Les appels de la vie consacrée
À l’occasion de la fête de la présentation de Jésus au temple et avec lui de toute la vie consacrée, focus sur ce choix de vie personnel qui touche à l’Église universelle, ce don qui se vit dans une grande diversité et exprime le cœur de la foi. Par Florence de Maistre.
“Le 2 février, les personnes consacrées sont à la fête au milieu de l’Église. Rien ne peut égaler le don que Marie y fait de son enfant. Sinon le don que l’enfant fera de lui-même. Ces personnes, dites consacrées, y reconnaissent le meilleur et le plus profond d’elles-mêmes, au milieu de l’Église et du monde, à titre personnel, communautaire. Le voit qui veut le voir et à qui cela est donné”, lance le P. Bernard Grenier, délégué avec Sœur Isabelle Briais (SCJ) à la vie consacrée pour le diocèse de Beauvais. Avec ses vingt-six communautés différentes, l’Église de l’Oise touche pleinement la réalité de la diversité des formes de la vie religieuse : sœurs contemplatives, religieux et religieuses apostoliques, membres d’instituts séculiers, de société de vie apostoliques, de communautés nouvelles et vierges consacrées sont présents, ne manquent peut-être que les ermites. “Plus que la vie religieuse qui s’incarne dans la vie communautaire, la vie consacrée rassemble ces chrétiens qui donnent leur vie à Dieu au service d’une mission, chacun selon son charisme propre et sa façon de l’exprimer. Elle souligne ce dynamisme à vivre au plus près du terrain pour ceux et celles qui s’offrent entièrement dans cette consécration”, précise Sr Isabelle Briais. La vie consacrée évoque ce don total, radical, cette quête d’absolu à laquelle les prêtres, diacres, religieux ou religieuses, hommes et femmes laïcs consacrés choisissent de répondre au souffle de l’Esprit saint. Un sujet immense et brûlant aux yeux du P. Bernard, car vivant et vital au sein de l’Église.
Au cœur de la foi
Ordre, congrégation, institut, famille spirituelle, le vocabulaire est riche pour désigner assez sensiblement l’organisation de ces personnes qui choisissent la même règle de vie et sont le plus souvent liées par des vœux. Ce qui les réunit ? Un appel à suivre le Christ dans les traces d’un fondateur ou d’une intuition, c’est-à-dire selon une spiritualité, comme celles de saint Ignace, saint François ou saint Benoît par exemple. “C’est une ligne qui nous permet de vivre notre consécration, notre vie de prière, etc.”, souligne Sr Isabelle. La communauté est généralement le lieu physique, où les frères et les sœurs résident. Elle est un élément quand la congrégation forme l’ensemble. Elle prend parfois les noms de prieuré, fraternité ou couvent, et se colore ainsi d’une note davantage marquée par la vie de prière ou la vie fraternelle. À noter, c’est l’esprit de communion au sens large d’association et non en lien avec un quotidien sous le même toit qui anime certaines communautés nouvelles comme celle de l’Emmanuel.
“Derrière ces termes, on trouve le droit canonique. Il s’agit surtout d’organiser les intuitions. On voit bien le foisonnement des charismes dans la vie religieuse, apostolique, monastique et missionnaire. Qui connait le nombre de congrégations dans le monde ? L’histoire de l’Église et des hommes donne ces structures de fait extrêmement polyvalentes. Il y a des instituts de droit diocésain et des instituts de droit pontifical. Chacun est à sa place dans sa relation plus vaste à l’Église. C’est assez grandiose ! Ce que l’on voit est très modeste, mais puissant en même temps”, indique le P. Bernard. Il poursuit : “En réalité, chaque communauté par sa congrégation, est liée à l’Église universelle, de même que la vie communautaire se développe, parce que l’on ne peut pas se suffire à soi-même : la vie est trop ardue, trop exigeante. Dans chaque groupe et lieu de vie, on aspire à découvrir la complémentarité, chacun apportant ce qu’il est, différent, y compris dans les aspects matériels. Il faut supporter l’autre, habité par un mystère, sous le même toit, la même mission, du matin au soir, avec ses joies, ses peines, ses exaspérations. Dès qu’on perd la réalité de la foi, cela devient invivable. En revanche, la vie de foi aide à accomplir des pas immenses, dépassant les egos de notre petite sphère”.
Signe de l’universalité de l’Église
Le 5 janvier dernier, le lancement du 800e anniversaire de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais et l’ouverture du jubilé a particulièrement manifesté, la diversité de la vie consacrée qui perdure à travers les siècles et qui est toujours porteuse d’espérance. Le délégué diocésain à la vie consacrée poursuit : “Nos mots, vie consacrée, sont l’envers du décor. Ils sont toute la vie qui s’incarne et se tisse dans le concret, dans les chemins de notre histoire locale et paroissiale. Les consacrés constituent cette Église particulière et donnent à percevoir l’Église universelle. Il n’y a pas que l’évêque avec sa crosse et sa mitre ! C’est très humble, au coin de la rue, et c’est immense quand on prend du recul, tellement plus vaste et plus profond que ce que l’on croit connaître. C’est très encourageant ! Chacun tient sa partition sans se lasser d’annoncer l’histoire du Salut : le Christ est le même hier, aujourd’hui et demain.” Chaque année en novembre, les délégués à la vie consacrée invitent toutes les communautés du diocèse à se rencontrer pour vivre un temps de formation et de réflexion. Ils étaient une cinquantaine à se retrouver cet automne autour du thème de l’espérance. Chacun s’est exprimé sur les signes d’espérance perçus. “Les témoignages étaient extrêmement variés selon les milieux de vie des communautés : c’est très beau. Notre diversité s’incarne ici et touche à l’Église Universelle”, commente la prieure générale des sœurs de la Sainte croix de Jérusalem.
Le double commandement
De génération en génération, les charismes fondateurs sont revivifiés. Une même spiritualité se traduit de diverses manières. D’un même fondateur plusieurs branches peuvent se développer. Les contemplatives, monastiques, qui portent les intentions du monde dans une vie d’oraison trouvent leurs équivalents dans des démarches apostoliques, actives au plus près des besoins des hommes et des femmes. Il y a le moine ou la moniale, “dont le sens est : qui vit seul son altérité avec Dieu. Mais pour ce redoutable face à face, on s’aide entre frères et sœurs”, ponctue le P. Bernard. Et tous ceux et celles qui agissent pour la formation des jeunes, le soin des malades, le service des démunis, l’accompagnement des morts. Présents, du début à la fin de la vie, ils mettent en œuvre sans relâche le double commandement : aimer Dieu et son prochain comme soi-même. “Au fond, Dieu parle au cœur de l’homme. Certains sont tellement habités et convaincus qu’ils y consacrent tout, pour que ça fasse signe, Église. Je pense aux carmélites de Compiègne, martyres de la Révolution [canonisées le 18 décembre 2024]. Dans une région amorphe, au milieu d’une population atone, voici des sœurs dont la vie ne peut que toucher et qui n’eut d’autres sens que celui-là”, relève le P. Bernard. Il évoque aussi Hélène qui sera consacrée le 2 février prochain dans l’Ordre des vierges et qui, inspirée par saint Jean de Bosco et la bienheureuse Anne-Marie Javouhey, s’engage auprès d’un groupe d’une douzaine de jeunes en difficulté. Un projet hors des grandes institutions, mais à titre personnel, la jeune femme pleine d’inventivité épouse les charismes des saints éducateurs pour répondre aujourd’hui aux détresses des familles.
Un témoignage de vie
Force est de constater le vieillissement des religieux et des religieuses. Si la situation interpelle, elle encourage aussi à porter un regard renouvelé. “J’ai été très touchée d’entendre, il y a peu de temps, la supérieure générale d’une grande congrégation religieuse apostolique partager son sentiment, sans triomphalisme, d’être comme le grain qui meurt… Pour porter du fruit. Nous sommes appelées à rejoindre les périphéries de nos existences,” confie Sr Isabelle. Le P. Bernard constate : “l’heure est à la discrétion, à l’enfouissement : voilà la grande tendance, avant que les charismes ne se déploient à nouveau autrement”. Au-delà des difficultés des pyramides des âges, des enjeux financiers, des reconversions selon les besoins de la mission et des autres tourments : la vie des consacrés est témoignage.
“Avec le grand âge, les tempéraments s’exaspèrent. Jusqu’au bout, personnellement et communautairement, il s’agit de vivre l’ultime dans la foi et l’amour, dans l’espérance et l’entraide. Je fais ce constat-là, qui donne du crédit à tout ce qui s’est vécu. C’est le sceau, l’authentification de tout ce qui a précédé. Je pense encore aux seize carmélites de Compiègne : elles ont vécu un martyre semblable au don du Christ sur la croix. Dans le même sens, la consécration d’Hélène, très généreuse, sera forcément très parlante auprès de tous ceux qui portent dans le cœur des enfants qui peinent à grandir”, développe le P. Bernard. L’autre forme de témoignage concerne ce mouvement de chassé-croisé d’Église à Église, de continent à continent. Comme ces Petites sœurs de saint François d’Assise, présentes en paroisse, dont l’une d’elles a passé toute sa vie en Algérie. Ou ces autres sœurs nigériennes de la congrégation du Divin Amour, nées dans l’ambiance de la guerre civile du Biafra, qui apportent modestement leur soutien fraternel et de prière à la maison diocésaine. “De l’horreur a jailli la vie”, révèle le P. Bernard. Les questions ne manquent pas pour accueillir cette diversité culturelle. Mais elle renouvelle le visage des consacrés, elle est un signe visible de l’universalité de l’Église et offre à chacun s’ouvrir pleinement à son mystère.
En amont du jubilé de la vie consacrée “Pèlerins de l’espérance, sur le chemin de la paix”, à Rome les 8 et 9 octobre 2025, le délégué de la vie consacrée rappelle le rassemblement diocèsain du 7 juin prochain à Compiègne à l’occasion de la fête de la Pentecôte où il appelle de ses voeux la présence des consacrés : “Il s’agit d’aider tout le peuple à entrer dans une démarche d’espérance. Avec les religieux et les religieuses, nous pourrons jouer l’interdépendance à fond, vivre ensemble la foi, l’espérance, la charité et la prière. Nous pourrons rendre compte de notre unique espérance qui est contagieuse ou n’est pas, et permettre à des personnes éloignées de la vie consacrée de vivre complément l’ecclésialité pour le monde. Voilà ce qui nous habite, voilà le défi qui est à relever !”
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#vieConsacrée
La vie consacrée est rencontre vivante avec le Seigneur dans son peuple, c'est un appel à l'obéissance fidèle de chaque jour et aux surprises inédites de l'Esprit, c'est la vision de ce qu’il sied d’embrasser pour avoir la joie : Jésus.
— Pape François (@Pontifex_fr) 2 février 2019
🎥 Pourquoi sont-ils devenus #jésuites ? Ashok Bodhana, Claude Charvet, Grégoire Le Bel, Antoine Paumard, Pascal Gauderon et Martin Rondelet témoignent de leur #vocation et de leurs missions dans la #CompagnieDeJésus ➡️ https://t.co/DMASEwtpQU #VieConsacrée #Religieux #AMDG pic.twitter.com/9n0lIHWOEG
— Jésuites EOF (@Jesuites) 31 janvier 2019
COMMUNIQUÉ DE PRESSE | Demain, l'Église fête la Chandeleur (fête des chandelles) mais également la journée de la #vieconsacrée ► https://t.co/sbXcgXwKKm
— Eglise catholique Médias (@eglise_medias) 1 février 2018
Explications sur cette journée avec @mgrroland https://t.co/Jvd8REPlHW
« En contemplant le don de la vie consacrée, l’Eglise contemple sa vocation la plus profonde, celle de n’appartenir qu’à son Seigneur. »https://t.co/oGfrTgyZ4b
— Eglise Catholique (@Eglisecatho) 2 février 2018