Nigéria : le Père Emmanuel Isa Saliu, artisan du dialogue interreligieux

« Je suis très reconnaissant d’avoir cette occasion unique de participer à la Nuit des Témoins », confie-t-il d’emblée. Le Nigéria, rappelle-t-il, est « un pays d’Afrique de l’Ouest avec une population de plus de 200 millions d’habitants, composé de nationalités ethniques et des cultures diverses ». Riche en ressources naturelles, le pays reste pourtant marqué par la pauvreté, les conflits et les tensions interreligieuses. « Parmi les trois facteurs qui menacent l’unité nationale et la coexistence, la religion est la première », souligne-t-il.

Artisan du dialogue

Né dans le nord du Nigéria, le père Emmanuel est le seul chrétien d’une famille musulmane. Devenu formateur en œcuménisme et en dialogue interreligieux, il tente de transmettre l’esprit du dialogue interreligieux à ses séminaristes, souvent sceptiques face à la réalité des violences. « Mes étudiants ne sont pas convaincus que le dialogue interreligieux entre chrétiens et musulmans soit possible. Ils considèrent que les différences sont trop profondes. »

Il évoque avec émotion les tragédies qui ont marqué le pays : « Mes élèves se souviennent de Deborah Samuel, lapidée puis brûlée le 12 mai 2022 pour un blasphème présumé, ou encore de l’enlèvement des 276 filles de Chibok en avril 2014, dont une centaine sont toujours en captivité. » Ces événements, intensément médiatisés, restent des blessures ouvertes dans la mémoire des communautés chrétiennes.

Un pays meurtri par la terreur

Depuis plus de dix ans, la menace des groupes djihadistes tels que Boko Haram plonge plusieurs régions dans la peur. « Ils volent le bétail, brûlent les récoltes, attaquent les villages, enlèvent hommes, femmes et enfants pour obtenir une rançon. » Malgré les promesses du gouvernement, les attaques se multiplient, comme celle du village de Yelewata, en juin 2025, qui a fait plus de 200 victimes.

Pour le prêtre, ces violences poursuivent un objectif clair : « Islamiser le Nigéria et remplacer la Constitution par la charia. Les principales cibles restent les chrétiens du nord et du centre, persécutés simplement parce qu’ils sont chrétiens. » Même dans les États du Nord où la charia s’applique, la discrimination se fait plus insidieuse : marginalisation dans la vie politique, exclusion des emplois publics ou des universités.

La foi plus forte que la peur

Malgré tout, la foi persiste et se renforce. « Les vocations au sacerdoce n’ont pas diminué », affirme le père Emmanuel : le séminaire du Bon Pasteur compte 280 séminaristes cette année, contre 250 l’an dernier. « Nous, chrétiens du nord du Nigéria, malgré les tortures, les pertes et les discriminations, notre espérance en Dieu est éternelle. » Son appel résonne comme un cri d’espérance : « Tout ce que désirent les réfugiés et déplacés, c’est de pouvoir retourner sur leur terre ancestrale et mener une vie normale. Avec vos prières et votre soutien, c’est possible. »

ils étaient à l’honneur lors de la Nuit des Témoins