Père Jean-Emile Anizan, la passion de Dieu et du monde populaire
Portrait du père Jean-Emile Anizan par Chantal Joly, avec la collaboration du Père Joseph de Mijolla, Fils de la Charité prêtre en paroisse à Saint Ouen (93) et rédacteur de la « Positio » en vue de la cause de béatification du Père Anizan.
Né le 6 janvier 1853, donc avant Vatican I, le fondateur des Fils de la Charité est a priori bien loin de nos problématiques. Toute sa vie il a rêvé de refaire la France chrétienne, distancié des combats de son temps contre la modernité qui allait peu à peu laïciser la société et faire de la Science une nouvelle religion. Car son unique passion fut l’évangélisation du petit peuple. Un monde qui n’était pourtant pas celui de son enfance protégée au sein d’une famille de la petite bourgeoisie de Beauce mais qu’il découvrit à Orléans en visitant les pauvres avec la conférence de Saint-Vincent de Paul du petit séminaire. Son évêque ayant discerné chez le jeune aspirant à la médecine une puissante quête de Dieu, l’envoya étudier au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. En 1874, la visite de l’usine à gaz de cette commune de la banlieue parisienne s’avéra un choc et la naissance d’une vocation, au nom d’un « véritable amour pour ces ouvriers si malheureux et si abandonnés». Les deux pôles d’équilibre de sa vie étaient désormais clairs : « le mal de Dieu» et « le mal des délaissés ». Dès lors, il désira s’engager totalement en devenant frère de Saint Vincent de Paul, devant attendre juin 1886 pour en avoir l’autorisation.
Nommé aumônier du patronage Sainte-Anne de Charonne, cet hyperactif déploya alors tout son zèle pour faire de ce quartier parisien une terre de mission populaire : visite des ouvriers et des employés à leur domicile, messe du dimanche à une heure convenable, création d’un bureau de charité, veillées de prière, conférences, etc. Admiratif des qualités de générosité et de courage de ces travailleurs, il créa avec des laïcs une multitude d’œuvres. Parallèlement, devenu assistant général (1894-1907) puis supérieur général (1907-1914) des Frères de Saint-Vincent-de-Paul, il anima les congrès de l’Union des Associations ouvrières catholiques et dirigea sa revue L’Union. Jusqu’à ce que de graves dissensions minent la Congrégation. Une crise qu’il vécut héroïquement en sachant rester ferme, humain et obéissant.
Destitué, il quitta les Frères de Saint-Vincent de Paul en septembre 1914 et se porta volontaire comme aumônier militaire bénévole dans la région de Verdun. Ce n’est qu’à 65 ans, le 25 décembre 1918, qu’il put fonder l’institut religieux dont il rêvait pour donner au peuple des apôtres : »Les Fils de la Charité »[1]. Son intuition ? Prendre en charge des paroisses lieux de rendez-vous ouverts à tous où se vivent l’annonce de la Parole de Dieu, les Sacrements et la fraternité, et les prolonger par des œuvres (patronages, associations, groupes de JOC…). Un charisme qui reste très moderne, comme l’est son désir d’annoncer au monde le Christ, son modèle. Fasciné pour la vie publique de Jésus, le Père Anizan redit en effet pour notre XXIème siècle quelque chose de précieux : c’est dans sa manière de vivre parmi les hommes que le Fils de Dieu s’est révélé complètement.
[1] La Famille Anizan comprend également des missionnaires contemplatives "Les Sœurs Auxiliatrices de la Charité", une association de laïcs associés aux Fils de la Charité "La Fraternité Anizan" et des chrétiens associés aux Sœurs Auxiliatrices de la Charité, "Les Compagnons de la Charité".