Madeleine Delbrêl (1904-1964), missionnaire des gens des rues
Par un décret rendu public en janvier 2018, le pape François a reconnu les vertus héroïques de la Française Madeleine Delbrêl, marquant ainsi une étape importante vers sa béatification. Portrait.
S’il est une croyante qui décoda et porta la présence de Dieu aux périphéries de l’Église, bien avant la fameuse expression du Pape François ; c’est bien Madeleine Delbrêl. Poète et essayiste (le don de la communication), assistante sociale (l’incarnation de la charité), mystique (le goût de la recherche de Dieu) ; sa personnalité fut l’alliance tout à fait unique de différents charismes. En elle non seulement les trois vertus théologales, foi, espérance et charité, se trouvaient réunies mais elle initia une voie tout à fait singulière de la sainteté : celle des gens ordinaires.
Rien ne présageait pourtant de ce destin. Fille d’un chef de gare autodidacte cultivé de Dordogne, intelligente, d’un tempérament artiste et fréquentant plutôt des intellectuels dont quelques libres penseurs, la jeune fille renia à 15 ans la foi du catéchisme de son enfance. Jusqu’à ce que le témoignage de foi du garçon qu’elle aimait et qui entra au noviciat des Dominicains la fasse cheminer en quête de sa propre vocation. À 20 ans, ayant découvert éblouie le Christ, l’ami de toute sa vie, Madeleine faillit choisir le Carmel puis elle rencontra un vicaire parisien, le Père Lorenzo, qui influença sa manière d’être témoin de l’Évangile dans sa radicalité. Désireuse de la vivre « au coude à coude » au milieu des incroyants et des athées, la jeune femme convainc deux de ses amies d’aller s’installer dans une banlieue ouvrière, elle comme assistante sociale, son amie Suzanne Lacloche comme laborantine et Hélène Manuel comme infirmière.
À Ivry-sur-Seine, un fief communiste, elles font du 11, rue Raspail la « Maison du Bon Dieu », foyer de vie fraternelle entre laïques célibataires autant que lieu de large hospitalité. Bien sûr, c’est le visage le plus connu de Madeleine Delbrêl : compagne de route des militants marxistes via le Service social de la mairie, participant à des actions au nom de la justice sociale, mais en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’ambiguïté pour sa foi. Une expérience de dialogue âpre, amical et respectueux relatée dans son livre phare Ville Marxiste, Terre de mission (né d’une correspondance avec Mgr Veuillot). Bien au delà, Madeleine Delbrêl fut et reste une figure incontournable du rapport des chrétiens avec un monde pluraliste. Une médiatrice qui sut inventer en son temps un témoignage de foi original en étant solidaire d’un monde qui rejetait Dieu et solidaire de Dieu qui aime ce monde. Une discrète mais grande spirituelle riche de sa joie de croire, de sa bonté, de sa pratique fidèle de la prière, de son sens viscéral de l’Église et surtout de son amour inconditionnel pour les « gens des rues » et les foules qui s’engouffrent dans le métro.
Fragile, affaiblie, minée par les ennuis de santé de ses parents, elle mourra à 60 ans avant de connaître le souffle de renouveau apporté par le Concile Vatican II. Son œuvre et sa spiritualité ne cesseront dès lors de rayonner au point d’aboutir à l’introduction de sa cause de béatification par le diocèse de Créteil. Jean-Paul II avait déclaré en 2004 : « Elle a pris part à l’aventure missionnaire de l’Église en France au vingtième siècle, en particulier à la fondation de la Mission de France et de son séminaire à Lisieux ». « Missionnaire sans bateau » (selon son expression) mais authentique évangélisatrice au cœur des déserts spirituels de la modernité. Dans la Lettre aux catholiques de France, les évêques la citent avec Thérèse de Lisieux comme une balise pour le 3ème millénaire !
En octobre 2014, elle a même été l’objet d’une première rencontre théologique internationale !
Chantal Joly, avec la collaboration
du Père Bernard Pitaud, auteur de plusieurs ouvrages sur Madeleine Delbrêl.
En vidéo
Quelle fut donc la vie de cette femme mystique ? Qu’a-t-elle fait qui mérite ainsi de l’élever sur les autels ?
Extrait vidéo de l’émission la Foi prise au mot, de KTO, du 26 octobre 2014
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