Jumelage Lyon-Antélias : une espérance partagée

Liban

Les diocèses de Lyon et d’Antélias au Liban vivent l’aventure du jumelage depuis plus de trente ans. Au-delà des frontières, des rites et des épreuves, la démarche est l’occasion d’expérimenter pleinement la fraternité en Christ et la solidarité en actes, ici et là-bas. Par Florence de Maistre.

Liban“Ce jumelage est une vraie chance et un enrichissement réciproque pour nos diocèses de Lyon et d’Antélias au Liban. Le Seigneur agit au cœur de nos échanges. Tous ceux qui vivent la démarche, témoignent d’un avant et d’un après dans leur vie”, partage Pierre Pouillevet, délégué général du jumelage pour le diocèse de Lyon. En mai 2022, une délégation d’une trentaine de diocésains lyonnais s’est rendue pour quatre jours à Antélias. C’était le premier voyage pour Mgr Olivier de Germay, archevêque de Lyon, qui a rencontré son homologue également nouvellement nommé Mgr Antoine Bou Najem, archevêque maronite d’Antélias. Objectifs de la visite : répondre à la grande attente des Libanais, leur manifester aide, soutien et fraternité, développer les liens tissés entre les deux diocèses. L’immersion dans la pauvreté et les repas partagés au sein des familles libanaises restent l’un des temps forts du séjour. “Nos deux évêques ont été reçus chez une veuve et son enfant. À la fin du séjour, Mgr Bou Najem a partagé son souhait de prendre un logement dans ce quartier au milieu des pauvres”, rapporte Pierre Pouillevet.

LibanLes liens entre Lyon et le Liban remontent au temps des Croisés, puis celui du commerce des fils de soie tisse les premières relations d’amitié fraternelle. L’arrivée des congrégations religieuses enseignantes marque un autre lien fort sur le plan éducatif et culturel. Mais le jumelage naît véritablement d’une réponse à l’appel de Jean-Paul II, il y a 31 ans : à la suite de la guerre civile, l’Église doit venir en aide à l’Église d’Orient. Le card. Albert Decourtray, alors archevêque de Lyon, envoie une délégation au Liban, lance différentes initiatives et accueille en son diocèse de nombreux étudiants. Parmi eux, deux séminaristes du diocèse d’Antélias qui, par amitié pour l’archevêque, encouragent l’idée du jumelage. Ce dernier se développe d’abord entre différentes entités du diocèse. Ainsi l’Institution des Chartreux avec le collège Saint-Georges de Zalka, à 10 minutes du centre de Beyrouth, et les paroisses Saint-Joseph des Brotteaux et Saint-Joseph-Haret-Sader, dans la ceinture de pauvreté de Beyrouth, sont les premières à se lancer dans l’aventure.

Le défi de la connaissance et du soutien mutuel

LibanAujourd’hui dix établissements scolaires et huit paroisses participent au jumelage, qui est devenu véritablement diocésain en 2004. C’est-à-dire que chaque entité organise ses échanges sur le mode qu’elle souhaite, et la créativité est au rendez-vous : parrainage d’élèves, voyage de classe, thèmes d’étude communs, concerts, brocantes solidaires, actions de Carême, groupe de prière en visio, etc. Mais toutes s’inscrivent dans la charte signée par le cardinal Barbarin et Mgr Bechara Rai le 7 mai 2004 et s’engagent à en déployer les quatre axes. Ouverture, rencontre, partage, prière : voilà l’esprit qui conduit et anime la démarche diocésaine. “La rencontre humaine est primordiale, elle permet de nous apprivoiser. Le partage de nos joies et nos peines nous aide à comprendre ce que nous vivons comme frère au sein de l’Église universelle, au-delà d’une aide matérielle. La prière vient cimenter le tout, nous cheminons ensemble dans la foi”, précise le délégué diocésain au jumelage. Chaque trimestre, un temps de partage rassemble les acteurs du jumelage.

“Nous vivons une très grande richesse des deux côtés, un enrichissement réciproque. L’action n’est pas à sens unique. Notre apport est plutôt du côté matériel. Ceux qui se rendent sur place reçoivent aussi beaucoup au niveau de la foi et des valeurs. Le Libanais a une grande pudeur, il se tient toujours debout, il est très solidaire : quelles leçons de vie”, poursuit Pierre Pouillevet. À la fois commune et diocèse, Antélias se situe à 15 minutes au Nord de Beyrouth. La population rassemblée essentiellement en bord de mer est actuellement marquée par l’absence de classe moyenne. Elle est soit très pauvre, soit très aisée. Depuis plusieurs années, les crises économiques, politiques et financières éprouvent tout le pays. En octobre 2019, à la suite de l’annonce de nouvelles taxes supplémentaires, en particulier sur les appels en ligne (whatsapp), la population est descendue dans les rues. “Chrétiens, musulmans, jeunes, aînés : on a assisté à un rare moment d’unité. Le Liban compte 3,8 millions d’habitants, mais ils sont 13 à 14 millions dans le monde, d’où l’importance des moyens de communication ! À la suite des différentes dévaluations de la monnaie, les gens sont ruinés et dans une profonde détresse psychologique. Tout s’écroule ! Même la situation des écoles, fleuron du Moyen-Orient, est en question. L’équation est à multiples inconnues, impossible”, avance le délégué diocésain.

Tout s’écroule ! Même la situation des écoles, fleuron du Moyen-Orient, est en question.

Pénuries d’eau, de blé, d’électricité, de médicaments, émeutes avec les réfugiés Syriens pour quelques produits subventionnés, sans compter l’explosion du port de Beyrouth et le Covid : le cercle semble infernal. “Le contexte géopolitique, très compliqué, nous dépasse. La paix est menacée sur cette Terre Sainte, évoquée dans soixante-dix passages bibliques. Les chrétiens présents dans les villages sunnite et chiite, en sont le ciment. Ils doivent résister et éviter l’expatriation. Le pays est la place du peuple et le peuple l’âme du pays ! En vivant au milieu d’eux, on se dit que c’est bien là l’endroit où l’on doit être”, assure Pierre Pouillevet. Il reprend : “le fait de se rendre sur place, même sans rien apporter, est précieux pour les Libanais. Ils sont sensibles au fait que l’on s’intéresse à eux, à notre présence à leurs côtés. Notre soutien est moral, spirituel et financier”.

Vers la communion fraternelle

LibanLes fruits du jumelage sont nombreux et divers. Les échanges entre les personnes se transforment en amitié. La joie de la prière fraternelle, la joie de vivre l’Église universelle rapproche les diocésains au-delà des frontières et sur leurs propres lieux de vie. Les responsables des services diocésains relisent leurs pratiques à la lumière de celles de leurs correspondants lyonnais ou d’Antélias, heureux de réfléchir ensemble sur des problématiques concrètes comme l’accueil des catéchumènes et celui des personnes divorcées et remariées. De nouveaux projets naissent. L’idée est lancée de rassembler les jeunes des deux diocèses, de rassembler les forces vives, à l’occasion des prochaines JMJ. Au sein même du diocèse de Lyon, les personnes en charge des jeunes, des actions de solidarité, de la communication apprennent à mieux se connaître, mieux travailler et mieux prier ensemble. “Le jumelage nous aide à tisser des liens au cœur de nos paroisses. Il nous aide à faire communauté”, souligne encore Pierre Pouillevet. Il évoque cette personne qui participe tous les ans à la brocante paroissiale solidaire pour Antélias et pour qui c’est le moment de l’année le plus fort en rencontres. Le délégué diocésain intervient au sein des écoles, auprès d’élèves de la maternelle au lycée. Le témoignage est simple, le retour des jeunes éloquent. Pierre Pouillevet ponctue : “ça percute, ça force à réfléchir à notre mission”.

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