Chapitre 4 de l’Exhortation apostolique Christus Vivit
Chapitre 4 de l’Exhortation apostolique Christus Vivit : « La grande annonce pour tous les jeunes ».
111. Au-delà de toute situation particulière, je souhaite maintenant annoncer à tous les jeunes le plus important, ce qui est primordial, ce qu’il ne faut jamais taire. Une annonce qui comprend trois grandes vérités que nous avons tous besoin d’entendre sans cesse, encore et encore.
Un Dieu qui est amour
112. Je veux dire d’abord à chacun la première vérité : “Dieu t’aime”. Si tu l’as déjà entendu, peu importe. Je veux te le rappeler : Dieu t’aime. N’en doute jamais, quoiqu’il arrive dans ta vie. Tu es aimé infiniment, en toutes circonstances.
113. L’expérience de la paternité que tu as eue n’est peut-être pas la meilleure, ton père de la terre a peut-être été loin et absent ou, au contraire, dominateur et captatif. Ou, simplement, il n’a pas été le père dont tu avais besoin. Je ne sais pas. Mais ce que je peux te dire avec certitude, c’est que tu peux te jeter avec confiance dans les bras de ton Père divin, de ce Dieu qui t’a donné la vie et qui te la donne à tout moment. Il te soutiendra fermement et tu sentiras en même temps qu’il respecte jusqu’au bout ta liberté.
114. Nous trouvons dans sa Parole de nombreuses expressions de son amour. C’est comme s’il avait cherché différentes manières de le manifester pour voir s’il pouvait atteindre ton cœur avec l’une ou l’autre de ces paroles. Par exemple, il se présente parfois comme ces pères affectueux qui jouent avec leurs enfants : « Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d’amour ; j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue » (Os 11, 4).
Il se présente parfois plein de l’amour de ces mères qui aiment sincèrement leurs enfants, d’un amour attachant qui est incapable d’oublier ou d’abandonner : « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas» (Is 49, 15).
Il se présente même comme un amoureux qui en arrive à se faire tatouer la personne aimée dans la paume de ses mains afin de pouvoir avoir toujours son visage à proximité : « Je t’ai gravée sur les paumes de mes mains » (Is 49, 16).
D’autres fois, il montre sa force et la vigueur de son amour qui ne se laisse jamais vaincre : « Les montagnes peuvent s’écarter et les collines chanceler, mon amour ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas» (Is 54, 10).
Ou bien il nous dit que nous avons été désirés depuis toujours, de sorte que nous n’apparaissons pas dans ce monde par hasard. Nous étions un projet de son amour avant que nous existions : « D’un amour éternel je t’ai aimée, aussi t’ai-je maintenu ma faveur» (Jr 31, 3).
Ou bien il nous fait remarquer qu’il sait voir notre beauté, celle que personne ne peut reconnaître : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43, 4).
Ou bien il nous fait découvrir que son amour n’est pas triste, mais une pure joie qui se renouvelle quand nous nous laissons aimer par lui : « Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur! Il exultera pour toi de joie, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie » (So 3, 17).
115. Tu as vraiment de la valeur pour lui, tu n’es pas insignifiant, tu lui importes, parce que tu es une œuvre de ses mains. Il te prête donc attention et se souvient de toi avec affection. Tu dois avoir confiance dans le « souvenir de Dieu : sa mémoire n’est pas un “disque dur” qui enregistre et archive toutes nos données, sa mémoire est un cœur tendre de compassion, qui se plaît à effacer définitivement toutes nos traces de mal ».[63] Il ne veut pas tenir le compte de tes erreurs et, en toute situation, il t’aidera à tirer quelque chose, même de tes chutes. Parce qu’il t’aime. Essaye de rester un moment en silence en te laissant aimer par lui. Essaye de faire taire toutes les voix et les cris intérieurs, et reste un moment dans les bras de son amour.
116. C’est un amour « qui n’écrase pas, c’est un amour qui ne marginalise pas, qui ne réduit pas au silence, un amour qui n’humilie pas, ni n’asservit. C’est l’amour du Seigneur, un amour de tous les jours, discret et respectueux, amour de liberté et pour la liberté, amour qui guérit et qui relève. C’est l’amour du Seigneur qui apprend plus à redresser qu’à faire chuter, à réconcilier qu’à interdire, à donner de nouvelles chances qu’à condamner, à regarder l’avenir plus que le passé ».[64]
117. Quand il te demande quelque chose ou quand, simplement, il permet ces défis que la vie te présente, il attend que tu lui accordes une place pour pouvoir t’élever, pour te faire progresser, pour te faire mûrir. Cela ne le dérange pas que tu lui exprimes ton questionnement. Ce qui l’inquiète, c’est que tu ne lui parles pas, que tu n’ouvres pas sincèrement le dialogue avec lui. La Bible dit que Jacob a lutté contre Dieu (cf. Gn 32, 25-31), et cela ne l’a pas détourné du chemin du Seigneur. En réalité, il nous exhorte lui-même : « Allons ! Discutons ! » (Is 1, 18). Son amour est si réel, si vrai, si concret qu’il nous offre une relation faite de dialogue sincère et fécond. Finalement, cherche l’embrassade de ton Père du ciel dans le visage aimant de ses courageux témoins sur la terre.
Le Christ te sauve
118. La deuxième vérité est que le Christ, par amour, s’est livré jusqu’au bout pour te sauver. Ses bras sur la croix sont le signe le plus beau d’un ami qui est capable d’aller jusqu’à l’extrême : « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin » (Jn 13, 1).
Saint Paul disait qu’il vivait dans la confiance en cet amour qui s’est livré à lui entièrement : « Je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20).
119. Ce Christ, qui nous a sauvés de nos péchés sur la croix, continue de nous sauver et de nous racheter aujourd’hui, avec le même pouvoir de son don total. Regarde le Christ, accroche-toi à lui, laisse-toi sauver, parce que « ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement ».[65] Car si tu pèches et t’éloignes, il te relève avec le pouvoir de sa croix. N’oublie jamais qu’ « il pardonne soixante-dix fois sept fois. Il revient nous charger sur ses épaules une fois après l’autre. Personne ne pourra nous enlever la dignité que nous confère cet amour infini et inébranlable. Il nous permet de relever la tête et de recommencer, avec une tendresse qui ne nous déçoit jamais et qui peut toujours nous rendre la joie ».[66]
120. « Nous sommes sauvés par Jésus : parce qu’il nous aime et ne peut pas s’en passer. Nous pouvons lui faire n’importe quoi, lui nous aime et nous sauve. Parce que seul celui qu’on aime peut être sauvé. Seul celui qu’on embrasse peut être transformé. L’amour du Seigneur est plus grand que toutes nos contradictions, que toutes nos fragilités et que toutes nos petitesses. Mais c’est précisément à travers nos contradictions, nos fragilités et nos petitesses qu’il veut écrire cette histoire d’amour. Il a embrassé le fils prodigue, il a embrassé Pierre après son reniement, et il nous embrasse toujours, toujours, toujours après nos chutes, en nous aidant à nous relever et nous remettre sur pieds. Parce que la véritable chute, – attention à cela – la vraie chute, celle qui est capable de ruiner notre vie, c’est de rester à terre et ne pas se laisser aider ».[67]
121. Son pardon et son salut ne sont pas une chose que nous avons achetée, ou que nous devons acquérir par nos œuvres et par nos efforts. Il nous pardonne et nous libère gratuitement. Le don de lui-même sur la croix est une chose si grande que nous ne pouvons ni ne devons payer, nous devons seulement le recevoir avec une immense gratitude et avec la joie d’être tant aimés, avant que nous puissions l’imaginer : « Il nous a aimés [le premier] » (1 Jn 4, 19).
122. Jeunes aimés par le Seigneur, vous valez tellement que vous avez été rachetés par le sang précieux du Christ ! Jeunes bien aimés, « vous n’avez pas de prix! Vous n’êtes pas une marchandise aux enchères! S’il vous plaît, ne vous laissez pas acheter, ne vous laissez pas séduire, ne vous laissez pas asservir par les colonisations idéologiques qui nous mettent des idées dans la tête et, à la fin, nous font devenir esclaves, dépendants, des ratés dans la vie. Vous n’avez pas de prix : vous devez toujours vous le répéter : je ne suis pas aux enchères, je n’ai pas de prix. Je suis libre, je suis libre! Eprenez-vous de cette liberté, qui est celle que Jésus offre ».[68]
123. Regarde les bras ouverts du Christ crucifié, laisse-toi sauver encore et encore. Et quand tu t’approches pour confesser tes péchés, crois fermement en sa miséricorde qui te libère de la faute. Contemple son sang répandu avec tant d’amour et laisse-toi purifier par lui. Tu pourras ainsi renaître de nouveau.
Il vit !
124. Mais il y a une troisième vérité qui est inséparable de la précédente : il vit ! Il faut le rappeler souvent, parce que nous courons le risque de prendre Jésus-Christ seulement comme un bon exemple du passé, comme un souvenir, comme quelqu’un qui nous a sauvés il y a deux mille ans. Cela ne nous servirait à rien, cela nous laisserait identiques, cela ne nous libèrerait pas. Celui qui nous remplit de sa grâce, qui nous libère, qui nous transforme, qui nous guérit et nous console est quelqu’un qui vit. C’est le Christ ressuscité, plein de vitalité surnaturelle, revêtu d’infinie lumière. C’est pourquoi saint Paul disait : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi » (1Co 15, 17).
125. S’il vit, alors il pourra être présent dans ta vie, à chaque moment, pour la remplir de lumière. Il n’y aura ainsi plus jamais de solitude ni d’abandon. Même si tous s’en vont, lui sera là, comme il l’a promis : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Il remplit tout de sa présence invisible, où que tu ailles il t’attendra. Car il n’est pas seulement venu, mais il vient et continuera à venir chaque jour pour t’inviter à marcher vers un horizon toujours nouveau.
126. Contemple Jésus heureux, débordant de joie. Réjouis-toi avec ton Ami qui a triomphé. Ils ont tué le saint, le juste, l’innocent, mais il a vaincu. Le mal n’a pas le dernier mot. Dans ta vie, le mal non plus n’aura pas le dernier mot, parce que l’Ami qui t’aime veut triompher en toi. Ton sauveur vit.
127. S’il vit, c’est une garantie que le bien peut se faire un chemin dans notre vie, et que nos fatigues serviront à quelque chose. Nous pouvons cesser de nous plaindre, et regarder en avant parce que, avec lui, on le peut toujours. C’est la sécurité que nous avons. Jésus est l’éternel vivant. Accrochés à lui nous vivrons et traverserons toutes les formes de mort et de violence qui nous guettent en chemin.
128. Toute autre remède sera insuffisant et passager. Il servira peut-être à quelque chose un certain temps, mais de nouveau nous nous retrouverons sans défense, abandonnés, exposés aux intempéries. Avec lui, en revanche, le cœur est ancré dans une assurance fondamentale, qui demeure au-delà de tout. Saint Paul dit qu’il désire être uni au Christ pour « le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection » (Ph 3, 10). C’est le pouvoir qui se manifeste sans cesse aussi dans ton existence, parce qu’il est venu pour te donner la vie, et que tu l’aies « surabondante » (Jn 10, 10).
129. Si tu parviens à apprécier, avec le cœur, la beauté de cette nouvelle, et que tu te laisses rencontrer par le Seigneur, si tu te laisses aimer et sauver par lui, si tu entres en amitié avec lui et commences à parler avec le Christ vivant des choses concrètes de ta vie, tu feras la grande expérience, l’expérience fondamentale qui soutiendra ta vie chrétienne. C’est aussi l’expérience que tu pourras communiquer aux autres jeunes. Parce qu’« à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive ».[69]
L’Esprit donne la vie
130. Dans ces trois vérités – Dieu t’aime, le Christ est ton sauveur, il vit – apparaît Dieu le Père et apparaît Jésus. Où se trouvent le Père et Jésus-Christ se trouve aussi l’Esprit Saint. C’est lui qui prépare et ouvre les cœurs à recevoir cette nouvelle, c’est lui qui maintient vivante cette expérience de salut, c’est lui qui t’aidera à grandir dans cette joie si tu le laisses agir. L’Esprit Saint remplit le cœur du Christ ressuscité et à partir de là, comme une source, il se répand dans ta vie. Et quand tu le reçois, l’Esprit Saint te fait entrer toujours plus avant dans le cœur du Christ, afin de te remplir toujours davantage de son amour, de sa lumière et de sa force.
131. Invoque chaque jour l’Esprit Saint, pour qu’il renouvelle constamment en toi l’expérience de la grande nouvelle. Pourquoi ne pas le faire ? Tu ne perds rien et il peut changer ta vie, il peut l’éclairer et lui donner une meilleure direction. Il ne te mutile pas, il ne t’enlève rien, mais il t’aide à trouver ce dont tu as besoin de la meilleure façon. Tu as besoin d’amour ? Tu ne le trouveras pas dans la débauche, en utilisant les autres, en possédant les autres ou en les dominant. Tu le trouveras d’une manière qui te rendra véritablement heureux. Tu cherches la force ? Tu ne la vivras pas en accumulant les objets, en gaspillant de l’argent, en courant désespéré derrière les choses de ce monde. Tu y parviendras sous une forme beaucoup plus belle et satisfaisante si tu te laisses stimuler par l’Esprit Saint.
132. Tu cherches la passion ? Comme le dit ce beau poème : tombe amoureux ! (ou bien, permets-toi de tomber amoureux !) car « il n’y a rien de plus important que de trouver Dieu. C’est-à-dire, tombe amoureux de lui de manière définitive et absolue. Ce dont tu tombes amoureux prend ton imagination, et finit par laisser sa trace partout. C’est cela qui te décidera à sortir du lit le matin, qui décidera de ce que tu fais de tes soirées, de ce à quoi tu emploies tes weekends, de ce que tu lis, de ce que tu sais, de ce qui brise ton cœur et de ce qui te submerge de joie et de gratitude. Tombe amoureux ! Demeure dans l’amour ! Tout sera différent ».[70] Cet amour de Dieu qui prend avec passion toute la vie est possible grâce à l’Esprit Saint, parce que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5).
133. Il est la source de la meilleure jeunesse. Parce que celui qui se confie au Seigneur « ressemble à un arbre planté au bord des eaux, qui tend ses racines vers le courant il ne redoute rien quand arrive la chaleur, son feuillage reste vert » (Jr 17, 8). Alors que « les adolescents se fatiguent et s’épuisent » (Is 40, 30), ceux qui mettent leur espérance dans Seigneur « renouvellent leur force, ils déploient leurs ailes comme des aigles, ils courent sans s’épuiser, ils marchent sans se fatiguer » (Is 40, 31).
Notes de bas de page
[63] Homélie de la Messe des XXXIème Journées Mondiales de la Jeunesse à Cracovie (31 juillet 2016): AAS 108 (2016), 923: L’Osservatore Romano, éd. française, n. 32-33 du 11-18 août 2016, p. 12.
[64] Discours lors de la cérémonie d’ouverture des XXXIVèmes Journées Mondiales de la Jeunesse à Panama, (24 janvier 2019): L’Osservatore Romano, éd. française, n. 5 du 29 janvier 2019, p. 9.
[65] Exhort. ap. Evangelii gaudium (24 novembre 2013), n. 1: AAS 105 (2013), 1019.
[66] Ibid., n. 3: AAS 105 (2013), 1020.
[67] Discours lors de la veillée avec les jeunes lors des XXXIVèmes Journées Mondiales de la Jeunesse à Panama (26 janvier 2019): L’Osservatore Romano, éd. française, n. 6 du 5 février 2019, p. 10.
[68] Discours lors de la rencontre avec les jeunes au Synode, salle Paul VI (6 octobre 2018): L’Osservatore Romano, éd. française, n. 41 du 11 octobre 2018, p. 7.
[69] Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. 1: AAS 98 (2006), 217.
[70] Pedro Arrupe, Enamórate.
Pour méditer
Le Chapitre 4, véritable cœur de l’exhortation annonce « le plus important, ce qui est primordial, ce qu’il ne faut jamais taire ».
Les trois vérités développées par le Saint-Père sont le cœur du Kérygme :
La première : Dieu t’aime et tu peux te jeter avec confiance dans les bras de ton Père divin. (112-117). Cet amour n’écrase pas et invite à laisser davantage de place à Dieu.
Seconde vérité : Le Christ te sauve (118-123). Si tu pèches et t’éloignes, il te relève avec le pouvoir de sa croix. L’amour du seigneur est plus grand que toutes nos contradictions, que toutes nos fragilités et que toutes nos petitesses. Et le Pape rappelle aux jeunes qu’ils n’ont pas de prix, et qu’aucune colonisation idéologique ne peux les asservir.
Troisième vérité : le Christ vit ! (124-131). Le Christ n’est pas un évènement du passé, il est ressuscité ! Bien présent aujourd’hui. C’est la garantie que le bien peut se faire un chemin dans notre vie. Et le Pape de conclure sur la personne de l’Esprit Saint qui permet de maintenir vivant cette expérience du salut. Il invite les jeunes à « invoquer chaque jour l’Esprit Saint pour qu’il renouvelle constamment en toi l’expérience de la grande nouvelle » (131).
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