Augustin, l’enracinement spirituel

le diocèse de Valence et son programme Laudato Si'

À l’heure où il passe le relais à une personne nouvellement appelée comme référente diocésaine à l’écologie intégrale (REI), Augustin Guendouz revient sur la façon dont il a vécu cette mission au service du diocèse de Valence, entre engagement et espérance. Portrait de ce militant écologique de la première heure ‘’réveillé par le pape François et son Laudato Si’ en 2015’. Par Florence de Maistre.

“Ma mission a pris fin début juin 2025. J’étais attaché au service Diaconie et soin, comme cela commence à se faire dans de nombreux diocèses. Blandine de Montmorillon me succède. Elle est naturaliste de formation et elle est capable de nous faire découvrir la gloire de Dieu dans une branche d’amandier ! Elle est déjà connue au sein du réseau national des référents diocésains à l’écologie intégrale”, indique Augustin Guendouz, 69 ans, ancien référent à l’écologie intégrale (REI) pour le diocèse de Valence. Marié depuis 30 ans avec Brigitte, conseillère conjugale et intervenante en éducation affective, relationnelle et sexuelle (EARS), ils ont tous deux cinq enfants et résident à Montélimar. Augustin est à la retraite depuis deux ans. Il exerçait dans le domaine de l’écologie et dirigeait l’association Biovallée. “C’est la seule structure en France dont le conseil d’administration est composé de quatre collèges représentants les habitants, les associations, les entreprises et les collectivités locales. C’est ce qui nous permet de réussir”, lance l’ex-directeur de Biovallée. C’est peu dire qu’homme de conviction, Augustin est aussi clairement homme de liens. Appelé à reprendre la structure moribonde en 2016, il s’attache à fédérer tous ceux que la transition écologique intéresse, à faire connaître les bonnes pratiques, à accueillir des étudiants, etc. “Je bénis le Seigneur avec ces sept dernières années de ma carrière. À Biovallée, tout le monde savait que j’étais chrétien !”, sourit-il. C’est aussi en 2016-2017, que Mgr Pierre-Yves Michel, alors évêque de Valence, le sollicite. Augustin l’accompagne à l’Assemblée plénière à Lourdes par trois fois. L’évêque soutient ses intuitions. De leur collaboration naît une belle amitié.

S’engager intégralement

Augustin s’engage dans l’écologie en 1993 et milite notamment avec Génération écologie, avant que le parti ne s’associe aux Verts et qu’il s’y sente mal à l’aise en tant que chrétien. Il y rencontre Didier Jouve, alors vice-président de la région Rhône-Alpes. Le 21 juillet 2015 en la fête de sainte Brigitte, il offre à son épouse l’encyclique Laudato si’, qu’il n’a pas encore lue, mais dont il a entendu parler. Il reçoit dans la foulée un appel téléphonique de Didier. “Il n’était pas chrétien et il est décédé depuis. Il terminait tout juste sa lecture de l’encyclique et il n’en revenait pas ! Ses mots étaient à peu près : te rends-tu compte ? Le Pape a su dire ce que nous, militants, n’arrivons pas à formuler. Il parle de maison commune, il associe les crises sociales et environnementales ! Voilà comment j’ai moi-même basculé vers l’écologie intégrale. L’encyclique est vraiment venue nous réveiller et nous mettre en route”, rapporte Augustin. À ce moment-là, il travaillait pour la région et c’est Didier qui a insisté pour qu’il rejoigne Biovallée. Après discernement en couple, Augustin choisit l’aventure. Il redynamise l’association, embauche sept personnes. Un problème interpersonnel le pousse dans ses retranchements. “J’avais cru que c’était mon lieu de mission. J’ai crié vers Dieu et j’ai à nouveau eu la certitude d’être à ma place. Un nouveau président est arrivé et nous avons travaillé dans des conditions extraordinaires. L’écologie intégrale peut aussi se vivre en dehors de l’Église”, témoigne l’ancien directeur. Le jour de son départ en retraite, son portrait est ainsi brossé : honnêteté, confiance, soutien et même communion.

Du côté du diocèse, l’évêque lui demande d’être le référent diocésain pour le label Église verte, pour l’écologie intégrale et d’être animateur de l’observatoire des réalités écologiques. Une dizaine de personnes forment ce conseil autour de l’évêque afin de nourrir sa réflexion : rencontres avec des agriculteurs, travail sur la question de l’eau, etc. Avec cette triple mission, Augustin essaie de trouver un équilibre. Il participe à l’émergence de seize entités labellisées Église Verte dans le diocèse. Il s’étonne : ces groupes parlent d’écologie comme les écolos. S’ils mènent des actions certes vertueuses, ramassent les déchets, etc., rien ne les différencie des citoyens sensibilisés à la protection de la planète. “J’ai partagé régulièrement mon propre engagement, semé de longue date et profondément renouvelé à la lecture de l’encyclique. Le soin de la Création ne peut pas être qu’environnemental, il nous faut aussi répondre à la clameur des pauvres”, explique-t-il. Et d’évoquer son expérience à Biovallée : “l’engagement des salariés, des bénévoles et des adhérents est holistique : il change leurs façons de vivre. Certains ont beaucoup d’avance sur moi. Ils ne mangent plus de viande, ont démonté leur climatisation et trouvé des moyens plus sobres pour se rafraîchir. D’autres réutilisent l’eau des douches pour les toilettes, etc.” 

Approfondir

En 2019, le REI rassemble tous ceux qui s’intéressent au label Église Verte. Une centaine de personnes sont présentes. Le P. Éric Lorinet et Mgr Michel y partagent de façon spontanée leur conversion écologique qui est d’abord une conversion au Christ ! Puis, Augustin imagine assez rapidement une formation dédiée aux chrétiens du diocèse en s’appuyant sur des intervenants qualifiés comme le théologien Fabien Revol. Avec le feu vert de son évêque, ce rêve s’appelle désormais Campus Laudato si’ : se laisser transformer pour transformer le monde. La formation d’un an se déroule sur quatre week-end, selon les quatre axes déployés dans l’encyclique : la relation à soi, aux autres, à la Création et au Créateur. Chaque session débute le vendredi à 18 h 30 et se termine le samedi à 17 h. “Il est bon que les participants passent une nuit sur place, cela crée d’autres liens”, relève Augustin. La première édition se tient en 2021 à Allex chez les Spiritains qui ont fait de leur maison d’accueil un éco-lieu. La quatrième édition du Campus Laudato si’ vient tout juste de s’achever. Comme chaque année, elle a rassemblé vingt-cinq personnes d’une moyenne d’âge de 60 ans. La formule fait florès, elle est aujourd’hui déclinée dans plusieurs diocèses.

En même temps qu’il lance le Campus, Augustin accède à la demande de son évêque qui aspire à recevoir chez lui des personnes de la société civile pour un partage de réflexion. Augustin écrit aux élus et aux responsables d’associations. Il anime ces tables rondes une fois par trimestre sur différents thèmes. Celui du logement a permis d’évoquer l’habitat partagé de façon intergénérationnelle, les ehpad, les colocations solidaires, etc. “Nous avons vécu des moments forts, les conversations se poursuivant autour d’un apéritif convivial. La tolérance des quinze personnes en période de Covid, nous a permis de continuer à réunir quelques intervenants et auditeurs”, souligne l’organisateur des rencontres.

Membres du Campus laudato si' à Valence

Créer des liens

Précision utile, la vallée de la Drôme est pionnière en tout ce qui concerne le bio. Il y règne un climat très particulier. Si le terreau est bien propice au succès du Campus Laudato si’, les témoignages évoquent encore une autre dimension. “Le Campus est une très belle aventure : des vies sont transformées. Deux dames m’ont confié avoir retrouvé leur relation avec Dieu ! Un homme d’une quarantaine d’années, pas vraiment pratiquant, animateur du réseau d’artistes SIllon est aussi venu à une session. Il a finalement participé à tout le Campus”, révèle l’initiateur de la démarche. Oui, le Campus est ouvert à tous. Oui, les laudes sont priées et la messe célébrée : c’est important. Mais la présence de tous les inscrits n’y est pas vérifiée. À la fin de la dernière session, ce participant atypique et enthousiaste souhaite échanger encore avec Augustin. Il lui raconte comment le Campus l’a bousculé et fait évoluer. Il lui partage son souhait d’organiser une conférence pour son réseau. Fabien Revol et le P. Olric de Gélis, alors co-directeur de la chaire Laudato si’ du Collège des Bernardins répondent présents à Bonlieu, près Montélimar le 31 octobre 2023, aux côtés d’une philosophe invitée par l’artiste. Dans des locaux paroissiaux, l’assistance compte peu de paroissiens mais une centaine de personnes d’horizons très divers. La conférence dure jusqu’à une heure avancée. La philosophe non-chrétienne apparaît en décalage. À l’issue, elle sollicite un rendez-vous avec le P. de Gélis pour aller plus loin. “Ce monsieur amène ses collègues à entendre parler d’Évangile à travers l’écologie intégrale. Même une philosophe sûre d’elle souhaite rencontrer un prêtre. Le Campus compte beaucoup d’histoires de ce genre. Quand on vient, cela nous renvoie à nos engagements”, s’exclame Augustin.

Plusieurs membres du réseau national des référents à l’écologie intégrale sont venus suivre le Campus à Allex. Un bouillonnement est bel et bien perceptible. Lors de la rencontre nationale des REI il y a deux ans à l’écocentre spirituel du Châtelard, Augustin anime avec Fabien un atelier à deux voix pour tous ceux qui envisagent de créer un Campus. Des initiatives naissent aux quatre coins du pays. Celle du diocèse d’Albi a été lancée au sein de l’abbaye bénédictine d’En Calcat. Au Nord, Lille, Arras et Cambrai ont ouvert à leur tour, ensemble, leur Campus en septembre dernier. Le Campus Laudato si’ 77 a débuté en janvier à Meaux. Les diocèses de Verdun, Nancy et Metz ont accueilli plus d’une trentaine de personnes lors de leur première session en mars, en présence de Mgr Michel, évêque de Nancy. En partenariat avec la commission écologie intégrale et la formation permanente des laïcs du diocèse de Cahors, Fabien Revol propose également une formule du Campus au sein du centre Hélène et Jean Bastaire (CHJB). L’Université Catholique de Lille et les Facultés Loyola Paris, en lien avec le CHJB, l’écocentre spirituel du Châtelard et le tiers-lieu de l’Esvière (Fondacio) ont même ouvert un cursus diplômant. “La suite de cette fameuse rencontre nationale a été très féconde ! Nous proposons une petite valise pratique à tous les porteurs de projet de Campus avec ces deux consignes : respecter les temps de prière et de messe, choisir des intervenants croyants. J’ajoute ma petite marotte : préférer parler d’enracinement spirituel plutôt que de développement personnel. C’est tout ce dont nous avons besoin”, assure le militant de l’écologie intégrale.

À l’instar de l’encyclique nous leur rappelons qu’il n’y pas d’écologie intégrale ni d’équilibre possible sans les quatre relations, dont celle au Créateur…

Demeurer à l’écoute

Depuis la publication de l’encyclique Laudato si’, il y a 10 ans, Augustin retient surtout un enthousiasme. Il se réjouit de savoir que les responsables de la vallée de la Drôme connaissent très bien le texte du Pape, bien mieux que certains chrétiens. D’ailleurs, avec le développement du Campus et son animation du label Église verte, les réseaux écologistes se sont rapprochés de lui. “C’est impressionnant la soif de spiritualité qu’ils ont ! Nous nous sommes déjà rencontrés trois fois avec l’appui du CCFD-Terre Solidaire et du Secours catholique : il s’agit de réunir la clameur des pauvres et la clameur de la terre. À l’instar de l’encyclique nous leur rappelons qu’il n’y pas d’écologie intégrale ni d’équilibre possible sans les quatre relations, dont celle au Créateur… il y a parfois des silences”, relate-t-il. Et il n’en reste pas là. Il y a peu de temps, Augustin lit sur un site de réseau social professionnel le post d’un industriel drômois, responsable de la plus grande recyclerie automobile d’Europe. Un message plein de découragement et de désarroi au regard du contexte sociopolitique actuel, mais un message dans lequel l’entrepreneur invite à puiser dans Laudato si’ un “petit coup de boost”. “J’ai appelé Mgr François Durand, évêque de Valence, il m’a semblé qu’on ne pouvait rester sourd à ce partage. Ils se rencontreront prochainement”, indique Augustin l’entremetteur. Il ponctue : “L’enthousiasme de Laudato si’ perdure dans la société, quand l’Église, elle, mesure encore mal la portée de l’encyclique. Des non-croyants s’en emparent et en font un objet d’espérance.

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