Homélie du dimanche 8 janvier

Dimanche 8 janvier 2023
L’Epiphanie du Seigneur

Références bibliques :
Lecture du prophète Isaïe. 60. 1 à 6 : « Elle est venue ta lumière et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. »
Psaume 71 : « Il délivrera le pauvre qui appelle. »
Lettre de saint Paul aux Ephésiens : 3. 2 à 6 : « Par révélation, il m’a fait connaître le mystère du Christ. »
Evangile selon saint Matthieu : 2. 1 à 12 : « Nous avons vu son étoile se lever. »

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« Puisque tu nous fais communier à ce mystère, puissions-nous désormais le pénétrer d’un regard pur et l’accueillir d’un cœur plus aimant. » (Oraison de la communion de ce jour)

Nous n’avons pas à réduire la visite des mages en une aimable scène folklorique ou allégorique permettant de mettre un peu de couleur dans les crèches que nous faisons. Le récit de saint Matthieu est un récit théologique. Le titre de Jésus, ce « roi des Juifs » que cherchent les mages venus d’au-delà des frontières du Peuple de Dieu, nous le retrouvons sur l’écriteau de la croix en un texte décidé par le païen Ponce Pilate. Saint Jean, en mentionnant cette inscription en trois langues, révèle que l’élévation de Jésus sur la croix dépasse le peuple juif et se rattache en même temps à toute la tradition prophétique qui fait advenir le salut pour toute la terre.

L’OUVERTURE A TOUTES LES NATIONS

Pour éclairer la scène de l’Epiphanie, nous sommes accoutumés à lire la scène grandiose et rutilante que nous décrit le prophète Isaïe au chapitre 60. Au long du temps de l’Avent, dans la nuit et le jour même de Noël, nous avons lu ces oracles d’Isaïe qui annonçaient le relèvement d’Israël et la gloire de Jérusalem.

Pour Isaïe, il n’est pas que le Peuple Juif qui soit intéressé à ce que Dieu accomplit en réaffirmant sa royauté sur son peuple. Tous les peuples, même païens sont concernés : « D’un bout à l’autre de la terre, toutes les nations païennes verront le salut de Dieu. » (Isaïe 52) Les mages sont des païens qui cherchent la vérité loyalement.

Dans ce chapitre 60 d’Isaïe, les païens ont un rôle plus actif, puisqu’ils ne se contentent pas de voir. Ils marchent vers la lumière qu’ils ont aperçue. Ce sont des foules. Et non pas seulement des foules amies, mais aussi des ennemis comme Madian et Epha contre qui Israël a guerroyé bien des fois. Les mages s’approchent de la lumière du Verbe de Dieu (Jean ch. 1) sans être fils d’Israël.

C’est pour nous, aujourd’hui un enseignement et une espérance. Nos contemporains sont, eux aussi, loin de la lumière divine, loin du Peuple de Dieu qu’est l’Église.

L’OUVERTURE AUX PAUVRES

D’autres pages d’Isaïe avaient prophétisé la venue du roi idéal et en avaient tracé même le portrait. Toujours en Isaïe, le chapitre 61 décrit la mission que doit et peut accomplir celui qui a reçu « l’onction » de l’Esprit, le « Christ » de Dieu. Elle peut se résumer en ceci : Il est là pour que le peuple retrouve le chemin de la « justice » dans la fidélité à Dieu et le respect des frères.

Bref, dans la mise en oeuvre de l’Alliance. Pour reconnaître l’authenticité de la mission, il est un critère incontournable : la priorité donnée aux pauvres dont le Messie de Dieu doit soutenir la cause au nom même de Dieu.

Tous ces traits se retrouvent dans le psaume de cette fête. C’est tout ensemble un chant d’acclamation et de supplication. – La justice de Dieu passera en la personne du roi et pourra ainsi fleurir dans tout le peuple. – Il se souciera en priorité du pauvre. – Les rois des extrémités de la terre reconnaîtront sa prééminence et apporteront des présents comme tributs d’allégeance.

C’est peut-être d’ailleurs en raison de ce psaume que vient l’expression des « rois mages » car rien n’est dit de semblable dans l’évangile de saint Matthieu.

L’ASTRE ET LE PROPHETE

Dans un rationalisme qui veut tout expliquer, nos contemporains essaient de retrouver la trace astronomique de cette étoile apparue aux mages. Ne leur refusons pas cela. Ils ont besoin de repères matériels car, souvent, ils ne savent comment vivre un domaine spirituel qu’ils baptiseraient volontiers de « virtuel ». Mais dans les perspectives bibliques, l’astre que les mages ont vu se lever et qui oriente leur démarche, a une autre signification qui ne contredit pas la recherche scientifique d’ailleurs.

Nous la trouvons dans la prophétie d’un païen, Balaam. (Livre des Nombres 22. 24) Israël n’est pas encore entré dans la Terre Promise. Le roi de Moab, Balaq, s’inquiète de ces tribus qui pérégrinent dans son royaume. Il appelle Balaam, un devin, pour les maudire. Mais Balaam, tout païen qu’il soit ne peut que bénir au lieu de maudire. Et il le fait avec solennité :

« Oracle de Balaam, fils de Béor, oracle de l’homme au regard pénétrant, oracle de celui qui entend les paroles de Dieu, qui possède la science du Très-Haut, qui voit ce que lui montre le Puissant quand il tombe en extase et que ses yeux s’ouvrent. Je le vois, mais ce n’est pas pour maintenant. Je l’observe, mais non pas de près. De Jacob monte une étoile. D’Israël monte un sceptre. »

Comme Balaam, les mages bénéficient d’une certaine science qui leur permet de discerner les signes de la volonté du Tout-Puissant. Comme Balaam, ils voient se lever un astre dans la descendance de Jacob. Comme Balaam, ils ont à rendre leur témoignage à la vérité face à un pouvoir et une opinion qui les excluent en les faisant partir là où Hérode et les chefs juifs n’iront pas. Les scribes qui se voulaient spécialistes de l’Ecriture se sont enfermés dans des certitudes qui ne sont que le fruit de leurs interprétations.

JESUS, NOUVEAU DAVID

Lors de la mise en écrit des traditions orales du Peuple d’Israël, l’auteur du Livre des Nombres pouvait constater que la prédiction de Balaam avait pris corps dans la dynastie de David. Et c’est précisément à David que renvoie la réponse donnée par les chefs des prêtres et les scribes d’Israël. Saint Matthieu a soin de le souligner. En citant la prophétie de Michée qui mentionne explicitement Bethléem, la cité dont est originaire la famille de David, ils continuent par une autre citation tirée du livre de Samuel : »Le Seigneur t’a dit : c’est toi qui feras paître Israël mon peuple et c’est toi qui seras le chef d’Israël. » (2 Samuel 5. 2)

Jésus est ainsi le nouveau David, avec toute la signification attachée à ce roi messianique.

On pourrait prendre d’autres lectures de ce texte. Cet enfant de Bethléem, Jésus, est aussi le nouveau Salomon à qui les mages viennent rendre hommage comme l’a fait la reine de Saba en offrant de somptueux présents à ce roi qui avait la réputation d’une grande sagesse. (1 Rois 10). Les mages viennent se prosterner devant celui qui est la Sagesse même.

Les païens sont donc associés à tout cet accomplissement d’Israël en Jésus-Christ, le Messie, Sagesse de Dieu. Le mystère, pressenti par les prophètes, est désormais manifesté comme l’affirme saint Paul aux Ephésiens : « Les païens sont associés au même héritage, au même corps, au même partage de la promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile. » (Ephésiens 3. 6)

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Ce n’est pas rien de croire que la foi chrétienne se greffe sur l’histoire d’un peuple choisi par Dieu, à une époque et en un lieu donnés. Dans le même temps, c’est précisément parce que Jésus a des racines humaines qu’il n’est pas le messie d’un seul peuple mais qu’il est le sauveur de tous les hommes. Le salut en Jésus-Christ est universel dans son extension humaine, géographique et sociologique. Si l’on peut oser cette expression, il vit dans toute l’épaisseur de la réalité humaine.

Rejoindre Jésus dans la plénitude de sa personne humano-divine, entraine pour nous, toute une conversion,. Elle sera longue à réaliser car notre cheminement se fait à tâtons, et notre accueil du message divin se vit dans notre pauvreté et notre vulnérabilité.

Les Mages nous donnent une autre leçon. Ils ne se découragent pas quand l’étoile disparaît. Ils cherchent, mais d’une autre manière. Ils ne sont pas déconcertés quand ils doivent reprendre leur marche, par un autre chemin après l’avoir découvert l

La véritable espérance ne peut résider qu’en Celui qui est venu vivre pleinement notre humanité, la partager pour nous faire partager sa divinité. L’espérance spiritualiste des courants religieux actuels est insuffisante si elle ne se fonde que sur des aperçus sociologiques, philosophiques ou psychologiques.

« Quand le Christ s’est manifesté dans notre nature mortelle, tu nous as recréé par la lumière éternelle de sa divinité. » (Préface de ce jour)

« Daigne nous accorder, à nous qui te connaissons déjà par la foi, d’être conduits jusqu’à la claire vision de ta splendeur. » (Prière d’ouverture de ce jour).

Mais nous ne pouvons nous détacher de tous les hommes, nos frères, « Tu as dévoilé dans le Christ le mystère de notre salut pour que tous les peuples en soient illuminés. » (Préface de ce jour)

 

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