Le Pape et la situation en République Démocratique du Congo et au Sud-Soudan
La situation en République Démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud est bien connue au Vatican. Le pape François en est lui-même directement informé et il ne cache pas sa vive inquiétude. Le cardinal Monsengwo, archevêque de Kinshasa, fait partie du C9, le groupe des cardinaux chargés de le conseiller. Quant au Soudan du Sud, une organisation, Solidarity South Sudan, est très active à Rome, notamment grâce à une religieuse espagnole, Sœur Yudith, qui déploie des efforts considérables pour sensibiliser l’opinion publique. Par Romilda Ferrauto.
Rien d’étonnant alors à ce que le Saint-Père ait souhaité que cette journée mondiale de prière et de jeûne soit spécialement consacrée à ces deux nations africaines, en proie aux conflits, à la peur et aux privations. Une journée à laquelle les autres églises chrétiennes et les autres cultes ont été invités à s’associer, « selon leurs propres modalités, mais tous ensemble ».
Non à la logique de la violence
En RDC, où un bras-de-fer est engagé entre l’Église et le gouvernement, les tensions ont été exacerbées par le report de l’élection présidentielle, tandis que le Soudan du Sud est englué depuis 2013 dans une guerre civile sanglante. Dans les deux cas, l’Église catholique est très engagée, y compris sur le terrain politique. Il y a trois mois, le 23 novembre, le pape François avait tenu à présider une veillée de prière à cette même intention dans la basilique Saint-Pierre, « pour jeter des semences de paix…en toute terre blessée par la guerre ». Dans une courte homélie, il avait avoué qu’il avait tenté, sans succès, de se rendre au Soudan du Sud. « Quelle hypocrisie de nier les massacres de femmes et d’enfants !», avait-il lancé.
Et ce n’est pas un hasard si cette deuxième démarche se déroule pendant le Carême, temps de conversion, de solidarité et de renouveau. En convoquant cette journée mondiale, le 4 février à l’Angélus, le Souverain Pontife a demandé que l’on dise non à la logique de la violence, « parce que les victoires obtenues par la violence sont de fausses victoires ». A Rome, cette journée de jeûne et de prière a été accueillie avec joie et émotion par les communautés africaines, qui se sentent parfois très seules, abandonnées, oubliées.
Il ne suffit pas de s’indigner
« Aujourd’hui », souligne Sœur Yudith Pereira Rico, directeur exécutif de Solidarity South Sudan, « le silence entoure la mort de milliers de personnes dans le Sud du monde…comme si elles n’existaient pas…ces personnes ont besoin de retrouver l’espoir et la dignité, beaucoup plus que de recevoir de l’argent ou des aides concrètes ». Dans une paroisse de la périphérie romaine, le Père Dieudonné Kambale Kasika se réjouit que l’on parle enfin de ce qui se passe dans son pays, la RDC : « un génocide silencieux, qui se retrouve enfin sous les projecteurs ».
Dans son discours annuel au corps diplomatique, début janvier, le pape François avait demandé à la communauté internationale de ne pas oublier les souffrances de nombreuses parties du continent africain : « Il ne suffit pas de s’indigner face à tant de violence…il faut œuvrer pour éradiquer les causes de la misère et pour construire des ponts de fraternité ».
Quelques jours plus tard, commentant la répression des manifestations organisées par un collectif catholique congolais, un des proches collaborateurs du Saint-Père, le cardinal Turkson, président du Dicastère pour le service du développement humain intégral, a rappelé sans détours que le mandat du président Joseph Kabila a expiré il y a deux ans. Les évêques qui avaient joué un rôle de médiateurs se sont senti trahis par le pouvoir qui n’a pas respecté ses engagements. « Au lieu de tenir sa parole, le gouvernement persécute les manifestants », s’est insurgé le cardinal Turkson, se demandant si le président Kabila est encore maître de la situation, ou s’il n’est pas un jouet entre les mains de ceux qui sont concrètement aux manettes.