Homélie pour le 24 mai, dimanche de Pentecôte

La Pentecôte et la venue de l’Esprit de Dieu

« J’aurais encore beaucoup de choses à dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la Vérité tout entière. » (Jean 16. 12 et 13)

Par delà le fait de la venue de l’Esprit sous la forme de « langues » de feu, il y a le mystère unique de notre salut. La messe de ce jour dégage d’ailleurs le contenu de ce mystère qui ne peut ni ne doit être séparé de celui de Pâques et de l’Ascension.

L’Eglise l’a toujours vécu ainsi puisque elle célébrait les sacrements de l’initiation chrétienne dans la nuit de la Pentecôte, comme dans la nuit pascale, toutes deux étant une nuit baptismale qui apporte la lumière de Dieu.

CONTINUER LA MISSION RECUE

Après l’Ascension, le petit groupe des disciples s’était resserré autour de la Mère de Dieu et de Pierre. Ils n’envisagent pas d’arrêter la mission qui leur a été confiée. Ils veulent la continuer, mais il leur manque encore un certain dynamisme de la foi, celui de l’Esprit-Saint.

Dans les semaines qui ont suivi Pâques, ils ont rencontré plusieurs fois leur Seigneur, le Christ, l’homme qui a vécu quotidiennement avec eux. Ses paroles et tous ses faits et gestes reviennent à leur mémoire et surtout à leur pensée, car il les avait ouverts à la compréhension des Ecritures (Luc 24. 45). Dans ces rencontres, il leur avait fait comprendre qu’ils devaient partir proclamer en son nom, la conversion pour le pardon des péchés (Luc 24. 47). Celui qui le leur a dit, ce n’est plus Jésus de Nazareth, le charpentier devenu messager de la Bonne Nouvelle. C’est désormais Jésus, le ressuscité.

S’ils sont dans la crainte, ils sont tout autant dans l’attente. L’Eglise est dans l’attente de l’enfantement. C’est la crainte d’une mère qui voit le jour de la naissance s’approcher. Non pas la crainte peureuse, mais l’attente joyeuse, même si elle est anxieuse. Nous voyons les apôtres préparer l’avenir par l’élection de Matthias afin de remplacer celui qui a quitté « la diaconie et l’apostolat », selon le texte grec (Actes 1. 25).

Nous arrivons ainsi à la fête juive de Shavouot qui célébrait la naissance du peuple d’Israël. Par le don de la loi au Sinaï, l’Alliance est scellée. Dieu fait d’Israël son peuple parmi les nations. « Je vous tiendrai pour mon peuple parmi tous les peuples, car toute la terre est mon domaine. Vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation consacrée. » (Exode 19. 5 et 6)

Les apôtres ne sont pas restés sans réfléchir à tout cela durant les dix jours de ce que les Pères de l’Eglise appellent leur « retraite ». Avec Marie qui gardait toute chose en son coeur, ils ont relu « en commençant par Moïse et par tous les prophètes, ce qu’il leur avait dit de lui, » tout au cours de ces années vécues à ses côtés. (Luc 24. 27) Le groupe apostolique prend à son compte la responsabilité confiée au Peuple de Dieu, parce qu’elle lui a été confiée par le Christ.

L’ACCOMPLISSEMENT DU MYSTERE

La réalité du mystère de la venue de l’Esprit va les entraîner plus loin encore, quand ils reçoivent ce feu qui descend sur eux et les embrase. Jean-Baptiste le leur avait dit déjà sur les bords du Jourdain : »Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu » (Luc 3. 16). « Je suis venu jeter un feu sur la terre, » leur avait dit le Seigneur (Luc 12. 49) Et leur remontent à la mémoire les dernières paroles du soir du Jeudi, lors du dernier repas pascal et l’envoi en mission, en commençant par Jérusalem jusqu’à toutes les nations.

Dans ce sens, le discours de Pierre est caractéristique. Il commence à s’adresser à ses interlocuteurs immédiats : »Hommes de Judée et de Jérusalem » (Actes 2. 14). Mais tout de suite, il parle d’Israël, c’est-à-dire de tout le Peuple choisi. Il rappelle les prophètes, Joël et David qu’il cite pour évoquer les tentes du Sinaï (Actes 2. 26) : »Ma chair campera dans l’espérance ». Il reprend les paroles de Jean-Baptiste et la promesse que leur avait faite Jésus : »Vous recevrez l’Esprit de Vérité. » « Repentez-vous, que soit baptisé chacun de vous au nom de Jésus-Christ, pour la remise des péchés et vous recevrez le don de l’Esprit » (Actes 2. 38).

Ceux qui écoutent, reçoivent Pierre, et comprennent son discours, chacun dans la langue de son pays. Il s’agit bien de toutes les nations. C’est le signe que l’affirmation du Sinaï s’accomplit : »Toute la terre est mon domaine. » C’est le signe que s’accomplit la parole de Jésus. A Jérusalem, Dieu réalise l’universalité du don qu’il nous a fait en son Fils. L’Alliance se réalise en plénitude.

Cette fête de la Pentecôte en est à la fois la conclusion et l’initiation au travers des siècles. C’est la naissance du nouveau Peuple de Dieu, la naissance de l’Eglise, car c’est ainsi que nous devons la considérer : elle réalise dans le temps et à travers toute la terre, la vie de Dieu parmi les hommes.

LE VRAI DIEU EST TRINITE

Cette Pentecôte est aussi la révélation au monde de Dieu en sa Vérité. Jésus leur avait révélé que Dieu est une communion d’amour. « Mon Père et moi, nous sommes Un. » Il avait prié son Père de consacrer ses disciples par la Vérité. « Je suis la Vie, la Vérité », « l’Esprit de Vérité. »

Cette communion d’amour et cette Vérité se manifestent en ce jour, comme elle s’étaenit manifestées au Baptême du Jourdain et à la Transfiguration du Thabor. Père, Fils et Esprit, telle est l’intime de la vie trinitaire que l’Eglise vit désormais. C’est ainsi qu’elle doit la manifester aux hommes de toutes les nations.

Le Dieu de Jésus-Christ n’est pas un autre Dieu que celui des autres religions monothéistes, mais il nous est connu, par Jésus-Christ, dans sa plénitude trinitaire et non partiellement. Le christianisme n’est pas seulement une « croyance en Dieu », ce qui est le fond commun de l’ensemble des religions. Il est la foi, non pas dans un vague personne, mais en un être vivant et « personnel ».

Les trois Personnes divines sont la plus parfaite réalisation de l’amour : le don total qui caractérise le Père, l’accueil parfait qui caractérise le Fils, l’échange réciproque qui caractérise l’Esprit.

« Dieu est amour ». Cette révélation marque désormais les rapports de l’Eglise et du monde, depuis le matin de la Pentecôte en ce germe qu’est le petit groupe apostolique et, à travers les temps, en cette Eglise dont nous vivons aujourd’hui.

Croire en Dieu, au vrai Dieu, n’est donc pas le réduire à une vague religiosité individuelle, comme c’est un peu de mode parfois aujourd’hui. C’est entrer dans la vérité du Dieu de Jésus-Christ. « Consacre-les dans la Vérité », disait le Christ à son Père. Jean, dans son évangile, exprime ce terme de consacré par le terme grec : »agiazo », celui-là même qui est l’attribut de Dieu : »agios », le Saint.

Il y a une continuité entre les deux théophanies de l’Ancienne Alliance, celle de la révélation de Dieu faite à Moïse, dans le buisson qui brûle sans jamais tomber en cendres (Exode 3. 2), et celle de la montagne du Sinaï « toute fumante parce que Dieu y était descendu sous forme de feu » (Exode 19. 18), et, d’autre part, la théophanie du matin de la Pentecôte.

La pérennité de la révélation faite à un homme, Moïse, chargé de libérer un peuple pour être témoin parmi les nations, se continue jusqu’à Jésus qui s’adresse à tous les hommes, quels qu’ils soient, pour leur dire : »Dieu est amour » et qui demande à ses disciples, à l’Eglise, de le vivre et de le dire à toutes les nations, parce que nous avons tous un même Père, parce que tous nous sommes sauvés par Jésus, le Fils de Dieu parmi les hommes, parce que nous pouvons tous partager le même Esprit de Dieu.

ACTION DE GRACE ET DIVINISATION

« Feu, créateur du feu, lumière qui donne la lumière, Vie productrice de la Vie, Salut et auteur du salut… La sombre nuée est dissipée, les souillures pour un temps consumées …L’Esprit-Saint nous rend ardents quand brille la chaire de cire. » (Hymne de Pentecôte de la liturgie celtique.)

« Viens à nous, Esprit-Saint et pénètre dans nos coeurs. Console-nous par ta présence, nous qui déplorons notre faiblesse et fortifie en Toi ceux que tu vois défaillants. Allume en nous le feu de ton amour. Que la vérité soit dans notre bouche, la louange dans notre coeur, l’humilité vraie dans nos renoncements. » (Liturgie espagnole du 7ème siècle.)

« Il est inaccessible de sa nature, mais on peut saisir sa bonté. Il remplit tout par sa puissance, mais il se communique seulement à ceux qui en sont dignes, non pas dans une mesure uniforme, mais en distribuant son activité en proportion de la foi. Il est tout entier présent à chacun, mais tout entier partout. Il se divise mais sans subir aucune atteinte. Il se donne en partage, mais garde son intégrité, à l’image d’un rayon de soleil dont la grâce est présente à celui qui en jouit comme s’il était seul, mais qui brille sur la terre et la mer, mélangé à l’air… De Lui viennent la joie sans fin, la demeure en Dieu, la ressemblance avec Dieu et tout ce que l’on peut désirer : devenir Dieu. »
(Saint Basile, Sur les dons de l’Esprit.)

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Continue dans le coeur des croyants l’oeuvre d’amour que tu as entreprise au début de la prédication évangélique. » (Messe du jour de la Pentecôte)

année liturgique B