Du marathon au triathlon : une question d’équilibre !

P. Pierrick Jegonday, curé des paroisses de Saint-Brieuc en triathlon

En route vers Paris 2024 ! Les prochains Jeux olympiques sont l’occasion de partir à la découverte d’un sport et à la rencontre d’une communauté qui se mobilise autour de l’évènement international de l’été. Éclairages sur la course à pied et le triathlon, ainsi que sur le footing paroissial à Saint-Brieuc. Par Florence de Maistre.

“Quand j’étais curé à Lamballe, les parents des enfants du catéchisme m’ont encouragé à rejoindre leur club de sport. J’y ai même appris à nager, à 44 ans ! Avec eux, je suis passé de la course à pied, à la piscine et au vélo. Ça peut paraître étonnant, mais j’ai besoin de sortir de l’Église pour mieux y être prêtre. J’ai besoin d’être en conversation avec le monde”, lance le P. Pierrick Jegonday, 55 ans, curé des paroisses de Saint-Brieuc et de Ploufragan, également vicaire épiscopal du diocèse. Véritables respirations au cœur de son quotidien, le P. Pierrick pratique trois activités sportives par semaine, selon les saisons : natation en piscine ou dans l’océan, vélo et course à pied. Et si jamais le curé n’a pas le temps de sortir, il s’exerce dans son garage sur son home trainer. Sa pratique favorite ? La course à pied ! Il court un marathon chaque année depuis 10 ans. Le dernier auquel il a participé s’est déroulé le 17 mars à Rome. Le prochain est déjà prévu le 5 mai 2025 à Prague. “Je me rappelle quand j’ai commencé : au bout de deux boucles de 1,5 km, j’étais épuisé. Aujourd’hui, je fais au moins une sortie longue le lundi et une fractionnée le mercredi”, indique le prêtre sportif.

P. Pierrick Jegonday, curé des paroisses de Saint-Brieuc

Le marathon, distance reine de la course à pied, compte 42,195 km. C’est une épreuve d’endurance. L’expérience sportive individuelle est forte, éprouvante sur le plan physique. Elle demande préparation et entraînements. Elle ne s’improvise pas, même si elle s’est grandement démocratisée. La discipline est emblématique des Jeux Olympiques. Elle est présente dès les premiers Jeux de l’ère moderne en 1896 à Athènes. À Paris, le départ de la course est programmée ces 10 et 11 août prochains pour les hommes et les femmes. Comme un bouquet final, elle vient conclure l’évènement sportif mondial de l’été. Le parcours prévu dessine une boucle depuis l’Hôtel de ville de Paris jusqu’à Versailles, entre grands monuments historiques, parcs et forêts représentatifs de la région parisienne.

P. Pierrick en triathlon à RomeL’esprit de la compétition

“J’ai fait mon meilleur temps à Marrakech, en 3 h 43, en 2016. Pour moi, passer la barre fatidique des 4 h 00, c’est bien ! Je ne cherche plus à relever le défi du chrono, mais à finir la course. Pour gagner ne serait-ce que 2 min, c’est énorme. Cela représente environ 500 m sur les 42 km”, précise le P. Pierrick. La course à pied étant assez traumatisante pour les articulations, le marathonien trouve dans la pratique du triathlon un bon équilibre : une façon de faire du sport plus longtemps, sans abîmer l’organisme et en préservant son capital physique. Au programme : “La natation pour travailler les bras, le vélo pour les cuisses et la course à pied pour les mollets. Le triathlon est linéaire sur le corps entier”, poursuit le curé de Saint-Brieuc. Son premier triathlon se déroule à Quiberon en 2017. Il expérimente là une certaine solidarité au sein de la compétition. Il nage sans reconnaitre, du fait de sa myopie, les bouées jaunes : un triathlète sacrifie sa course pour plonger à côté de lui et lui montrer le parcours ! “La première fois, on ne sait pas si l’on est capable de le faire ! Depuis, mes paroissiens m’ont offert un masque corrigé à ma vue. On m’a prêté un vélo en carbone. Le triathlon demande du matériel. Quand on est au 38e km, on sait qu’on finira. On ressent déjà un bonheur intérieur, une joie. Ma devise, c’est : on n’arrête pas quand on est fatigué. C’est normal de ressentir des coups de fatigue sur la longueur. Mais on doit se donner les moyens d’aller jusqu’au bout”, assure le compétiteur.

Le triathlon présente différentes classifications selon les distances des trois épreuves d’endurance. Le P. Pierrick a déjà concouru sur le plus long format, le XXL ou Ironman, avec la natation sur 3800 m, le cyclisme sur 180 km et le marathon. C’était en 2022 à Hambourg. “Je n’aurais jamais imaginé de ma vie faire un Ironman. C’est incroyable ! On découvre des capacités de son corps insoupçonnées”, partage le triathlète. La course extrême rime aussi avec une année d’efforts et de sacrifices, et un emploi du temps des plus exigeants. Le P. Pierrick suivait le programme clé en main proposé par un coach sportif. Les dernières semaines avant l’évènement, le prêtre pratiquait plus de quatorze heures de sport par semaine. Sa journée commençait alors à 4 h 00 du matin, il préparait ses homélies vers 6 h 30 avant d’aller courir. “J’ai aussi expérimenté que moins on dispose de temps et plus on va à l’essentiel. C’est vrai dans le sport comme dans l’activité pastorale !”, souligne le curé de Saint-Brieuc. Le grand défi relevé, une fois pour toutes, prêtre d’abord, il court aujourd’hui ses propres “triathlons-maisons” de manière à rester en bonne condition physique pour son désormais seul objectif : un marathon annuel. Il retrouve ainsi les origines du triathlon. La discipline était initialement pensée comme une méthode d’entraînement alternative. Elle n’entre au programme olympique qu’à partir de l’an 2000 à Sydney avec un enchaînement de 1 500 m de natation, 40 km à vélo et pour finir 10 km de course à pied. Le même format est retenu pour Paris 2024, auquel s’ajoute une épreuve de relais mixte. “Mon autre triathlon, c’est celui de l’Église : enseigner, célébrer, servir”, sourit le P. Pierrick

Prendre soin de soi

À l’écoute de la nature qui l’entoure, dans ce cadre privilégié des Côtes d’Armor, en bord de mer ou dans des chemins de campagne, la course à pied est d’abord, pour le P. Pierrick, une belle aération de l’esprit. “Avant de partir courir, je lis souvent l’Évangile. Quand je cours, je réfléchis beaucoup, je prie. En rentrant, je peux écrire une homélie d’une traite, avoir une idée nouvelle pour le catéchisme, penser à une personne pour une mission”, continue-t-il. L’enjeu ? Prendre soin de soi, de son corps, de son équilibre de vie. Une pratique bien vue par les paroissiens, nombreux à l’encourager. Et par les habitants de l’ensemble du territoire qui l’arrêtent parfois lorsqu’ils le reconnaissent avec son tee-shirt fluo. Le prêtre évoque l’Évangile de Jean au chapitre 20, où face au tombeau vide, les femmes courent voir les disciples, puis Pierre et Jean courent aussi. “On apprend même que ce dernier court plus vite et arrive en premier ! Cette page de l’Écriture me fait du bien et me fait rire, tout le monde n’arrête pas de courir”, sourit-il.

Au Saint-Brieuc triathlon club, le P. Pierrick apprécie ce lieu où tout le monde se tutoie, où l’on ne distingue plus le chef d’entreprise de l’ouvrier. Il arrive à ceux qui le savent prêtre, de lui partager quelques confidences ou préoccupations. “Quand on rejoint leur milieu de vie, ils en profitent pour poser leurs questions”, souligne le prêtre. Il reste avant tout attentif et discret. Pour le décès du fils d’une maman du club, le P. Pierrick a choisi d’envoyer un message au président du club au sujet de la célébration religieuse. À charge pour lui de le relayer ou non à tous les membres du groupe. Ce qu’il a fait. Le P. Pierrick a été remercié de son attention. Des membres du club n’auraient pas eu l’information autrement.

Rendez-vous au footing paroissial

“La première fois que j’ai rencontré le P. Pierrick, c’était au triathlon du Val André. Je savais qu’un curé de Lamballe y participait et qu’il devait rejoindre prochainement Saint-Brieuc. Je me suis présentée. Le sport crée  assez vite des amitiés”, relate Sophie Piat, professeur de sport retraitée, championne de triathlon, membre de l’équipe de préparation au mariage pour la zone paroissiale de Saint-Brieuc – Ploufragan. Avec son époux Jacques, parfois leur fils et petit-fils, elle rejoint tous les samedis matins le presbytère pour le footing paroissial. Le rendez-vous débute à 8 h 00 avec les prêtres résidents pour la prière des Laudes. À 8 h 30, le groupe s’élance pour une heure de jogging, avant de retourner à la cure, boire un verre d’eau et se disperser. “Je le faisais déjà à Lamballe. Ici des paroissiens me l’ont demandé, tout en craignant de ne pas réussir à me suivre. Mais ce n’est pas une compétition, on s’attend. Le rythme est plus ou moins soutenu selon les participants. Quand on court ensemble, on ne se situe plus sous le même rapport humain. C’est riche”, témoigne le P. Pierrick. Deux confrères prêtres se joignent aux coureurs de temps à autre, quelques jeunes professionnels, des fidèles, etc. Le groupe, d’une petite dizaine de sportifs de tout acabit, s’étoffe avec davantage de jeunes en période de vacances scolaires. L’itinéraire est varié, les boucles pouvant s’allonger autour de la vallée du Gouët et du Bois Boissel. “Le groupe est assez bien parti, mais c’est encore timide. Certains sont rebutés par l’horaire des Laudes. Moi, j’apprécie ce partage de la prière matinale avec les prêtres. En courant, nous discutons ensuite de la vie quotidienne, du sport, de la famille, etc. comme tout groupe de footing”, relève Sophie Piat.

La sportive est particulièrement sensible à la santé des prêtres, qui parfois prennent du poids, faute d’exercice et d’une alimentation équilibrée. Pour contrer la “pastorale des petits fours”, évoquée par son conseiller spirituel des Équipes Notre-Dame, elle propose un remède : des séances de remise en forme. “Le lundi matin, les prêtres sont en principe plus disponibles. Nous nous mettons au bout de la digue de façon à ne pas gêner les promeneurs et je propose des exercices de gym basiques, entre force et souplesse. Nous avons de la chance d’être au bord de la mer”, précise la prof de sport. Deux prêtres viennent régulièrement, parfois quatre, et quelques laïcs se joignent au groupe. Mais ne comptez pas y voir le P. Pierrick : il déteste la gym !

Mes homélies parleront des JO, évidemment !

Les Jeux Olympiques ont été le fil conducteur du catéchisme à Saint-Brieuc et Sophie Piat a été invitée à témoigner auprès des jeunes confirmands du lien entre sport et foi. Sur le bureau du P. Pierrick, elle a trouvé le Documents épiscopat – Église et sport, dont elle a apprécié la lecture et qui l’a aidé à structurer ses idées. Ensuite, elle a proposé aux jeunes de commencer, comme les sportifs avant une compétition : en se concentrant et en prenant un temps de relaxation. “Les jeunes ont vraiment joué le jeu. Je n’ai pas eu besoin de le refaire en fin de séance”, rapporte-elle. Puis elle a retracé sa vie de famille avec ses cinq enfants, son travail, ses entraînements sérieux en vue de résultats, l’importance de l’équipe y compris dans les sports individuels, le goût de l’effort pour se dépasser et fait le parallèle avec sa vie de prière et sa soif de chercher Dieu. “En compétition, quand les transitions sont difficiles entre le vélo et la course à pied, j’ai une pensée pour les personnes handicapées qui n’ont pas la chance de vivre cette expérience. Et puis en courant les longues distances, on ne peut pas être au taquet tout le temps, je rends grâce pour la beauté des paysages, pour les personnes qui nous encouragent”, confie-t-elle. Pour clore l’année pastorale, le bulletin paroissial de l’été sera un numéro spécial Jeux Olympiques, en harmonie avec l’actualité internationale. Sophie Piat évoquera les bienfaits du sport, d’autres articles détailleront certaines disciplines sportives et dans l’édito du P. Pierrick sera aussi nourri de sa lecture du Documents épiscopat, qui circule de mains en mains dans la paroisse. Le curé espère proposer une activité randonnée ou une sortie vélo où tout le monde pourrait participer, mais il cherche des paroissiens pour en porter l’idée. Une chose est sûre, il suivra les JO. Il ponctue : “Je ne serai pas à Paris, je m’y suis pris trop tard, c’est dommage pour l’ambiance. C’est comme les JMJ, on ne peut pas les vivre depuis son canapé ! Mais je regarderai les épreuves, surtout le triathlon, j’ai à cœur tous les sports d’endurance. Les Jeux sont quand même signe de fraternité et de paix. Mes homélies parleront des JO, évidemment !”

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