Synode des évêques : entretien avec Mgr Georges Pontier
Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France et archevêque de Marseille revient sur cette expérience de trois semaines de Synode à Rome. Il est interrogé par La Croix.
Quel est l’axe fort du rapport final du synode sur la famille voté au terme de trois semaines de discussions ?
Mgr Georges Pontier : C’est la conviction que Dieu accompagne toute personne, quelle que soit sa situation, sur un chemin de conversion et de bonheur. Sa miséricorde le pousse à cela. Et nous avons à acquérir cette même pédagogie de Dieu qui nous rattrape toujours pour nous faire sentir que, par sa miséricorde, nous pouvons toujours avancer. Il a choisi ce moyen, et non le rappel de la loi ou le châtiment. Aussi sommes-nous passés d’un langage qui pense toucher les personnes en pointant sous forme de reproche la loi non respectée ou non vécue, à un langage qui veut les émerveiller en leur faisant sentir l’amour de Dieu pour nous. Et, étant touchés par cet amour, qu’ils puissent retrouver le chemin de la loi, si l’on veut, de la plénitude. Non pas que nous oubliions le projet de Dieu mais, pour qu’il soit accessible, audible, y compris à ceux qui peuvent se sentir loin ou rejetés, il faut passer par la miséricorde.
Sortir de la logique du permis-défendu donc…
Mgr G. P. : Oui, pour un langage de la croissance, de la progression. L’Église est mère et enseignante, l’un ne va pas sans l’autre, mais elle commence par être mère, celle qui va consoler, panser les blessures. Et c’est parce qu’elle est mère qu’elle peut devenir enseignante. Nous commençons par marcher avec les personnes, pour que cette présence maternelle permette de comprendre que l’Église, lorsqu’elle rappelle le bien et le mal, le fait non par désir de contrôler les consciences, mais par bonté. C’est une petite révolution. Alors que nous célébrons le cinquantième anniversaire de Vatican II, nous retrouvons ce même regard d’amour, de compréhension, de tendresse que le concile porte sur le monde, sans pour autant éliminer la différence entre le bien et le mal.
Comment cela se traduit-il concrètement ?
Mgr G. P. : D’abord en amont, par la formation des enfants et des jeunes. Il ne faut pas les laisser dans le brouillard mais les ouvrir à un chemin juste pour eux dans leur vie affective, relationnelle, sexuelle, leur proposer le trésor du message de l’Église.
Ensuite avec les personnes en difficulté avec les règles de l’Église, ne pas en rester à leur situation irrégulière, mais discerner, avec elles, quel chemin elles peuvent parcourir dans cette situation. Et c’est cet accompagnement personnel, dans la durée, sous la responsabilité de l’évêque, qui peut ouvrir des chemins, jusque-là non envisageables.
Par exemple, aller jusqu’au baptême de quelqu’un qui, ayant découvert la foi dans un second mariage, fait un chemin spirituel. Nous reconnaissons que l’Esprit Saint est venu le chercher dans cette situation et demandons : peut-on résister à l’Esprit Saint ? Mon intervention devant les pères synodaux portait sur cette proposition que j’ai soutenue avec d’autres et qui a été votée.
Le rapport final du synode sur la famille ne tranche toutefois pas sur l’accès aux sacrements des divorcés remariés…
Mgr G. P. : Oui, car il ne s’agit pas de dire : les divorcés remariés peuvent-ils faire ceci ou cela ? Mais tel divorcé remarié, accompagné, s’ouvre de son chemin, et dans celui-ci, il est donné à l’évêque la responsabilité pastorale de chercher, non pas la régularisation d’une situation, mais le bien spirituel des personnes. Et ce bien spirituel pourra conduire, dans certains cas, à un rapport à la sacramentalisation différent de celui qui est aujourd’hui la règle.
Il ne s’agit pas de penser que la solution est dans un changement de règle. Car celui-ci nous maintiendrait dans la logique du permis défendu. Si on ne fait que changer la loi, on ne change pas le rapport au Christ. Or ce qui est en question, c’est la progression spirituelle. Nous avons plutôt opté pour un accompagnement personnel, affirmant qu’il y a un chemin spirituel ouvert pour tous. Et celui-ci peut conduire à des solutions particulières car chaque chemin est particulier. Ce qui est sûr, c’est que nous, évêques, sur ce sujet, ne sommes plus des administrateurs d’une loi, mais des pasteurs de personnes, avec des cas individuels.
Comment éviter de tomber dans un certain relativisme ?
Mgr G. P. : Par la formation de la conscience individuelle. C’est une ligne de crête étroite et c’est pour cela que l’accompagnement personnel est important. Il y aura un chemin de discernement que nous n’avons pas encore défini. Nous avons aussi élargi les possibilités de participation à la vie de l’Église pour les divorcés remariés pour lesquels il ne sera pas possible d’ouvrir la voie vers l’eucharistie ou la réconciliation : proclamer la parole de Dieu dans la liturgie, être catéchiste…
Et que dites-vous à ceux qui sont restés fidèles à leur premier mariage ?
Mgr G. P. : Nous avons aussi beaucoup parlé dans ce document de tous les couples qui marchent. Nous les appelons à s’engager dans l’évangélisation des familles par leur témoignage. Et nous avons également une attention pour les personnes qui, après un divorce, demeurent dans le lien sacramentel qu’ils ont promis et ne se remarient pas. C’est une très belle manière de rendre témoignage à la fidélité de Dieu. Nous demandons aux paroisses de les accompagner mieux que nous le faisions jusqu’à présent. Nous voulons soutenir ceux qui ont fait ce choix de foi profond qui est un appel particulier.
Recueilli par Céline Hoyeau (à Rome)