L’enseignement religieux en Alsace-Moselle : vérités et contre-vérités

Les autorités religieuses catholiques, protestantes et juives ont le sentiment, corroboré par des déclarations de responsables politiques, le récent avis de l’Observatoire de la laïcité et certaines décisions des autorités académiques, d’une volonté de mettre en cause l’enseignement religieux tel qu’il est organisé dans les établissements d’enseignement public d’Alsace et de Moselle en vertu du droit local. A travers le présent texte présenté sous forme de questions-réponses, elles souhaitent lever un certain nombre d’ambiguïtés et de contre-vérités à ce sujet.

1. Le caractère obligatoire de l’enseignement religieux est une entorse à la laïcité et à la liberté de conscience : Faux !

L’enseignement religieux en Alsace-Moselle est obligatoire. Les chefs d’établissement sont tenus de l’organiser dans le cadre du programme hebdomadaire. Les élèves ne sont pas tenus de le suivre. En effet leurs familles ont la possibilité de choisir ou non l’un des enseignements religieux proposés. En primaire l’élève qui ne suit pas l’enseignement religieux bénéficie d’un enseignement de morale. Il existe bien une réelle liberté de choix. L’ouverture d’une classe d’enseignement religieux est soumise à des règles d’effectif minimal imposées par les autorités académiques.

Rendre l’enseignement religieux optionnel mettrait fin à terme à cet enseignement, compte tenu des difficultés d’organisation déjà considérables lorsqu’il est obligatoire. Le caractère obligatoire garantit une offre faite à tous, face à laquelle chacun à la liberté de choix. Le caractère optionnel fragiliserait le statut des enseignants formés et certifiés, à qui le caractère obligatoire donne une vraie place et la légitimité pour contribuer au projet éducatif de l’établissement.

2. L’enseignement religieux divise l’école, sanctuaire du savoir et incarnation des valeurs républicaines laïques : Faux !

Tout choix implique un renoncement, mais il est aussi l’occasion d’exercer une liberté et dans ce sens il est formateur. L’enseignement religieux n’est plus étroitement confessionnel : le choix de l’élève ou des parents n’est pas nécessairement celui de la confession d’origine. Dans de nombreuses écoles primaires, l’enseignement est inter confessionnel, en accord avec les autorités religieuses catholiques et protestantes. L’enseignement de morale est très développé dans des écoles primaires où il y a une majorité d’élèves non chrétiens. Dans de nombreux lycées est proposé l’Eveil Culturel Religieux (ECR) sur une base inter religieuse.

3. L’enseignement religieux est un catéchisme qui n’a pas sa place à l’école, mais dans la famille ou la communauté religieuse : Faux !

Les autorités religieuses chrétiennes distinguent fondamentalement l’enseignement religieux à l’école du catéchisme, dont l’objectif est la transmission de la foi et l’initiation à la pratique cultuelle et sacramentelle, et qui est proposé dans le cadre de la communauté religieuse. Quant à l’enseignement religieux, il ne se limite pas à un simple enseignement du « fait religieux », sur le seul plan historique, sociologique ou à la dimension spirituelle et au questionnement existentiel individuel des élèves, dans le respect de leur démarche personnelle. Les sphères du savoir et du croire ne sauraient être dissociées de manière artificielle, faute de passer à côté d’enjeux considérables, dans un contexte où les offres religieuses extrêmes exigent de former le discernement des élèves. Dans le registre du croire, les enseignants se situent comme témoins, avec le respect et la distance que cela suppose vis-à-vis des élèves.

4. Les effectifs de l’enseignement religieux sont en chute libre. Sa suppression ne ferait qu’entériner une évolution inéluctable : vrai et faux !

Il est vrai que les effectifs d’élèves inscrits diminuent régulièrement, ce qui est en lien avec le recul de la pratique religieuse traditionnelle, mais aussi avec les contraintes de plus en plus fortes imposées par les autorités académiques pour l’organisation des cours, notamment les effectifs minimaux d’élèves. Les autorités religieuses seraient intéressées par une collaboration renforcée avec les autorités académiques pour que le rôle de celles-ci ne se limite pas à la seule gestion administrative, mais qu’elles s’expriment aussi en termes d’objectifs, voire de contenus des enseignements.

Il faut rappeler que dans le primaire, ce ne sont pas moins de 94 891élèves qui participent à l’enseignement religieux dans les 3 Départements (chiffres 2014). Au collège, ce sont 26 472 élèves. Enfin, au lycée, l’enseignement religieux touche 7 201 élèves.

5. L’expérience de l’enseignement religieux en Alsace Moselle est une contribution intéressante au vivre ensemble et au dialogue entre familles de pensée : vrai !

La laïcité est un sujet difficile dans notre pays, qui se réduit trop souvent à un affrontement bloc contre bloc. En Alsace-Moselle, nous avons le privilège d’une très ancienne cohabitation des cultes statutaires catholique, protestant et juif. L’implantation plus récente d’une importante communauté musulmane, mais aussi de chrétiens d’autres obédiences, de bouddhistes et d’hindouistes permet à notre région de vivre dans un climat de dialogue inter religieux d’une grande qualité. Alors que les pouvoirs publics essayent avec beaucoup de peine de mettre en place un
« enseignement laïc du fait religieux », conscient qu’il n’est de pire danger, dans le contexte actuel, que l’inculture religieuse et la relégation de la religion dans la sphère privée, notre expérience d’Alsace-Moselle a le grand mérite d’exister, à la satisfaction de l’immense majorité des familles et des élèves. Cet enseignement religieux pourrait aller, dans le second cycle, dans le sens de l’offre d’un enseignement de culture inter religieuse. Les autorités religieuses catholiques et protestantes y réfléchissent activement.

Dans de nombreux établissements scolaires, les enseignants de religion sont pleinement intégrés dans l’équipe enseignante et dans le projet pédagogique auquel ils contribuent par leurs propositions dans le sens du dialogue, notamment en situation de tensions à caractère social ou religieux.

6. L’enseignement religieux contribue à lutter contre l’ignorance du fait religieux et les préjugés, source de tous les fondamentalismes et extrémismes : Vrai !

Tous les enseignants de religion le soulignent : l’ignorance des références religieuses traditionnelles est considérable. Les parents de la génération actuelle des enfants et des jeunes sont eux-mêmes souvent dépourvus de toute culture religieuse et ne sont donc pas à même de transmettre les rudiments essentiels à leurs propres enfants. L’ignorance étant source de tous les préjugés, de toutes les peurs et de toutes les simplifications extrémistes, l’enseignement religieux, par les questions qu’il pose, par les débats contradictoires qu’il suscite, contribue à informer et à former le jugement. L’enseignement religieux constitue non seulement un accès à la culture et à la compréhension de l’histoire de notre pays, mais il est source d’un questionnement qui permet au jeune qui en bénéficie de mieux se situer dans son propre héritage, de respecter celui d’autrui et de trouver réponse à ses propres questions existentielles.

7. L’enseignement religieux est discriminatoire puisque toutes les religions n’y ont pas droit : Inexact !

La question d’un enseignement religieux musulman se pose à nouveaux frais, la forte implantation des membres de cette religion étant assez récente dans notre région, comparée aux autres cultes. Les représentants des cultes statutaires ne sont pas opposés à la mise en place d’un tel enseignement, qui relèverait d’une initiative de l’Etat. La faisabilité juridique d’une telle option reste à étudier, mais si elle était confirmée par une décision politique, elle poserait bien sûr la question adressée aussi aux autres cultes : celle de la définition d’un contenu «non catéchétique » et celle de la formation des enseignants, pour laquelle les cultes statutaires imposent des critères contraignants. Dans l’idéal, les cultes devraient se mettre d’accord pour un enseignement comportant un tronc commun inter religieux, et des développements spécifiques à chaque religion.

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