Homélie du dimanche 26 mars

Dimanche 26 mars 2023
5eme dimanche du Temps du Carême année A

Références bibliques :

Lecture du prophète Ezéchiel : 37. 12 à 14 : « Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez. »
Psaume 129 : « Près du Seigneur est l’amour. Près de lui abonde le rachat. »
Lettre de saint Paul aux Romains : 8. 8 à 11 : « Jésus ressuscité d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. »
Evangile selon saint Jean : 11. 1 à 45 : « Je suis la résurrection et la vie. »

***

Dimanche dernier, nous voyions l’attitude des interlocuteurs de Jésus. Aujourd’hui nous rejoignons le cercle plus intime de ses amis.

Lazare ressuscité nous est présenté, au seuil de Pâques, comme le précurseur de Jésus-Christ vainqueur de la mort, résurrection et vie, de même que Jean-Baptiste était au seuil du ministère du Christ le précurseur du Messie qui allait être révélé, dans l’eau et l’Esprit.

Nous sommes invités à sortir de nos enfermements et de nos a-priori. Nous avons à nous ouvrir à la vie qui doit toujours être un temps de résurrection, si nous savons entendre et recevoir le message divin qui nous est donné au tombeau de Béthanie

LES DISCIPLES

Nous les voyons intervenir au début des trois épisodes relatés en ces dimanches de Carême. Au puits de Jacob, (Jean. 4. 5 à 42) ils sont là sans comprendre ce qui vient d’être vécu. A Jérusalem, ( Jean 9. 1 à 41) ils questionnent et reçoivent en réponse la manifestation de l’action de Dieu en Jésus-Christ qui guérit cet aveugle.

A Béthanie, ils veulent éloigner Jésus de l’acceptation de la volonté de Dieu.  » Pourquoi revenir en Judée ?  » Il leur montre que, par delà cette mort qu’ils récusent, il est Vie et résurrection.

Il leur faudra du temps pour saisir la signification de cette parole qu’il leur a dite à la Transfiguration et leur dira sur le chemin d’Emmaüs : » Il fallait que le Christ souffrit pour entrer dans la gloire. »

Aujourd’hui, ils sont heureux d’apprendre que Lazare dort. Ils peuvent esquiver ce retour en Judée. Thomas est tout d’une pièce, lui. Il est tellement attaché à Jésus qu’il ne peut envisager de laisser partir seul son Maître et de l’abandonner ainsi. Plein de bonnes intentions, il n’est pourtant pas encore prêt à mourir avec lui. Jésus leur parle alors ouvertement.

« A cause de vous, pour que vous croyiez. » Ils sont impliqués dans la démarche de Jésus. Ils doivent en découvrir la raison. Ils doivent adhérer à sa volonté dans la foi. Ils doivent croire. Ce mot est répété jusqu’à sept fois dans le texte. Pour les acteurs de cet événement comme pour chacun d’entre nous, le cheminement de la foi est différent, mais il doit être parcouru, par chacun de nous, selon cette différence qu’est une grâce personnelle que nous accorde Dieu. Reprenons ainsi le texte de l’Evangile.

MARIE

Lorsqu’elle apprend l’arrivée du Christ, elle reste à la maison, à l’inverse de Marthe qui part à sa rencontre. Elle ne se décidera que sur l’appel discret de Marthe. « Le Maître est là. Il t’appelle, il te demande. » C’est Jésus qui l’invite et qui l’attend. C’est bien lui le maître.

Si nous voulons rencontrer Jésus et partager sa vie, il ne faut pas le chercher au travers de nos seules attentes personnelles et selon nos points de vue, mais le rejoindre pour lui-même, en entendant et en décryptant les signes qu’il nous donne comme un appel.

Dès qu’elle entendit cette attente, Marie se lève en hâte et va vers lui. De nombreux juifs étaient venus entourer. Marthe ne peut être entourée, elle va et elle vient. Elle n’a pas besoin d’être consolée, elle parle et s’agite. Quand elle a rejoint Jésus, Marie lui a exprimé sa foi en lui disant qu’elle était son espérance et sa souffrance de cette absence et elle reprend la même réaction que Marthe : « Si tu avais été là… »

Elle accompagne le Maître au tombeau. Elle pleure. Jésus, bouleversé par cette émotion, qu’il partage à son tour. Avec Marthe, il est obligé de « discuter ». En Marie, il rejoint l’essentiel de l’événement. A toutes deux il peut alors demander : « Où l’avez-vous déposé ? »

MARTHE

La foi de Marthe n’entend pas le sens des paroles et de l’attente du Seigneur, qui lui dit : « Je suis la Résurrection ». Elle n’entend pas. La résurrection, elle ne la conçoit que par rapport à une loi générale, dans le futur, même pour son frère, « au dernier jour ».

Jésus rectifie cette conception : « Ne t’ai-je pas dit ? » : La vie est liée à la présence personnelle de Jésus. Il ne parle pas de la vie biologique, mais de cette vie qui est : »une chose mystérieuse, annoncera saint Paul aux Corinthiens. Ce qui est mortel revêt l’immortalité, ce qui est semé en terre est un corps humain. Ce qui ressuscite est un corps spirituel » (1 Corinthiens 15. 44 et suivants).

Marthe progresse dans son adhésion au Christ. Elle a confiance en lui : »Je sais que Dieu t’accordera ce que tu lui demanderas, tout ce que tu lui demanderas. » Jésus lui répond : »Crois-tu que je suis la résurrection et la vie ? » Si elle ne réalise pas tout ce que cela signifie, cependant elle le reconnaît déjà comme Messie, comme Fils de Dieu venant dans le monde.

Mais elle est encore à moitié convaincue. Jésus devra le lui rappeler : »Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » Nous sommes bien comme elle. Nous avons nos doutes et nos limites, et Jésus les dépasse. Par le moyen des événements et des rencontres « signifiantes », par tout notre vécu, Jésus fait enlever la pierre qui nous enferme dans notre propre nuit, dans notre solitude intérieure. « Ils enlevèrent la pierre » ( Jean 11. 41).

Sa démarche n’est pas similaire à celle que nous demande le psychologue dans ses consultations avec nous. Pour Jésus, c’est une démarche vers lui « Crois-tu que je suis … »

LES JUIFS

La résurrection de Lazare est entourée d’une grande tendresse et d’une grande amitié. « Celui que tu aimes », est-il dit à Jésus.  » De nombreux juifs qui étaient venus entourer Marie… » « Les juifs venus avec elle pleuraient aussi. » « Voyez comme ils l’aimaient ! »

Ces Pharisiens sont bien différents de ceux qui accablent Jésus, même si quelques-uns peuvent s’étonner qu’il n’ait pas empêché Lazare de mourir. Ils le pensent comme le disent Marthe et Marie. En cela, il n’y a aucune hostilité. Ils croient en Jésus. (Jean 11. 45)

A la veille des jours de la Passion, où tant de haine va se manifester, ce moment de Béthanie est une halte paisible, parce qu’elle est vécue en une humanité où peut se réaliser la gloire de Dieu : « Pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé » (Jean 11. 42).

JESUS

En effet, la résurrection de Lazare est une merveilleuse illustration d’une foi déjà christologique. Elle nous montre comment, dans la personne de Jésus la nature humaine et la nature divine s’unissent sans se confondre. D’une certaine façon, l’Incarnation devient tangible et prend tout son sens.

Il est l’ami, l’homme qui pleure, en même temps qu’il est la Résurrection et la vie, parce que Dieu est amour ! Pour nous aussi, la résurrection est un fait présent parce qu’en nous il est la Vie, « par son Esprit qui vit en nous » (Romains 8. 11). « Je mettrai en vous mon esprit et vous vivrez » (Ezéchiel 37. 14).

Cette rencontre de Béthanie, nous conduit au cœur du mystère de la résurrection du Christ, triomphalement célébrée au matin de Pâques. Nous ne pouvons approcher l’un des aspects du mystère du Christ sans y inclure les autres. Le Vendredi-Saint et le dimanche de Pâques forment un même et unique mystère pascal.

***

La foi qui nous est demandée, comme elle l’est à Marthe, comme aux juifs, comme aux disciples, c’est d’accepter de se déposséder de soi, de ses points de vue, de ses propres désirs pour suivre, Jésus comme il est et comme il veut que nous soyons. Il n’efface pas la mort, il la traverse et nous la fait traverser avec lui pour nous faire revivre.

Nous devons l’accompagner sur le chemin du tombeau parce que c’est le seul chemin pour découvrir la résurrection.

Cette présence de son Esprit est la force de vie qui nous libère des liens du péché et de la mort. Les baptisés de la nuit pascale découvrent cette liberté qui fut celle de la Samaritaine hors de cette recherche où elle s’était enfermée sur elle-même, la liberté de l’aveugle qui voit clair et n’est plus à la merci des décisions des autres, la liberté de Lazare qui reçoit du Christ le don de la vie.

A notre tour et tout au long de sa vie, le chrétien est appelé à sortir de son enfermement, « à délier ses mains et ses pieds attachés ». (Jean 11. 44) C’est ainsi que nous rendrons grâce à Dieu par le Christ, « cet homme plein d’humanité qui dans sa tendresse pour tous les hommes, nous conduit, par les mystères de sa Pâque, jusqu’à la vie nouvelle. » (Préface de la messe de ce jour).

année liturgique B