Walter Kasper, La joie des chrétiens
Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du mercredi 25 janvier 2020 sur l’ouvrage : Walter Kasper : « La joie des chrétiens ».
Walter Kasper commence par répondre à l’interrogation suivante : d’où vient parfois dans notre vie spirituelle la lassitude, l’épuisement, l’apathie, la tiédeur, la tristesse, le manque de zèle, d’énergie et d’élan ? Pour les Pères du désert, un mot résume ces sentiments : acédie. Ce mot vient grec akedia, dérivé de l’adjectif a-kêdos et signifie manque de soin, indifférence, paresse. C’est le contraire de la joie qui dilate le cœur.
Le manque de joie est sans doute la caractéristique de la mentalité de l’époque moderne. Les causes sont multiples mais la principale est l’évolution rapide qui a eu lieu dans tous les domaines de la société et de la
culture. Les bouleversements sont tels qu’ils engendrent insécurité et angoisse chez beaucoup. Le rythme effréné de la modernisation, la mondialisation, les dangers de l’énergie atomique, les manipulations biogénétiques, la pollution de la terre, de l’eau et des moyens de subsistance, le réchauffement climatique, le phénomène de l’immigration au niveau mondial, le terrorisme international, tout cela est à l’origine de l’angoisse au cœur de l’homme.
Le vide spirituel est également un problème pour l’Église d’aujourd’hui, pour les prêtres et les religieux mais aussi pour de nombreux chrétiens exaspérés par certains événements ou certains manquements de l’Église qu’ils ont du mal à supporter. D’où vient que beaucoup de gens ont l’image d’une Église ennuyeuse, peu crédible et hypocrite ?
Pour saint Thomas d’Aquin (1225-1274), l’acédie s’oppose fondamentalement et clairement au commandement d’aimer Dieu « de tout son coeur, de toute son âme et de tous ses moyens » (Mt 22, 37). À force de négliger les biens spirituels (prière, vie sacramentelle), on tombe dans la torpeur, le cœur se ferme et c’est la fuite dans le bavardage, l’agitation intérieure et extérieure, l’instabilité, le passe-temps. Celui qui n’a pas d’ancrage ni d’orientation claire se laisser porter par les événements et s’en va à la dérive. Il faut donc écouter le conseil du psalmiste : « Servez le Seigneur dans la joie ! ». Il faut se redire souvent que Dieu seul tient le monde avec son histoire dans ses mains et il est entre de bonnes mains.
L’histoire d’Abraham et de Sarah montrent qu’il y a toujours une lueur d’espoir, même au cœur de la nuit et de l’obscurité de l’histoire. Le rire de Sarah est peut-être un rire de sceptique mais c’est sans doute aussi
un humour qui permet d’affronter le monde de manière légère. Sarah rit de joie, de la joie de la foi, parce qu’avec Dieu rien n’est impossible (Gn 18, 11-14).
Le pape Jean XXIII a ouvert le concile Vatican II par un discours prophétique. Ce discours commençait par ses mots : Gaudet mater Ecclesia, notre sainte Mère l’Église est dans la joie. Le concile a choisi de rassembler les semences de vérité qui sont présentes dans le monde et promettent de porter de beaux fruits : la liberté de religion, l’ouverture oecuménique aux autres Églises chrétiennes, l’ouverture aux religions non chrétiennes, etc.
Le concile a reconnu et encouragé les mouvements positifs existant dans l’Église : le mouvement liturgique et biblique, les mouvements pastoraux et missionnaires. Dans son livre La joie des chrétiens, Walter Kasper, fait un joli commentaire du passage de l’évangile de Jean dans lequel Pierre répond à Jésus : « Seigneur à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 67). Pierre attire l’attention sur Jésus et il pose la question : « Où trouverons-nous des paroles de vie comme celles-ci ? » Il est question ici du sens profond de la vie avec ces questions existentielles : d’où venons-nous ? Où allons-nous ? Pourquoi vivons-nous ? Et dans quel but ? Jésus répond à ces questions en disant : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6).
Dans notre vie se mêlent joie et tristesse. Saint Paul le souligne : « Nous sommes affligés de toute part, mais non angoissés ; ne sachant qu’espérer, mais non désespérés ; persécutés, mais non abandonnés ; terrassés, mais non annihilés » (2 Co 4, 11). On trouve aussi ce paradoxe en saint Jean : dans son discours d’adieu, Jésus déclare : « Vous êtes maintenant dans l’affliction, mais je vous verrai à nouveau, votre coeur se réjouira et cette joie nul ne la ravira » (Jn 16, 22). Le Christ vit dans la certitude que, à la fin, toute larme sera essuyée des yeux (Is 25, 8 ; Ap 7, 17 et 21, 4).
À qui irions-nous ? Il s’agit de mettre toute sa confiance en Dieu qui est fidèle. Dans la liturgie, le mot Amen par lequel nous exprimons notre accord vient d’un verbe hébreu qui signifie « tenir bon », « être fiable ». Croire veut donc dire : s’appuyer sur Dieu, être ancré en lui, lui faire confiance ainsi qu’à sa parole, s’en remettre totalement à lui, lui garder une fidélité absolue et rester attaché à sa parole.
C’est pourquoi, il n’est pas question d’être inconstant, mais il faut tenir ferme jusqu’à la fin en gardant la confiance que nous avions au début. « Celui qui croit ne chancelle pas » (Is 28, 16). Croire, c’est faire comme Abraham : se mette en route, ne pas rester figé, immobile.
Croire, c’est faire comme Moïse prendre le chemin de l’exode, tout en gardant les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de tout. « Seigneur à qui irions-nous ? » Nous sommes en chemin. Nous n’aurons jamais fini de croire, nous devons toujours grandir et progresser dans l’amour, revenir sans cesse à Dieu et aller à sa rencontre sur les chemins de notre vie.
Dans le discours d’adieu de l’évangile de Jean, Jésus fait comprendre à ses disciples que le chemin ne sera pas facile et passera par des crises. Il parle des tentations, des persécutions, des divisions et des épreuves qui attendent les disciples.
Dans le contexte actuel de l’Église et du monde, le livre du Cardinal Kasper est nourrissant pour la vie spirituelle. Les développements sur la prière (p. 175-189), « l’amitié des amis de Dieu » (p. 197) et sur l’hospitalité (189-198) viennent compléter cette belle méditation sur la joie.
+ Hubert Herbreteau