Le regard posé sur Jésus : la vocation de la famille
Présentation du chapitre trois d’Amoris laetitia, provenant de l’édition annotée de « La joie de l’amour » aux éditions Lessius Fidélité (2016), avec l’aimable autorisation de l’éditeur.
Dans les précédents chapitres, le pape François a tiré de l’Écriture le principe d’une bonne nouvelle du mariage, avant de considérer la réalité multiple de la situation des familles et d’identifier les défis majeurs. Dans ce chapitre, il présente les appuis d’une théologie du sacrement du mariage et expose le rôle des familles dans le don et la protection de la vie. Son point de départ est ici l’annonce de l’Évangile.
L’exposé sur le sacrement de mariage, qui forme la première partie de ce chapitre, est enraciné dans la tradition magistérielle, particulièrement depuis le concile Vatican II, qui avait accueilli une nouvelle forme de discours sur le mariage. La richesse de cet exposé apparaît au fil des paragraphes : le sacrement combine la libre volonté des conjoints échangeant leurs consentements, et les multiples dons que Dieu leur accorde. Les époux sont appelés à y collaborer de toutes leurs forces et ainsi à découvrir leur chemin de sainteté. Les unions non sacramentelles comportent déjà des « éléments positifs » à accompagner. Dans la seconde partie du chapitre, une insistance particulière est apportée à la mission de la famille pour la promotion et la protection de la vie. Tout au long de ces pages, François cite abondamment les textes majeurs du synode – Relatio synodi et Relatio finalis –, montrant ainsi l’importance qu’il accorde au discernement ecclésial.
Le chapitre rappelle les fondements doctrinaux et normatifs en matière de conjugalité. Mais le rapport à la norme s’inscrit dans le sillage du sens donné au sacrement, en articulant le « regard sur Jésus », qui nous indique la vérité de la foi, avec le « regard de Jésus » (78), qui accompagne les familles « avec vérité, patience et miséricorde » (60). Le pape précisera par la suite le juste rapport aux normes en vue du discernement (chap. 8, 304-306), dont la nécessité est déjà évoquée (79). Les principes directeurs du chapitre trouvent leur fondement dans la contemplation du Christ, modèle de toute attitude pastorale. C’est de lui que vient la bonne nouvelle de l’amour conjugal et familial, non pas une «doctrine froide et sans vie » (59) qui écrase, mais une Nouvelle qui fait vivre par la dynamique qu’elle suscite. Plus que comme un « joug » (62), l’indissolubilité est ainsi comprise comme un don à faire fructifier. Mais le mariage reçoit bien d’autres dons, comme la grâce, qui apparaît sous ses différentes modalités dans tout le chapitre.
En finale des différents thèmes abordés, les points d’attention centrent le discours sur la charité et la mission conjugales : « l’alliance d’amour et de fidélité » (66), la « vérité de l’amour » comme « principe de vie pour la société » (70), le «ministère éducatif » par lequel les parents « édifient l’Église » (85), enfin l’amour vécu dans les familles comme « une force constante pour la vie de l’Église » (88). Ces formules récapitulatives ne sont pas seulement des repères pour la mission des époux ; elles nous amènent à prendre conscience de la fonction sociale et ecclésiale du mariage et de la famille, qui se déploie bien au-delà des limites du cercle familial.
Deux questions particulières peuvent ici retenir l’attention :
- La première concerne le ou les «ministres » du sacrement. Tout en reconnaissant que l’opinion majoritaire de l’Église latine souligne la responsabilité des époux, le n° 75 invite à l’inscrire dans l’ensemble des dons de Dieu : la bénédiction nuptiale, mise en valeur par l’Orient et par la liturgie latine actuelle, récapitule ces dons et situe le consentement conjugal dans une vision plus largement ecclésiale et spirituelle.
- Pour qualifier la responsabilité des familles dans le don de la vie, l’exhortation reprend la norme d’Humanæ vitae (12), reformulée ici au n° 68 de manière plus ample, en rappelant le « lien intrinsèque entre l’amour conjugal et l’engendrement de la vie » — plutôt que leur « lien indissoluble » qui focalise l’attention sur l’acte conjugal—, afin d’élargir la dynamique de l’accueil et du «prendre soin » de la vie à toutes les étapes de la vie du couple (83).
Hélène Bricout et Catherine Fino