Le synode sur la famille est un défi pastoral
Élu à la présidence des Associations Familiales Catholiques le 5 juillet 2014, Jean-Marie Andrès se réjouit de vivre le futur synode sur la famille voulu par le Pape François. Par Chantal Joly.
Certains catholiques en attendent de grands changements ? Quelle est votre analyse ?
Voilà soixante ans que l’on entend qu’il faut que l’Église change son enseignement. Mais réécrit-on les Évangiles, la Bible ? Non, on les approfondit. Aussi ne doit-on pas réécrire le livre de la Genèse. Au fond, nous sommes, sur ces sujets familiaux, trop soumis à nos impressions qui restent partielles, momentanées, ou à nos héritages culturels qui, bien souvent, peinent à cerner le don de Dieu et Son plan originel. Mais il y a tout lieu de nous montrer pleins d’espérance. L’Église vient de canoniser Jean-Paul II dont l’œuvre maîtresse a précisément été une catéchèse sur la sexualité et l’amour conjugal. Jean-Paul II a recherché, avec soin et exigence, dans la Bible tout ce qui matérialise en quoi la relation homme/femme et sa corporéité situent l’Homme au sommet de la Création et comme image du Dieu Trinitaire.
Cette doctrine est extrêmement précise, elle répond aux aspirations et aux questions des hommes et femmes de ce temps. Mais elle reste encore très peu connue et très peu enseignée, y compris par la majorité des chrétiens, y compris parmi nos adhérents malgré les efforts faits en ce sens. Nous avons des convictions ; il nous reste cependant à leur donner de l’épaisseur et à les habiter de l’intérieur. Nos vies doivent en être suffisamment transformées pour qu’elles soient un témoignage explicite des sources de notre joie et de notre bonheur, dans la conscience de nos faiblesses. Mais attention : prendre cette voie demande un effort. Face au péché, nous sommes tous à égalité. Il mène, comme aujourd’hui, vers la voie de la facilité, celle ambiguë, de la Nature. Ainsi, pour les uns, la nature réduit la personne à de simples pulsions et, pour d’autres, elle cantonne l’amour sponsal, celui du don de soi, à la seule transmission de la vie ! Deux approches qui manifestent des erreurs de réalisme.
Qu’attendez-vous alors de ce synode ?
Pour moi, il devrait être avant tout pastoral plutôt que doctrinal. L’Église -le peuple de Dieu – doit apprendre à accompagner toute personne sur son chemin propre. Le travail des éducateurs, des confesseurs, des laïcs sera justement d’être relais pastoral. Le synode va permettre d’approfondir la doctrine, de la densifier ; il sera surtout, ainsi que le montre le document de travail, une chance de proposer des clefs extrêmement pratiques, aux chrétiens comme aux non-chrétiens, pour vivre concrètement cet enseignement, pour expérimenter ses fruits. Dans ce domaine, il s’agit d’aller encore plus loin que ce que fait l’Église aujourd’hui. Contrairement aux idées reçues, son enseignement n’a jamais consisté à formuler des interdits mais toujours donner du sens. Désormais, elle cherchera, en plus, à exprimer la plus-value incarnée de son enseignement pour la personne et pour la société, et à suggérer les voies concrètes de son appropriation par chacun. Pour nous, il est évident que ce n’est qu’un début. Ce sera le défi de notre génération.
Et quelle a été, quelle sera la contribution des AFC?
Nombre d’AFC locales ont répondu au questionnaire, d’une manière ou d’une autre. Les réponses sont très diverses. Le conseil d’administration de la confédération nationale a aussi travaillé. Formuler nos réponses est déjà une mise en route. Pour la suite, le cœur de notre mission sera d’aider les familles adhérentes, dans le contexte de ce synode dont nous parions qu’il va nous apporter beaucoup. Notre « métier » ne va pas consister à assurer un accompagnement de nos seules familles adhérentes, mais à mettre à la disposition de tous, l’enseignement de l’Église afin que chaque famille en soit irriguée. Car le synode n’est pas destiné aux seuls catholiques. La famille est un bien universel et nous voulons… le bonheur pour tous.
Quelques mots sur les projets gouvernementaux ?
La situation est pleine d’hypothèques. Je regrette vraiment que nos gouvernants continuent à s’inscrire dans la vieille querelle laïciste alors que la modernité politique réside dans la capacité à faire grandir le « vivre-ensemble ». C’est de paix dont la société française a besoin. Cette paix ne se construit pas par des textes législatifs ou des actions transgressif(ve)s. Ceux-ci parient à tort sur le fait que le « tout est possible » s’impose ou doit s’imposer progressivement. Pour notre part, nous parions plutôt sur le fait qu’un regard réaliste et exigeant sur les défis de notre temps et un respect méticuleux de la liberté de chacun même différent, et en particulier celle des parents, sont seuls en mesure de faire émerger les consensus nécessaires. Mais cela exige de la patience et le monde politique n’en semble pas capable.
Engagé en Église pour la Cité
À 54 ans, cet ingénieur, marié, père de 7 enfants, a déjà derrière lui 25 années d’engagement pour la famille. C’est en 1989, à la suite d’une Rencontre des Familles à Rome avec Jean-Paul II, qu’il s’est senti appelé à agir sur les structures de la société, sans intégrer un parti politique. Les AFC ont été son moyen de matérialiser la doctrine sociale de l’Église. Président de la fédération des Hauts-de-Seine, il a été vice-président de la CNAFC pendant douze ans. Il y était responsable des secteurs politique familiale et des questions de société.