Homélie pour le dimanche 26 avril

Références bibliques :

Lecture des Actes des Apôtres. 4. 8 à 12 : «En dehors de lui, il n’y a pas de salut ».
Psaume 117 « Il est devenu la pierre d’angle. »
Lettre de saint Jean. 1 Jean 3. 1 à 12 : « Nous serons semblables à lui. »
Evangile selon saint Jean . 10. 11 à 18 : «J’ai le pouvoir de donner la vie. »

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QUI DONC EST-IL POUR NOUS ?

Malgré leurs apparentes différences, les textes de ce dimanche présentent une unité certaine si nous les lisons à la lumière de la personnalité de Jésus, comme les apôtres veulent en faire pressentir l’infinie richesse aux Juifs et aux premiers chrétiens.

Ces Juifs attendent le Messie. Certains avaient espéré que Jésus pouvait être l’un des sauveurs de cette période qui connaissait tant de rébellion contre l’occupant romain. Ils sont décontenancés par ce qu’en disent Pierre et les autres disciples : « Il est le seul qui puisse nous sauver ». Or il ne l’a pas fait. Le salut qu’apporte Jésus ne correspond ni à leur espérance libération terrestre ni à la figure du Messie qu’ils ont élaborée au travers des Ecritures.

Le communauté chrétienne, elle, a approfondi la révélation qu’elle a reçue. Mais ses attentes ont encore besoin d’être élargies, approfondies et purifiées.

Il en est de même pour nous, dans notre vie et tout au long du déroulement de notre vie. Le Christ semble parfois loin de nos préoccupations immédiates qui souhaitent et attendent la réalisation d’une société plus juste. Saint Jean a besoin de rappeler que l’essentiel n’est pas exactement ce dont nous rêvons humainement parlant : «Voyez comme il est grand l’amour dont le Père nous a comblés. »

Il n’hésite pas à reprendre ls termes même de Dieu au jour de la création d’Adam et Eve (Genèse 1. 26) « Nous serons semblables à lui. » Non pas en raison de nos propres forces, mais « parce que nous le verrons tel qu’il est. »

La mission de Jésus est de nous réintroduire dans le « Paradis Perdu », de nous conduire auprès du Père parce qu’il est le berger authentique. Son amour en est la garantie : «Le Père m’aime parce que je donne ma vie … je donne ma vie pour mes brebis. » Il n’y a là aucun appétit de puissance. Il n’y a qu’un débordement d’amour : «Eternel est son amour… mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur. »

L’oraison qui ouvre la liturgie de ce dimanche est claire dans sa simplicité : «Guide-nous jusqu’au bonheur du ciel. Que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son pasteur est entré victorieux. »

PAR DELA UNE VISION IMMEDIATE

Fréquemment, dans l’Ancien Testament, il est dit que Dieu est le berger de son Peuple (Genèse 49. 24 – Jérémie 31. 10 – Michée 7. 14, etc …) Cette comparaison s’enracine dès le début de l’histoire sainte, parce que le peuple choisi était un peuple de bergers nomades qui sont en marche vers la Terre Promise, depuis Abraham et son départ d’Ur en Chaldée, depuis Moïse le berger qui reçoit la révélation au Buisson ardent dans le désert, depuis David le petit berger de Bethléem.

La parabole du pasteur, pour Jésus, mène plus loin que la reprise de ce thème biblique. Il n’est pas seulement un conducteur de son peuple. Il est plus que cela. Entre le Père et Jésus, la réciprocité d’amour est telle qu’elle devient source de vie, parce qu’en lui, le commandement et la liberté s’identifient l’un à l’autre. « J’ai le pouvoir de l’offrir et j’ai le pouvoir de la donner. Tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père. « (Jean 10. 18)

La Bonne Nouvelle aux yeux de saint Jean (1 Jean 3. 1), c’est que soit étendue à tous les hommes cette connaissance personnelle, parfaite et intime qui existe entre Jésus et son Père, à tous les hommes, même à ceux qui ne sont pas de cette bergerie.

Si nous transposons cela aujourd’hui, Jésus nous dit pas seulement au peuple des baptisés. Quand l’Eglise actualise pour nous la Bonne Nouvelle par ses sacrements comme en chaque Eucharistie, il atteint tous les hommes, dans le mystère de la grâce : « le sacrifice de toute l’Eglise pour la gloire de Dieu et le salut du monde » disons-nous au moment de l’offertoire.

UNE VISION D’EGLISE

L’image de Jésus conne bon pasteur est l’une des plus traditionnelles du christianisme. On la trouve dès les catacombes. Elle concerne à la foi la personne de Jésus et son ministère. Il la réintègre dans le troupeau, avec la tendresse attentive du berger qui, sur ses épaules, ramène à la bergerie la brebis égarée (Matthieu 18. 12). Il lui fait retrouver sa place, lui donne la possibilité de partager à nouveau les mêmes pâturages.

Si l’on prend l’évangile de Jean dans une vision plus large, l’on peut remarquer que la discours du Bon Pasteur inaugure l’Eglise qui est un peuple rassemblé. Les autres brebis qui ne sont pas de la bergerie doivent pouvoir retrouver l’unité perdue « Un seul baptême, une seule foi, un seul Dieu et Père. »

Jésus nous conduit à la découverte de la vie partagée avec Dieu. « Il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu et nous le sommes. Le monde ne peut pas nous connaître parce qu’il n’a pas découvert Dieu. »

L’Eglise n’est pas d’abord et seulement un rassemblement d’hommes qui pensent la même chose et partagent les mêmes idées. Elle est essentiellement la communion des hommes qui partagent la vie divine dans le Christ Jésus. Quand ils découvrent Dieu, ils peuvent vivre cette communion.

UN LIEU D’AMOUR

Nous ne pouvons pas vivre d’idées, si nobles soient-elles. Nous ne pouvons vivre que de Lui. « Le Père m’aime parce que je donne ma vie. »

D’où la richesse du ministère que le Christ remet à ses apôtres. Il leur demande d’être à leur tour des bergers, non pas pour commander, mais pour être de ceux qui, comme lui, conduisent au Père par amour. Il en donne la charge à saint Pierre malgré ses insuffisances et son triple reniement. A ce moment-là, il reprend l’expression de la relation qui existe entre son Père et lui : «M’aimes-tu ? »

Quand il en a reçu la réponse et la certitude : «Tu sais bien que je t’aime » (Jean 20. 15), il peut lui confie sa mission de médiation : «Pais mon troupeau, pais mes brebis. » Le Christ est l’unique pasteur comme unique est son amour qui réalise en lui la vie trinitaire en un échange éternel et infini du Père et du Fils et de l’Esprit.

Il confie sa mission au « collège apostolique ». L’Eglise dans cette perspective, n’est pas une société administrativement hiérarchisée comme beaucoup de non-croyants la considèrent, selon un organigramme : le pape, ses services, les évêques, les prêtres, les fidèles.

Dans la perspective évangélique elle est ce lieu unique où se transmet la Parole et la grâce des sacrements. Elle n’est pas un lieu où s’élabore une religion en y accommodant selon les périodes, des points de vue évolutifs. Elle est essentiellement le lieu de la Vie reçue du Père et du Fils et de l’Esprit. C’est le Bon Pasteur qui la lui transmise.

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Le Père m’aime parce que je donne ma vie. « Et nous ? Quelle réponse donnons-nous à cet te incessante question : »M’aimes-tu ? »

Incessante question à cause de nos faiblesses et de nos reprises. « Malgré notre faiblesse », nous fait dire l’oraison d’ouverture de la liturgie de ce dimanche. Notre réponse doit dépasser une simple déclaration affective, elle nous engage dans cette communion qui fut celle du Christ en son Père.

année liturgique B