Qu’est-ce que l’aumônerie catholique des prisons ?
L’aumônerie catholique des prisons est le service de culte envoyé en mission par l’Église auprès des personnes incarcérées. Cette mission s’exerce en articulation avec les orientations pastorales des évêques pour leur diocèse. Elle intervient dans un lieu très spécifique : un établissement pénitentiaire, institution laïque et républicaine. Envoyés en mission en équipe par l’Église catholique, les 760 aumôniers catholiques sont présents dans 190 établissements pénitentiaires du territoire français.
Comment est organisée l’aumônerie catholique des prisons en France ?
L’aumônerie catholique des prisons est organisée en neuf régions pour correspondre aux réalités de la carte pénitentiaire en France. Dans chaque région, il y a un responsable régional et un régional adjoint. L’ensemble des régionaux et des adjoints forment le conseil national autour de l’aumônier général. En juin 2024, l’aumônerie catholique comptait 760 aumôniers.
Quelle est la mission des aumôniers de prison ?
L’équipe d’aumônerie de prison est composée de baptisés envoyés par l’Église au service des personnes détenues. Ils manifestent le souci des communautés chrétiennes d’une attention aux exclus et aux pauvres. Cette équipe partage la charge pastorale confiée. Ce service d’Église s’effectue à travers différentes tâches et responsabilités. En général, cette charge est signifiée par une lettre de mission d’un évêque. Les membres des équipes associées coopèrent à la même mission à de divers degrés. Prêtres, diacres, laïcs, religieux et religieuses sont les signes auprès des personnes détenues de la présence de l’Église.
Quel cadre réglementaire pour les aumôniers de prison ?
Les aumôniers ont des statuts différents selon les fonctions qu’ils assument, fonctions qui sont reconnues par le code pénal. Le cadre d’intervention des membres agréés de l’aumônerie est défini par l’article D.439 du Code de procédure pénale. D’après celui-ci, pour satisfaire aux exigences de la vie religieuse, morales et spirituelles des personnes détenues, on distingue :
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- L’aumônier, qui a pour mission de célébrer les offices religieux et d’administrer les sacrements. Il peut s’entretenir aussi souvent qu’il l’estime utile avec les détenus de son culte. Le mandat d’un aumônier de prison est de six ans, renouvelable une fois.
- L’auxiliaire bénévole d’aumônerie, qui anime des groupes de personnes détenues en vue de la réflexion, de la prière et de l’étude. Il n’est pas autorisé à avoir des entretiens individuels avec les personnes détenues. Ce sont ces groupes de chrétiens en détention qui fondent l’Église derrière les barreaux. Le mandat de l’auxiliaire bénévole est de deux ans, renouvelable cinq fois.
L’aumônerie des prisons a la particularité d’être à la fois inscrite dans le cadre de l’Église de France selon les règles qui président aux nominations et envois en mission par les évêques, et dans le cadre règlementaire d’une aumônerie pénitentiaire selon lequel la seule autorité religieuse reconnue par l’administration pénitentiaire pour le fonctionnement de l’aumônerie est l’aumônier national qui engage sa responsabilité pour les demandes d’agrément des aumôniers (lui-même étant nommé par l’autorité religieuse reconnue officiellement comme interlocuteur par l’État, en l’occurrence la Conférence des évêques de France pour le culte catholique).
Comment devient-on aumônier de prison ?
Avant d’intégrer le parcours de formation, un entretien avec l’aumônier régional aide à mettre en évidence les motivations du candidat et à définir les exigences de la mission. Un certain nombre de points méritent attention : l’équilibre personnel (connaissance de soi et équilibre affectif), la conscience des répercussions sur l’entourage et sur soi-même, la disponibilité pour un engagement à durée déterminée, les exigences de fidélité, de régularité et de formation, la nécessaire discrétion, la capacité à travailler avec d’autres, en équipe, la participation à la vie de l’Église et l’ouverture à d’autres sensibilités et pratiques sociales et chrétiennes…
1 - La recherche d’un candidat
La recherche d’un candidat à la fonction d’aumônier ou d’auxiliaire est à mener en équipe avec le référent diocésain (évêque, vicaire général ou vicaire épiscopal chargé de l’aumônerie des prisons), en équipe de pastorale diocésaine des prisons, quand elle existe, et toujours en lien avec l’aumônier régional à qui il revient de donner l’avis favorable.
2 - La constitution du dossier de candidature
Le dossier complet est envoyé à l’aumônier régional qui communique à la direction régionale la partie administrative avec l’acte de nomination par l’évêque, sous couvert du chef d’établissement concerné.
3 - En stage !
Un stage est effectué pendant une période de deux à six mois sous la responsabilité d’un des membres agréés de l’équipe (il peut éventuellement se dérouler dans un autre établissement) et ses modalités sont déterminées en accord avec l’administration pénitentiaire. Au terme de cette période de discernement, une rencontre – bilan entre l’intéressé(e), le responsable de l’équipe, le référent diocésain et l’aumônier régional – permet de donner suite, favorable ou non, à la candidature.
4 - La lettre de mission
Selon la pratique locale, l’évêque octroie au nouveau membre agréé de l’équipe une lettre de mission.
5 - La formation de l'aumonier de prison
Faire partie de l’aumônerie des prisons appelle une formation pastorale solide et permanente à l’approche des personnes détenues, à leur écoute, en même temps qu’une connaissance des règles du monde carcéral et des procédures judiciaires. Outre les formations collectives et individuelles propres à l’aumônerie des prisons, les aumôniers et auxiliaires agréés sont invités à participer à certaines des formations multicatégorielles proposées par l’administration pénitentiaire régionale. Il importe aussi qu’ils bénéficient des formations organisées pour les agents pastoraux dans leur diocèse sur les plans théologiques et pastoraux.
L’histoire de l’aumônerie des prisons, des origines à nos jours
Des débuts à Monsieur Vincent
Epoque Constantinienne (IVe siècle)
L’Eglise connaît la paix et accède au pouvoir ; elle va se soucier de tous les prisonniers et obtenir même le droit d’asile pour les fugitifs (419), la libération des prisonniers le jour de Pâques ou pour l’intronisation d’un évêque, voir pour les besoins de certaines processions
XIIe siècle
Quand l’Eglise institua ses propres prisons (12e siècle), il y eut alors deux types de prisons : celles relevant du Seigneur ou du Roi, dont les conditions d’existence étaient abominables et celles relevant de l’Eglise et réservées aux tonsurés où le régime était plus humain et dont la peine de mort était bannie.
XVIIe siècle
Le 6 février 1619 Monsieur Vincent est nommé aumônier réal des galères par Louis XIII : « c’est ayant compassion desdits forçats et désirant qu’ils profitent spirituellement de leurs peines corporelles ». Par cette nomination, une aumônerie officielle s’étoffe, se structure et le rôle des aumôniers se précise : être autant attentifs aux besoins matériels que spirituels des prisonniers.
« Les pauvres ne sont-ils pas les membres affligés de Notre Seigneur ? Ne sont-ils pas nos frères ? si les prêtres les abandonnent, qui voulez-vous qui les assiste ? De sorte que s’il s’en trouve parmi vous qui pensent qu’ils sont à la mission pour évangéliser les pauvres et non pour les soulager, pour remédier à leurs besoins spirituels et non temporels, je réponds que nous les devons assister en toutes manières ».
Servant les pauvres, on sert Jésus-Christ. O que cela est vrai ! Vous servez Jésus-Christ en la personne des pauvres. Et cela est aussi vrai que nous sommes ici
Au XVIIIe siècle, son action est réduite au culte
Lorsqu’en 1748 les geôles sont remplacées par les bagnes (bateaux amarrés au large de certains ports), l’Eglise y sera présente, soit en la personne des aumôniers, soit par celle des curés des paroisses avoisinantes.
Le siècle des Lumières ouvre une ère nouvelle, des criminalistes, tel Beccaria, vont s’inspirer de philosophes et des encyclopédistes pour réformer autant la conception de la peine que son exécution.
La Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (1791) ouvre à l’humanisation de la peine et de son exécution (le 31 mai 1791, la Constituante supprime la torture et adopte la guillotine). Les châtiments corporels sont remplacés par la prison qui est alors conçue comme une peine dont le but est d’amender le coupable, cela à l’exemple d’expériences chrétiennes Outre-Atlantique et de certains monastères : c’est la prison qui devient peine et peine principale, en remplacement des châtiments corporels. Mais elle est, elle aussi châtiment et elle n’est en fait que châtiment.
Mais que ce soit sous la Convention ou l’Empire, bien vite le sécuritaire l’emportera sur les droits des individus et leur amendement. La place des aumôniers se réduira alors à la célébration du culte le dimanche et les jours de fêtes.
Au XIXe siècle : statut officiel de l'aumônerie
Avec la Restauration (1816 – 1830), l’Eglise reprend pied dans la Société et la religion apparaît comme essentielle dans l’amendement des coupables. L’aumônier prend une très grande place dans les prisons ; le 25 décembre 1819, les aumôniers reçoivent un statut officiel, des commissions charitables administratives sont créées ; « Bien rétribué, il est entouré d’égards qui marquent encore plus son rang au-dessus de tous les employés ». On s’inspire des établissements anglais et américains, ainsi de ce qu’en disent de nombreux exilés revenus en France pour concevoir de nouveaux régimes d’incarcération. Des sociétés sont fondées pour visiter les prisonniers.
Compte-rendu de la réunion de l’Inspection Générale des prisons du 12 avril 1841 concernant le « projet d’institution d’une aumônerie générale pour les prisons » : « considérant que dans l’intérêt du service moral et religieux des prisons, il importe que les emplois d’aumôniers soient confiés à des prêtres éclairés, dévoués et déterminés à les accepter par esprit de charité et par vocation….. est d’avis….que le personnel de l’aumônerie soit composé d’un évêque qui porterait le titre de grand aumônier et de trois ou quatre ecclésiastiques placés sous ses ordres… Que la nomination du grand aumônier soit faite par ordonnance royale. Qu’enfin les ecclésiastiques attachés à l’aumônerie soient nommés par le grand aumônier et agréés par le ministère.
En 1841, des religieuses regroupées dans la congrégation des sœurs de Marie-Joseph et de la Miséricorde remplacent progressivement les surveillantes laïques dans de nombreux établissements.
Cette expansion du religieux dans les prisons suscitera bien des critiques et des suspicions de la part de l’Inspection Générale des prisons qui demandera :
- Une formation sérieuse des aumôniers, nommés par le préfet sur proposition de l’évêque ;
- La séparation des pouvoirs spirituels et temporels
- La création d’une aumônerie générale des prisons.
Il faudra attendre la seconde République (1848) pour voir les jeunes être séparés des adultes dans les prisons françaises. Des colonies agricoles sont ouvertes, encadrées par des religieux.
Avec le second empire (1852-1870), c’est le sécuritaire qui s’impose de plus en plus :
transportation aux colonies (efficace moyen « d’amender l’homme par la terre et la terre par l’homme »), suppression des visiteurs de prisons. Mais aucun changement concernant le statut des aumôniers.,
En 1866, une congrégation voit le jour : les sœurs de Béthanie, fondée par un dominicain le père Jean Joseph Lataste (béatifié en 2012), qui accueille indistinctement d’anciennes détenues et des jeunes filles de « bonne famille ».
Avec le bienheureux P. Lataste, un autre regard sur la prison
Sous la IIIe république (1870-1940), la justice pénale reçoit mission de « protéger la société, d’éliminer les criminels nés et les délinquants d’habitude et de mettre en sureté…les autres ».
Les « lois laïques » restreignent progressivement la présence de l’Eglise dans tous les secteurs de la vie publique. Des aumôniers restent admis dans les prisons comme dans tous les établissements publics à internat pour que soit respectée la liberté de conscience des détenus (c’est toujours à ce titre que nous sommes admis dans les prisons !).
Pas moins de 80 établissements départementaux seront construits jusqu’en 1910, dont beaucoup sont encore en fonction.
Au XXe siècle : nouvelle reconnaissance de l'aumônerie après la Seconde Guerre mondiale
Un fort courant de laïcisation se dessine qui aboutira à l’éviction du religieux dans les prisons. Les aumôniers ne seront plus salariés (1905), les religieuses seront expulsées de 12 établissements sauf Saint Lazare et le dépôt de la préfecture de Paris (1906, 1907). Les aumôniers des prisons militaires seront supprimés (1908).
En 1911 l’administration pénitentiaire dépendant du ministère de l’intérieur est transférée au ministère de la justice.
En 1923, un décret rappelle, avec de nouvelles restrictions, la place du religieux en prison et le rôle des aumôniers. C’est le modèle des actuels règlements intérieurs des Établissements.
Après la dernière guerre, à la demande des Cardinaux et Archevêques de France, le père Jean Rodhain créé l’aumônerie générale des prisons, après avoir mis sur pieds l’aumônerie des prisonniers de guerre.
Le 6 février 1947, une ordonnance définit le rôle des aumôniers : « L’aumônier est nommé et démis par le Garde des Sceaux. Il apporte aux détenus les secours de la religion et les visite individuellement ou en groupe, en vue de les aider dans leurs efforts de redressement. Il ne doit exercer qu’un rôle spirituel ».
En 1954, un congrès international des Aumôniers de prison se tient à Fribourg.
En 1955, l’Aumônerie Générale Catholique crée une commission nationale composée des divers types d’établissements.
En 1965, la commission nationale va être étoffée par des représentants régionaux des neuf régions pénitentiaires.
En 1978, paraît le premier numéro de la « Lettre aux Aumôniers ». La commission nationale devient le Conseil national et sa composition n’a pas changé depuis.
Une circulaire ministérielle du 29 janvier 1980 a pour objet l’agrément des Ministres du culte catholique. L’autorité religieuse à consulter pour la constitution des dossiers de candidature reste l’évêque, mais également l’aumônier général des prisons pour les aumôniers à temps plein ou à temps partiel pour les maisons d’arrêt importantes et les établissements pour peines, l’évêque et l’aumônier régional pour les petits établissements.
A partir de 1981, le congrès de l’aumônerie qui avait lieu tous les dix ans, a lieu désormais tous les 5 ans.
Pour la première fois en juillet 1984, les premiers diacres, les premières religieuses et les premiers laïcs arrivent dans l’aumônerie, collaborant avec des aumôniers et préfigurant ainsi l’aumônerie de demain.
L'aumônerie aujourd'hui
Pour la première fois en juillet 1984, les premiers diacres, les premières religieuses et les premiers laïcs arrivent dans l’aumônerie, collaborant avec des aumôniers et préfigurant ainsi l’aumônerie de demain.
En octobre 1985, le conseil national rend compte de son nouveau fonctionnement : c’est sa première réforme d’importance.
En 1987, la « Lettre aux Aumôniers » devient la « Lettre aux Aumôneries ».
En juillet 1988, deux circulaires concernent :
- L’agrément des aumôniers titulaires (rétribué ou bénévole) des établissements pénitentiaires.
- La nomination d’auxiliaires bénévoles et les conditions d’exercice de leur mission :
« Un auxiliaire bénévole pourra être nommé dans tout établissement pénitentiaire, quel que soit sa capacité, dans la mesure où il serait dépourvu des services d’un aumônier rémunéré ou bénévole, un auxiliaire bénévole pourra être agréé à raison d’un auxiliaire pour deux cent détenus… pour une durée de deux ans renouvelable.
Les auxiliaires d’aumônerie ne seront pas autorisés à avoir des entretiens individuels avec les détenus, cette fonction étant dévolue aux visiteurs de prison dans les conditions fixées par le CPP… »
En 1994, deux circulaires règlementent la nomination des aumôniers et des auxiliaires bénévoles d’aumôneries. Les auxiliaires bénévoles (prêtres, diacres, laïcs, religieuses) ont la responsabilité des rencontres des détenus en groupe. A propos des auxiliaires bénévoles, une mesure reste en vigueur : « un auxiliaire bénévole d’aumônerie pourra être nommé dans tout établissement pénitentiaire, quelle que soit sa capacité, dans la mesure où il serait dépourvu d’un aumônier rémunéré ou bénévole.
Un auxiliaire pourra être agréé à raison d’un auxiliaire pour deux cent détenus, dans les établissements de grosse capacité pourvus d’un aumônier rémunéré ou bénévole. Pour les établissements pourvus d’un aumônier rémunéré ou bénévole dont la population pénale n’atteindrait pas deux cent détenus, ce quota pourra être ramené à un auxiliaire pour cent cinquante détenus.
En 1998, le Conseil National adopte un nouveau règlement pour le choix de ses membres.
En 1999, un décret modifiant le Code de Procédure Pénale précise que « les aumôniers ont pour mission de célébrer les offices religieux, d’administrer les sacrements et d’apporter aux détenus une assistance pastorale ».
Une circulaire de la Direction de l’Administration pénitentiaire fixe à 75 ans la limite d’exercice de toutes fonctions dans les aumôneries des différents cultes
En juillet 2014, une note de la direction de l’administration pénitentiaire à valeur d’instruction précise la pratique du culte en détention : « ainsi, sans empiéter sur les prérogatives religieuses dévolues aux aumôniers de prison, l’administration organise et fixe le cadre d’exercice de la vie cultuelle en détention…. Elle concerne tous les cultes… »
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liens utiles
- Annuaire de l'administration pénitentiaire.
Les personnes qui désirent rentrer en contact avec un aumônier sont invités à se rapprocher de l’administration de l’établissement pénitentiaire concerné, en précisant dans l'adresse : "Aumônerie catholique des prisons".