Sœur Hélène avec toute la Création

Au service du diocèse de Séez depuis sept ans, Hélène Versavel, sœur de Saint François d’Assise, est responsable de la commission de Laudato si’. Elle s’attache, entre patience et obstination, à faire progresser les prises de conscience. Portrait. Par Florence de Maistre.
“La commission de Laudato si’ est maintenant membre de la diaconie diocésaine. Ce grand rapprochement est fondamental pour pouvoir répondre aux deux clameurs : celle de Terre et celle des pauvres. Il s’agit de se les approprier pleinement et de tenir compte de la dimension sociale de la crise écologique. Dans la commission, une personne est particulièrement investie au CCFD-Terre solidaire : elle nous rappelle régulièrement cet aspect important en France et à l’international”, indique soeur Hélène Versavel, soeur de saint François d’Assise, 52 ans, co-référente à l’écologie intégrale avec le frère missionnaire des campagnes Emmanuel Derkenne pour le diocèse de Séez.
Titulaire d’une maîtrise d’allemand et du diplôme de documentaliste, Hélène entre chez les sœurs de saint François d’Assise en 2013, après avoir travaillé pendant dix ans au Secours catholique. Dès sa sortie du noviciat, elle rejoint à nouveau le service des pauvres en œuvrant auprès de la Caritas d’Alsace. Ornithologue de passion, elle aime les oiseaux et avec eux leurs milieux de vie. “Les voir disparaître est très compliqué à supporter pour moi. Heureusement la spiritualité de saint François m’aide beaucoup. Laudato si’ a été le livre de mes vacances de l’été 2015. Sa lecture a été très forte”, confie la religieuse. Entre amour du vivant et liens développés avec la diaconie, sœur Hélène expérimente naturellement les fondements de l’encyclique du pape François sur la question de l’environnement qui fait partie désormais de la doctrine sociale de l’Église. La religieuse arrive en 2018 dans le diocèse de l’Orne d’abord au service de la visite pastorale en monde rural de Mgr Jacques Habert, alors évêque de Séez. Une mission couplée avec celle de porter la préservation de la maison commune. Elle relève alors “une belle dynamique qui frémit doucement”.
S’appuyer sur un réseau
Depuis, elle poursuit ce rôle-là à mi-temps avec une commission composée de sept personnes, qui travaillent aux moyens de rendre visible les enjeux de l’écologie intégrale. En octobre dernier, sa congrégation l’envoie vivre au sein de la fraternité des neuf sœurs de Fontenay-sous-Bois dans le Val-de-Marne. “Je navigue actuellement beaucoup en train et je recherche un successeur. Le frère Emmanuel est aussi moins disponible depuis qu’il a été élu au conseil de sa congrégation. La commission a besoin de quelqu’un qui porte les projets sur le long terme”, souligne sœur Hélène. Attentive aux évènements du monde, la religieuse note des intérêts croissants pour la cause écologique quand son équipe, elle, peine à se faire entendre. “Heureusement, le réseau des référents diocésains à l’écologie intégrale est un bon soutien”, assure-t-elle.
Initié sous l’impulsion d’Elena Lasida alors chargée de mission Écologie et société dès 2016, ce réseau prend une nouvelle dimension à la suite des assemblées plénières des évêques consacrées à Laudato si’ entre 2019 et 2022. “Nous sommes passés de quelques personnes à une soixantaine d’acteurs. Aujourd’hui, peu de diocèses restent sans référent à l’écologie intégrale. Nous nous réunissons tous les mois en visio autour d’un temps de partage, d’un apport spécifique, d’une discussion à bâton rompu, selon les besoins des uns et des autres. Nous nous rencontrons aussi chaque année fin janvier soit à Paris, soit en région. L’an dernier, nous nous sommes retrouvés à l’écocentre spirituel du Châtelard près de Lyon. C’était une belle expérience ! Alors que nous n’avions pas de référent national, nous avons vu la force du réseau : nous ne lâchons rien ! C’est un bon réseau, un beau lieu”, partage sœur Hélène. Cette année, un des groupes de travail un a été chargé de redéfinir l’écologie intégrale en rendant mieux compte de sa dimension spirituelle. Ce qui a été retenu ? “L’écologie intégrale est un art de vivre qui nous invite à nourrir des relations justes et harmonieuses avec les autres, avec Dieu, avec le monde créé et nous-même, pour redécouvrir que cela est bon”.
Être force de propositions
Au quotidien, sœur Hélène lit et compulse de nombreux ouvrages. La commission Laudato si’ réalise actuellement un document-cible, de façon à répertorier tout ce qu’elle est en capacité de proposer aux niveaux paroissial et diocésain. Ces derniers temps, avec la restructuration du diocèse et la réorganisation des paroisses, ses interlocuteurs lui répondent invariablement d’attendre. “Que devient l’écologie intégrale dans ces transformations ? Nous nous sentons souvent comme les oubliés du changement, alors que nous devrions y être cœur. Comment rebondir et manifester l’importance de cette conversion écologique”, interroge la référente diocésaine. Chaque année, elle anime un temps fort à l’occasion du Temps de la Création (septembre). Avec le dixième anniversaire de l’encyclique Laudato si’, elle envisage d’en proposer un deuxième en participant à la grande fête des plantes et du terroir qui se tient chaque année fin mai à Sées. L’idée est à affiner.
Les principales propositions de la commission de Laudato si’ ? Les balades écospirituelles ! “Elles n’attirent pas les foules, mais elles permettent de vivre un moment fort. Les participants découvrent un lieu avec un intervenant sur la faune, la flore et le paysage. Le curé de la paroisse, où la balade se déroule, initie les liens avec la notion de conversion écologique”, explique sœur Hélène. Déclinées dans les différentes paroisses, elles sont souvent suivies d’un temps de convivialité et d’un temps de partage ou de réflexion. Il y a deux ans, la projection du film documentaire “Les gardiens du climat”, réalisé en 2021 par Erik Fretel, un Alençonnais, avait été proposée. Il présente les initiatives au quotidien d’acteurs locaux et leur volonté farouche de venir en aide à la planète dans une approche pleine d’humour. D’autres projections suivies d’échanges rassemblent également un petit public, notamment autour de La lettre. Ce documentaire porté par le Mouvement Laudato si’, a été réalisé en 2022 en partenariat avec Off the Fence et YouTube Originals, et en collaboration avec le Vatican. Il évoque le message de la lettre encyclique Laudato si’, à travers l’histoire de personnes de différents continents, dans un dialogue exclusif avec le pape François.
Par ailleurs, plusieurs membres de la commission sont aussi formés à l’animation des fresques du climat. Tout en s’appuyant sur les données scientifiques, ces ateliers proposent une démarche ludique et coopérative pour s’approprier les enjeux des changements climatiques, et mobilisent les participants pour agir. Il y a aussi cette exposition de Yann Arthus-Bertrand acquise par une paroisse, dont l’équipe pourrait davantage se saisir et la faire vivre dans le diocèse. “Nous ne touchons pas un grand nombre de personnes, mais celles qui participent à nos actions partagent de bons moments de qualité. La crise du Covid et le changement d’évêque a freiné la dynamique de la mission dans le monde rural. Nous avançons très doucement”, commente sœur Hélène. Elle tient aussi fidèlement une chronique dans le mensuel Église dans l’Orne, mais se désole un peu de n’en recevoir aucun retour.
Prier pour la Terre
Le diocèse compte tout de même quelques équipes labellisées Église verte, le label des communautés chrétiennes engagées pour le soin de la Création. Une rencontre est prévue fin avril. Soeur Hélène souhaite y intégrer les nouvelles grandes paroisses. En octobre dernier, une réunion des groupes Église verte, en présence de Juliette Maupas, chargée pour le label du suivi des communautés du quart Nord-Ouest de la France, a été menée de façon à réfléchir avec les paroisses agrandies à la sensibilisation des nouveaux curés. “Nous sommes dans l’accompagnement. Tout un travail est à mener”, lance la référente diocésaine. Elle appelle de ses vœux les laïcs qui pourraient oser se saisir de la question écologique sans attendre que l’impulsion vienne du côté de leur curé. Depuis septembre 2023, sœur Hélène travaille aussi un jour par semaine pour Église verte, où elle est chargée du suivi et du soutien des congrégations apostoliques dans leurs démarches. Le projet “The Week”, en phase test, la mobilise actuellement. “Nous étudions une sorte de déclinaison chrétienne de ce programme en trois rencontres à partir de vidéos interpellantes pour prendre conscience de l’état des lieux de l’environnement et du climat et soulever des idées d’actions”, explique-t-elle.
Pour sœur Hélène, “nous sommes tous frères et sœurs dans la Création, tous issus du même Père. Le partage de la Création, offerte et donnée, est très important pour moi. C’est fondamental ! C’est mon moteur, ce qui me fait bouger”. Elle aborde le sujet par les questions de la biodiversité, essaie de dire les urgences, en évitant de faire la morale ou de donner des leçons. Néanmoins les données fusent. “Nous avons dépassé six des neufs limites de notre planète, nous sommes complètement en train de dérégler la vie donnée. La première urgence ? Répondre aux clameurs de la Terre et des pauvres. Ensuite ? S’intéresser à la crise de la biodiversité. La disparition des hirondelles est monstrueuse. L’observation des grands vols de limicoles dans le Golfe du Morbihan est tellement réduite. On peut marcher pendant deux heures sans rien voir ! Aujourd’hui, la biomasse au niveau des mammifères se répartit ainsi : 4 % pour la faune sauvage et 96 % pour l’homme et les animaux d’élevage. Que fait-on du vivant qui nous est confié ?”, martèle l’ornithologue passionnée. Elle l’assure, elle ne lâchera rien. Elle se confie en méditant la prière pour notre terre, écrite à la fin de la lettre Laudato si’ au moins deux fois par jour et sourit : “je la connais par coeur”.
Prière pour notre terre, par le pape François, Laudato si’ (2015)
Dieu Tout-Puissant
qui es présent dans tout l’univers
et dans la plus petite de tes créatures,
Toi qui entoures de ta tendresse tout ce qui existe,
répands sur nous la force de ton amour pour que nous protégions la vie et la beauté.Inonde-nous de paix, pour que nous vivions comme frères et sœurs
sans causer de dommages à personne.Ô Dieu des pauvres,
aide-nous à secourir les abandonnés
et les oubliés de cette terre qui valent tant à tes yeux.Guéris nos vies,
pour que nous soyons des protecteurs du monde
et non des prédateurs,
pour que nous semions la beauté et non la pollution ni la destruction.Touche les cœurs
de ceux qui cherchent seulement des profits aux dépens de la terre et des pauvres.Apprends-nous à découvrir la valeur de chaque chose, à contempler, émerveillés,
à reconnaître que nous sommes profondément unis
à toutes les créatures sur notre chemin vers ta lumière infinie.Merci parce que tu es avec nous tous les jours.
Soutiens-nous, nous t’en prions, dans notre lutte pour la justice, l’amour et la paix.
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