A propos du projet de loi relatif à la bioéthique
Des questions largement débattues
Ce projet veut prendre en compte l’intérêt de l’enfant à naître. Il faut le souligner. C’est ce qui lui fait interdire :
– le dépistage de la trisomie 21 lors d’un diagnostic préimplantatoire
– la gestation pour autrui
– le transfert d’embryons et l’insémination post mortem
– le recours à l’Aide médicale à la procréation pour les célibataires et les couples de femmes
Trois dispositions de la loi sont heureuses :
– l’information concernant les anomalies génétiques graves
– le don croisé d’organes
– la prise en compte des cellules de sang du cordon ombilical
Par contre, les dispositions sur quatre sujets sont problématiques et méritent un vrai débat. Elles concernent :
– l’information donnée à une femme enceinte sur les examens de diagnostic prénatal
– la levée de l’anonymat pour l’aide médicale à la procréation avec tiers donneur
– l’aide médicale à la procréation et la « conservation des embryons »
– la recherche sur les embryons humains
Je n’aborderai dans cet éditorial que ce dernier point qui est traité dans les articles 23 et 24 du projet de loi (2).
Respect ou instrumentalisation de l’embryon : une contradiction interne
Mais, en même temps qu’il affirme le principe du respect de l’embryon, le projet de loi établit une dérogation en faveur de la recherche scientifique. Dans certaines conditions, les embryons surnuméraires pourront être utilisés pour la recherche et pourront être ainsi détruits. La loi de 2004 avait établi une dérogation pour une durée de cinq années, en espérant qu’elle ne serait bientôt plus nécessaire. Le projet de loi actuel rend permanente cette dérogation. Mais on ne voit pas pourquoi ici l’éthique devrait s’effacer devant les progrès supputés de la recherche scientifique. Celle-ci n’autorise pas tout. Elle n’autorise pas par exemple la commercialisation du corps humain. Et cette interdiction n’admet pas de dérogation. Le projet de loi met comme condition à l’utilisation de l’embryon pour la recherche s’ « il est impossible, en l’état actuel des connaissances scientifiques, de mener une recherche similaire sans recourir à des cellules souches embryonnaires ou à des embryons ». Mais les découvertes scientifiques sur les cellules souches adultes n’ouvrent-elles pas une voie à une méthode alternative ?
Des distinctions non-pertinentes
Le projet de loi fait une distinction entre les embryons congelés qui font l’objet d’un projet parental et ceux qui n’en feraient plus l’objet. Ceux-ci, après autorisation expresse des « parents », pourraient être affectés à la recherche. Certes, l’environnement parental, et donc un projet parental, est important pour l’enfant à naître et pour l’enfant qui est né mais pas au point d’être le critère de l’humanité de l’embryon. Celui-ci est déjà pleinement humain en lui-même (5). Ce n’est pas parce que les parents l’estiment désormais inutile qu’il l’est.
Tenir ensemble : recherche scientifique et questionnement éthique
Le Rapport des Etats Généraux autour de la bioéthique affirme : « Les citoyens attendent de l’Etat qu’il soit en mesure de protéger chacun, en particulier les plus vulnérables, contre les dérives mercantiles, les expérimentations et les pratiques qui bafouent le principe d’intégrité du corps humain » (p. 20). En protégeant de façon inconditionnelle l’être vulnérable par excellence, l’embryon humain, la loi civile ne répondrait-elle pas ainsi pleinement à cette attente ? C’est ce que l’on peut souhaiter et demander.
† Jean-Pierre cardinal RICARD
Archevêque de Bordeaux
Evêque de Bazas
Editorial de l’Aquitaine du 4 février 2011
(2) Pour les questions posées par les trois sujets précédents, on se réfèrera à la note des Evêques de décembre 2010 ou aux indications bibliographiques ci-dessus.
(3) Je renvoie à mon éditorial de l’Aquitaine du 3 décembre 2010 : Evangile et respect de l’enfant à naître
(4) L’Instruction ajoute : « A ce titre, il est important de rappeler le critère fondamental éthique formulé par l’Instruction Donum vitae … « le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c’est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l’être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment, on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels en premier lieu le droit inviolable de tout être humain innocent à la vie » (I, 1) ».
(5) « Chaque être humain existe en effet pour lui-même. Quelle que soit l’attitude des adultes à son égard, l’embryon humain existe indépendamment du regard d’autrui ou du projet de ses parents, comme un être personnel et unique. Donné à l’humanité, il est source irremplaçable d’enrichissement pour elle. Dès ses premiers jours, il atteste qu’il existe par lui-même. C’est lui qui s’implantera sur l’utérus de la mère et non elle qui le prendra malgré lui. La mère le reçoit, sans le rejeter comme elle le ferait pour un corps étranger, et lui devient solidaire en lui fournissant ce dont il a besoin pour vivre » (Bioéthique. Questions pour un discernement, p.52).