« Qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien » (Ps 33,11b) | Méditation pour l’Assemblée plénière de novembre 2024

Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors, dirige le temps spirituel de l’Assemblée plénière de novembre 2024

Temps de méditation conduit par Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors, pour ses frères évêques, en début d’Assemblée plénière de novembre 2024.

Ces mots du psaume peuvent introduire notre méditation en ce début d’assemblée plénière des évêques de France à Lourdes. Pour ce temps de méditation et d’adoration qui précède nos travaux sur la mission de l’Église et sur bien d’autres sujets qui —d’une manière ou d’une autre— s’y rattachent et nous relient aux désirs ardents de nombreux fidèles, nous pouvons nous sentir invités à nous arrêter un moment pour chercher le Seigneur.

Chercher le Seigneur ? Ici à Lourdes, nous ne pouvons nous empêcher de penser à Marie et Joseph qui le cherchaient après leur pèlerinage à Jérusalem, ils le cherchaient « tout angoissés »  (Lc 2,48) dira Marie quand elle a retrouvé Jésus au milieu des docteurs, dans le Temple, « aux affaires de [son] Père ». Ce n’est pas rien de contempler la mère du Christ en train de chercher son propre fils. Elle qui le connaît mieux que quiconque, qui l’a porté dans son ventre et l’a vu grandir pendant douze années, a passé trois jours avant de deviner où il pouvait se trouver. L’intimité avec Jésus ne dispense en rien de le chercher, encore et toujours.

Qui est-il ? Où se trouve-t-il ? Où demeure-t-il ? « Venez et vous verrez » (Jn 1,39) dit-il aux disciples de Jean-Baptiste qui lui posent cette question, la question des chercheurs de Dieu : « Maître, où demeures-tu ? ». C’est la même question que nous posent les catéchumènes qui frappent de plus en plus nombreux à la porte de l’Église. Mais aujourd’hui, n’est-ce pas à nous de la poser, une fois de plus, au début de notre rencontre ? Car ce n’est pas seulement la tâche des commençants que de chercher le Seigneur. C’est la tâche de tout homme et spécialement celle des prêtres, si l’on en croit ce reproche du prophète Jérémie : « Je vous ai fait entrer dans une terre plantureuse pour vous nourrir de tous ses fruits. Mais à peine entrés, vous avez profané ma terre, changé mon héritage en abomination. Les prêtres n’ont pas dit : « Où est-il, le Seigneur ? » Les dépositaires de la Loi ne m’ont pas connu, les pasteurs se sont révoltés contre moi ; les prophètes ont prophétisé au nom du dieu Baal, ils ont suivi des dieux qui ne servent à rien. » (Jr 2,7-8) Pour des prêtres, ne pas chercher le Seigneur, ne pas inviter les autres à le chercher, est un symptôme d’abomination, de révolte et d’égarement. « Où est-il, le Seigneur » N’y a-t-il pas là un axe central de la spiritualité sacerdotale, y compris pour le sacerdoce de la nouvelle alliance, donc a fortiori pour nous, évêques, qui avons reçu « la plénitude du sacrement de l’Ordre » (Cf. LG n. 21) ? Cesser de nous interroger et d’interroger le monde en disant « où est-il, le Seigneur ? » serait probablement un manquement grave à l’essentiel de nos devoirs.

Nous avons de nombreuses ressources pour chercher le Seigneur. L’Écriture et la tradition de l’Église, notre expérience spirituelle et pastorale nous ont fait collectionner, sans aucun doute, un grand nombre d’indices. La dernière encyclique du pape François nous montre du doigt l’amour de son cœur. Et nous-mêmes, chacun avec son histoire sainte, nous avons sûrement déjà fait l’expérience que si nous osons chercher Dieu, c’est Lui-même qui vient à notre rencontre et qui nous comble de ses biens. « Qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien » (Ps 33,11b), ce sont sûrement là des mots qui nous parlent, nous ramènent à notre expérience, une expérience toujours à renouveler, mais qui a déjà orienté beaucoup de choix dans nos existences. Comment aurions-nous pu accepter la folle mission qui est la nôtre aujourd’hui sans avoir cherché Dieu et sans avoir été trouvés, rejoints par Lui, par sa miséricorde ? Ce même psaume 33 témoigne de ce type d’expérience et peut nous aider à relire les nôtres : « Je cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs, il me délivre. Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. » (Ps 33,5-9) Dans le moment de l’adoration, peut-être, ces mots résonnent spécialement pour nous : « Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. » C’est le moment quotidien de notre oraison, de notre adoration, de notre célébration de la messe qui nous donne de goûter la vérité de ces paroles. Quelle épreuve, pourtant, de mesurer combien tant et tant de nos frères baptisés ont perdu l’attachement à l’eucharistie ! Nombreux sont ceux qui ne semblent plus chercher Dieu ou qui le cherchent dans la nuit, comme Job au moment du doute, quand il croit le Seigneur absent et sourd à sa misère : « je hurle vers toi, et tu ne réponds pas… qui me donnera quelqu’un qui m’écoute ? » (Jb 30,20. 31,35).

Mais Dieu, pour nous, éclate de lumière. Nous le contemplons de deux manières, par la beauté de sa création et par l’amour infini de son cœur révélé sur la croix.

 

 

Dieu, le Créateur, se donne sans cesse à trouver et à contempler dans les beautés de la nature. Certes, nous voyons aussi bien des désastres écologiques sur cette terre et dans l’atmosphère qui l’entoure, bien des conflits apparemment insolubles, bien des perversions et des blessures effrayantes, mais la beauté qui demeure dans nos campagnes, l’immensité des galaxies comme l’infinie complexité des « poussières d’étoiles » dont nous sommes pétris, ou encore davantage les richesses étonnantes de l’âme humaine, sa capacité à sortir d’elle-même pour aimer jusque dans des situations désespérées, ne font-ils pas, bien souvent aussi notre admiration ? C’est parfois quand on est privé de certaines choses que l’on sait mieux regarder celles qui demeurent et qui témoignent encore et toujours, de la bonté de notre Père des cieux. La part douloureuse de la création, qui en perturbe le climat (dans tous les sens du mot climat), met plus encore en relief son immense beauté, la splendeur de la nature, les merveilles de la transmission de la vie… je pense, par exemple, à ces personnes en soins palliatifs qui, une fois apaisées leurs souffrances, bien que physiquement très diminuées, attendent avec passion les joies simples de cette existence, la naissance d’un arrière-petit-fils, la réussite d’un examen, la visite d’un proche, des nouvelles du neveu vivant à l’étranger, ou qui, mieux que personne, savent regarder avec un émerveillement lumineux le bouquet de fleurs ou le rayon de soleil qui perce le carreau… elles voient le vrai et le beau de la création et, de la sorte, s’accoutument à l’éternité.

Par-delà l’immensité de sa présence, Dieu nous aveugle encore par l’excès de sa manifestation comme le disait saint Bonaventure. Car Dieu est ce feu allumé par le Christ « dans la ferveur brûlante de sa Passion. Et seul peut le percevoir celui qui dit avec Job : Mon âme a choisi le gibet, et mes os, la mort. Celui qui aime cette mort de la croix peut voir Dieu ; car elle ne laisse aucun doute, cette parole de vérité : l’homme ne peut me voir et vivre. » (S. Bonaventure, Itinéraire de l’esprit vers Dieu, Cf. LH 15 juillet) Chers frères évêques, comme vous, me semble-t-il, je prétends chercher Dieu. Les exhortations du Saint-Père à développer la synodalité nous poussent à le chercher avec nos contemporains, ce qui passe souvent par des étapes crucifiantes. Je sais que le Seigneur nous révèle son Père, spécialement dans le scandale de la croix. Je ne prétends pas aimer la croix, ni aimer les difficultés multiples que notre charge présente. Mais sans parvenir à aimer la croix, je pense avoir la grâce d’aimer un peu le crucifié, de l’aimer au Golgotha et de l’aimer en ceux qui souffrent autour de nous, dans les hôpitaux, dans les familles déchirées, dans les communautés ou autres groupes sociaux fracturés, chez les victimes de violences ou sous les missiles… je crois aussi qu’il m’est donné d’aimer le Christ dans mes propres épreuves. En tout cas, en tous ces lieux où ma foi dit qu’il se trouve, je le cherche et espère toujours l’y trouver, au moins un peu. Cette confiance en lui me semble primordiale. Chercher le Seigneur, c’est faire le choix de cette confiance.

Nous avons peut-être assez souvent le sentiment que nos diocèses, aujourd’hui, manquent de tout, de prêtres, de laïcs formés, ou encore même de finances, la baisse du denier étant l’indice le plus sensible pour la plupart d’entre nous. La chute des grandes figures emblématiques de notre Église en France fragilise encore un climat général si peu porteur. Cela nous purifie sans doute de la part d’idolâtrie qu’elles suscitaient mais cela nous décape douloureusement. Par ailleurs, nous ne pouvons oublier que, dans nos communautés diocésaines, nous manquons aussi de toutes sortes de biens spirituels, comme l’amour fraternel, la confiance et l’unité ecclésiale, peut-être même manquons-nous d’espérance… « Des riches ont tout perdu, ils ont faim » (Ps 33,11a) dit ce psaume, avant d’ajouter dans le même verset : « Qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien » (Ps 33,11b). L’Église qui est en France, à bien des égards ressemble peut-être à ces riches qui ont tout perdu et ont faim. Avoir faim, cela veut dire que notre désir se creuse…  comme Marie et Joseph, dans la caravane des pèlerins de Jérusalem, nous cherchons, tout angoissés. Mais cette parole nous guide et nous éclaire : « qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien ».

Alors, nous pouvons regarder Jésus et l’entendre nous parler de son Père. « Je devais être aux affaires de mon Père » (Lc 2,49), ou plus tard, l’entendre dire : « quand vous priez, dites : notre Père » (Mt 6,9), ou l’écouter avec la samaritaine : « l’heure vient où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité car tels sont les adorateurs que cherche le Père » (Jn 4,23), et l’entendre encore nous promettre : « mon Père est toujours à l‘œuvre » (Jn 5,17), « nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6,44). Nous pouvons chercher Dieu, demander « où est le Seigneur ? », Jésus nous enseigne qu’il est son Père et notre Père, que ce Père lui-même nous cherche, qu’Il cherche des adorateurs et que même si nous pouvons le croire absent, distant, craindre qu’il nous ait oubliés, Il est toujours à l’œuvre. Nous Le voyons qui attire à Jésus aujourd’hui d’improbables chercheurs spirituels, dont les milliers de catéchumènes sont la partie visible. Alors, ne devrions-nous pas nous laisser nous-mêmes attirer ?

Cette œuvre du Père et du Fils, qui attire, contemplons-la et laissons-nous emporter en elle. C’est aussi l’œuvre qu’Il accomplit par son Esprit Saint. Nous ne saurions vivre une assemblée des évêques, sans compter sur l’Esprit Saint. Nous le savons, « si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain » (Ps 126,1). Notre ministère fait de nous des bâtisseurs de l’Église. Mais, si la parole du Christ n’est pas le roc sur lequel nous bâtissons (Cf. Mt 7,24), cette construction ne tiendra pas dans les tempêtes de notre époque. « Une Église faite par nous ne peut être synonyme d’espoir » écrivait Benoît XVI (Ce qu’est le christianisme, p. 228). Si l’Esprit Saint n’est pas le maître d’œuvre, nous resterons stériles. Notre travail en assemblée, aussi nécessaire soit-il, ne peut se contenter d’un effort horizontal. Nous avons, ce matin, à renouveler notre disponibilité et notre confiance dans le don de l’Esprit.

Cela suppose, en tout premier lieu, une immense confiance dans la puissance des sacrements que nous célébrons. Je pense en particulier aux confirmations et aux ordinations qui nous sont réservées, comme évêques… Cela suppose également notre confiance dans le travail de l’Esprit au sein de nos conseils diocésains, de nos rencontres en Provinces ou des conseils et commissions nationales renouvelés, ainsi que des travaux de cette semaine à Lourdes. « Qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien ». En effet, par la grâce de l’Esprit Saint, nous ne manquons d’aucun bien. Ouvrons simplement nos cœurs à ces dons.

Chers frères, dans ce moment d’adoration et de prière, laissons remonter dans notre mémoire ces biens spirituels, reçus et transmis, ces joies de l’Esprit Saint qu’il nous est donné de faire pénétrer dans l’Église, dans nos Églises particulières ou au-delà. Bénissons le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à nos lèvres (Cf. Ps 33,2). Bénissons Dieu pour ces biens qu’Il ne cesse de nous offrir. Et, avant le travail que nous allons accomplir cette semaine, laissons grandir en nous cette confiance dans l’Esprit Saint. Au cours de cette méditation, j’évoquais ce qui nous manque, spécialement quelques biens spirituels qui font parfois défaut en nous ou autour de nous, comme l’amour fraternel, la confiance et l’unité ecclésiale, ou peut-être encore l’espérance. Gardons au cœur un grand désir de ces biens. Qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien. Ce désir pourra, si Dieu veut, orienter nos réflexions. Ainsi se nourrit notre recherche de Dieu, ainsi nos travaux porteront du fruit.

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