Espérance et Vie : le temps du passage
L’espérance tout d’abord. Car la mort est bien ce rocher sur lequel peut s’arrimer ou au contraire se fracasser notre croyance en Dieu. Michèle Taupin, présidente d’Espérance et Vie cite notamment cette catéchiste à laquelle une petite fille avait demandé : « Si on croit à la Résurrection, pourquoi est-on si triste lorsque quelqu’un meurt ? « Le fait, répond-elle, qu’on tienne debout et qu’on garde cette espérance est un témoignage sans parole que la mort n’a pas le dernier mot ».
Evoquant sa situation personnelle, le décès brutal de son mari, il y a près de dix ans à cause d’un accident de voiture, Michèle Taupin, 63 ans, témoigne que « la foi est forcément remise en cause ». Ayant eu la chance d’être accompagnée spirituellement, elle raconte avoir vécu la première Semaine Sainte qui a suivi de façon complètement différente dans la mesure où on comprend que « pour la Résurrection, il faut passer par la case de la croix ». « Dire Amen avoue-t-elle, j’ai pu le faire assez vite mais pour Alléluia, ça a pris plus de temps ».
La souffrance est toujours sous-jacente, à la merci d’une odeur, d’une chanson qui passe à la radio, mais « on peut faire en sorte d’être touché tout en retrouvant son énergie vitale et même en expérimentant une paix profonde et une joie qui est de l’ordre de la sérénité. Ceux et celles qui parviennent à la vivre sont ceux qui arrivent à avoir la chance, la grâce de sentir la présence de l’absent ».
Plus attentif aux autres
Si Espérance et Vie a choisi d’être un mouvement de passage (cinq à six ans en moyenne), c’est pour permettre à des femmes et des hommes « sonnés » par un deuil, de traverser ce laps de temps avant le retour à un mieux-vivre. Il peut y avoir des régressions suivies d’avancées. A d’autres moments, des sentiments contradictoires d’accablement et de reconstruction cohabitent. Ce qui est visé, c’est de réussir à passer le cap. « On s’appuie sur ce qui a été vécu de beau, de fort, de bon. Mais notre vie doit se tourner devant nous afin de savoir ce qu’on va en faire », explique Michèle Taupin. En ajoutant : « Le problème, ce n’est pas tant d’occuper son temps que de retrouver un sens à sa vie. J’ai l’impression d’avoir rempli mon rôle quand une personne qui avait l’impression de n’intéresser plus personne, de n’être plus rien n’étant plus ‘la femme de… ‘ trouve sa place dans une chorale, devient conseillère municipale ou rend visite aux malades ». Des activités souvent caritatives ou en tout cas altruistes car « on ne peut pas échapper à une certaine vulnérabilité qui nous rend plus attentif aux autres ».
Contagieux de la mission de vivre
Accueillant tout homme et toute femme dans l’épreuve, « Espérance et Vie » est animé par des personnes ayant une vie de foi, personnelle et en Eglise. Dans les équipes de base implantées dans soixante-dix diocèses, avec une présence plus forte sur la région parisienne, la Savoie, Lyon, la Normandie et l’Est de la France, des accompagnateurs, prêtres, diacres et quelques religieuses, interviennent pour des commentaires de lectures bibliques, apportant des éléments à la compréhension du mystère du tombeau vide. Mais le soutien passe moins par des partages de prières que de paroles pour s’épauler grâce à l’amitié, échanger sur les difficultés de la vie quotidienne, décoder le sens de cette épreuve, extérioriser ses sentiments et parfois libérer des regrets et des pardons qui n’ont jamais pu être donnés. En plus des réunions d’équipe, il y a des journées de rencontre et de réflexion au niveau d’un diocèse (et parfois de plusieurs) une ou deux fois par an sur des thèmes tels que « Debout, vivants, et porteurs d’espérance », « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés », « Cette faiblesse qui est notre force », etc. Des temps de ressourcement dans des monastères sont aussi proposés.
Certaines personnes souhaitent aller plus loin en rejoignant aussi d’autres lieux tels que des groupes ou des écoles de prière, les équipes du Rosaire ou des formations en théologie. Comme les autres responsables de ce mouvement, Michèle Taupin se sent tout à fait « concernée par l’évangélisation au sens large ». « En famille, explique-t-elle, on peut être témoin auprès des jeunes car on a quelque chose à leur apprendre des raisons de vivre ».
Quelques dates phares
1941. De jeunes veuves de guerre parisiennes décident de s’épauler pour faire face à leur nouvel état de vie, dans la fidélité à leur foi. Le groupe se constitue en 1945 sous le nom de Groupement Spirituel des Veuves.
1957. Le Groupement, qui s’est rendu au Congrès des Organismes familiaux à Rome est conforté dans ses orientations lorsque le pape Pie XII évoque la spiritualité du veuvage.
1977. L’association prend le nom d’ « Espérance et Vie-Mouvement chrétien de veuves ».
1980. Elle est officiellement reconnue par l’Eglise en 1980 et s’intègre dans les mouvements de la pastorale familiale.
2000. L’ouverture aux veufs est décidée. L’association devient « Espérance et Vie-Mouvement chrétien pour les premières années du veuvage ». Actuellement elle rejoint entre 2500 et 3000 veuves et veufs.
2007. Rassemblement national à Lourdes avec 1700 personnes.
2012. Rassemblement national.