de cette foi.

LE CULTE DE LA MEMOIRE

L’Ancien Testament invite le Peuple de Dieu à se rappeler les hauts faits de Dieu au cours de son Histoire, comment il l’a tiré d’Egypte à main forte et à bras étendu et comment il a noué une alliance, de sa part sans réserve, avec ce peuple “à la nuque raide.”

Les prophètes viennent rappeler la grandeur et les exigences de cette alliance à tous ceux qui auraient tendance à l’oublier dans leur vie quotidienne, et particulièrement au roi qui devrait en être le garant.

De même saint Paul rappelle au chrétien à quelle impiété et à quelle idolâtrie le Seigneur l’a arraché :”Souvenez-vous qu’autrefois vous étiez sans Christ… maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.” (Ephésiens 2. 12 et ss.) Mais le souvenir n’est pas nécessairement associé à la noirceur du passé. Il ravive aussi l’élan du néophyte de jadis dont il nous faut sans cesse retrouver l’enthousiasme et l’empressement :”J’ai contre toi ta ferveur première que tu as abandonnée. Repens-toi et accomplis les oeuvres d’autrefois.” (Apocalypse 2. 4 et 5)

C’est ce à quoi Jésus invite la femme adultère qu’on a jetée à ses pieds et qu’il relève pour un nouveau comportement.

La mémoire porte sur le salut opéré par Dieu, sur l’espérance vécue par la communauté, dans la joie de la libération.

QUAND LE SOUVENIR S’ENFERME.

Ces lectures nous disent en même temps que Dieu ne peut être cantonné dans le passé. La vie spirituelle se conjugue au présent, tournée vers l’avenir.

Elle n’est pas un retour en arrière. “Voici que je fais un monde nouveau. Il germe déjà. Ne le voyez vous pas ?” (Isaïe 43. 19) Car cet autrefois n’est pas seulement un passé récent ou douloureux d’où le Peuple est sorti, c’est aussi le passé de tout ce que Dieu a fait depuis le temps de sa création.

Dieu ne nous enferme pas dans un souvenir nostalgique. Il est créateur. L’expression biblique “son bras puissant” est une expression souvent employée par les prophètes et les psaumes. Il fait et fera du neuf, à l’égard de quoi les actions passées paraîtront mineures. A nous d’être créatifs.

Chez saint Paul, il en est de même. Nous n’avons pas à nous arrêter sur la seule expression “Oubliant ce qui est en arrière.” Nous avons à tenir compte de ce que le passé nous a apporté et comment il nous a façonnés. Dans cette lettre aux Philippiens comme dans bien d’autres, il rappelle sa situation antérieure, parce qu’elle est une fondation qu’on ne peut négliger :”Hébreu, fils d’hébreu. Pour la Loi, pharisien. Pour la justice qu’on trouve dans la Loi, irréprochable.” (Philippiens 3. 6)

Il leur rappelle en même temps le moment décisif de son histoire, le chemin de Damas où tout a basculé dans le Christ Jésus. Puisque le Christ est ainsi venu le chercher si loin, comment toute sa vie ne serait-elle pas une tentative de réponse. Tenter de saisir puisqu’il a été saisi, pour aller sur la route d’aujourd’hui, après la route de Damas, jusqu’à la réalisation de ce qu’il a entendu, parce qu’au delà de son aveuglement il pourra un jour voir un Dieu face à face. C’est dans ce sens qu’il nous faudrait relire aussi les chapitres 11 et 12 de la deuxième lettre aux Corinthiens.

C’est un des traits caractéristiques de tous les saints qui surprend les médiocres que nous sommes. Nous pensons que nous avons beaucoup fait, presque trop parfois. Les saints pensent le contraire. Saint Thomas d’Aquin au terme de sa vie, après avoir écrit des milliers de pages de théologie, s’écria après avoir entrevu, dans une vision intérieure, l’autre réalité :”Je ne puis continuer d’écrire car tout ce que j’ai écrit me semble de la paille.” Cette paille s’appelle la Somme contre les Gentils et la Somme théologique.

TENSION AUJOURD’HUI ET SENS DE L’AVENIR.

Connaître le Christ est une expérience dynamique qui appelle au dépouillement et qui met en route. Vivre avec lui, c’est vivre dans une intimité particulière car c’est déjà faire l’expérience de la résurrection :”Va et désormais …”

Cette puissance se manifeste d’abord au travers des difficultés, de la souffrance et de la mort. Le chemin de la résurrection est d’abord un chemin de la vraie connaissance qui reconnaît d’abord ses limites et qui les porte douloureusement. Tous les saints ont connu “la nuit de la foi”, mais leur foi leur disait en même temps que l’avènement de la croix dans leur vie était aussi les premiers indices de la résurrection. Un persécuté de Russie disait :”C’est au pied de la Croix que je crois au Ressuscité.”

Il ne reste plus alors qu’à vivre ce “désormais” en conformité avec la délivrance reçue, dans cet avenir que Dieu a ouvert au Peuple juif. La délivrance le baptême du Christ accorde aux chrétiens de Philippe et que la parole de Jésus demande à l’adultère de vivre, il nous l’accorde aujourd’hui pour que nous en vivions.

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Le psaume nous dit bien ce que sera déjà notre expérience de conversion :”Il s’en va, il s’en va en pleurant : il jette la semence. Il s’en vient, il s’en vient dans la joie : il rapporte les gerbes.”

L’amour, la charité du Christ pour nous l’a conduit de la Croix à la Résurrection :”Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d’imiter avec joie, la charité du Christ qui a donné sa vie pour le monde.” (Prière d’ouverture de la messe)

année liturgique B