Homélie du dimanche 22 décembre

Dimanche 22 décembre 2019
Quatrième dimanche de l’Avent

Références bibliques :

Lecture du livre du prophète Isaïe : 7. 10 à 16 : « On l’appellera Emmanuel, c’est-à-dire, Dieu avec nous. »
Psaume 23 : « Voici le peuple de ceux qui le cherchent, qui recherchent la face de Dieu. »
Lettre de saint Paul aux Romains : 1. 1 à 7 : « La Bonne Nouvelle que Dieu avait déjà promise par ses prophètes dans les saintes Ecritures. »
Evangile selon saint Matthieu : 1. 18 à 24 : « L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit-Saint. Tu lui donneras le nom de Jésus, c’est-à-dire : le Seigneur sauve. »

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Nous vous invitons à relire la révélation faite à Joseph à la lumière du prophète Isaïe, de saint Paul aux Romains et de la précision qu’ajoute saint Matthieu avant que saint Joseph ne se réveille.

JOSEPH ET MARIE

Marie et Joseph avaient bâti un projet de vie commune. Comme pour Marie, le plan de Dieu dérange et déroute Joseph de son projet. Ils deviennent tous deux les artisans et les acteurs de ce projet divin. Marie le fut au moment de l’Annonciation, et l’on comprend sa première réaction. La mission que Joseph reçoit c’est-à-dire sa mission pour tant d’années à venir, envers cette naissance future le fait revenir sur sa décision immédiate de se séparer de Marie.

L’un et l’autre accueillent l’événement,qui doit durer des années, au travers de leur caractère propre, de leur situation différente et de ce que Dieu attend de chacun d’eux. C’est le don d’eux-mêmes, gratuit et sans condition, qui est la réponse de leur foi quand ils apprennent l’attente de Dieu à leur égard.

Nous n’avons rien à imaginer de plus que ce qu’en dit l’Evangile. Ceux qui vivent dans l’intimité de Dieu ne parlent guère de ce qu’est cette intimité dans la réalité quotidienne. Mais leur comportement immédiat et ultérieur est significatif de leur vécu.

AVEC MARIE

Comme Marie, Joseph connaissait les prophètes. Ils les avaient entendus et commentés à la synagogue et dans leurs familles.

Désormais par la méditation des textes prophétiques, ils se savent impliqués directement « dans cette Bonne Nouvelle que Dieu avait déjà promise par ses prophètes dans les saintes Ecritures. » (Romains 2. 1) Marie, en relisant les paroles d’Isaïe, va mesurer peu à peu cette grâce : son fils « qu’on appellera Emmanuel, Dieu avec nous ». Joseph, en se remémorant les paroles du même prophète (Isaïe 43. 11), va découvrir la mission du fils de Marie qu’il a prise chez lui.

Saint Matthieu, d’ailleurs, relie ces deux termes : « Emmanuel » et « Jésus » au moment où Joseph répond à ce que l’ange lui a prescrit. Or ces deux noms, dans toute la tradition religieuse juive, déterminaient l’identité et la mission du Messie: « Dieu avec nous » … « Dieu sauveur »…

Alors conviés tous deux à participer directement à la réalisation de ce projet de Dieu vis-à-vis de son Peuple, pouvaient-ils rester sans en parler entre eux, dans les mois de l’attente, dans les années de l’enfance, dans les années de l’adolescence ? Pouvaient-ils rester sans prier ensemble les psaumes : »Dieu le sauveur des coeurs droits » (psaume 7), « Seigneur, mon Dieu sauveur ! » (psaume 88)

C’est leur secret. Nous n’avons pas à vouloir le percer en imaginant un commentaire de l’Évangile selon nos propres vues. Gardons seulement présente cette affirmation : »Marie conservait tout cela dans son cœur. » Et Joseph avec elle.

SON EPOUSE

Joseph avait accepté les exigences de la nouvelle situation de Marie, lorsqu’il l’avait vu enceinte au retour de la Judée. Par délicatesse, il avait voulu lui rendre sa liberté afin de ne pas s’immiscer dans une décision qui, à première vue, ne pouvait venir que d’elle.

Quand l’ange lui atteste que cette décision vient de Dieu et que son exigence le dessaisit de sa paternité, Joseph assume avec autant d’amour et de discrétion cette responsabilité d’une paternité autre que celle qu’il avait envisagée auparavant.

Car donner le nom à un enfant signifiait par là même qu’on en assumait la paternité. Il adopte Jésus. Jésus le charpentier est bien le fils du charpentier, comme le sont tant d’autres enfants adoptés qui s’insèrent, grâce à l’amour offert, dans une famille qui ne leur est plus étrangère.

Marie exprimera cette intimité avec Joseph lorsqu’elle dira à Jésus : »Pourquoi as-tu agi ainsi envers nous ? Ton père et moi, tourmentés, nous te cherchions. » (Luc 2. 48)

CO-RESPONSABILITE

Participant à la réalisation quotidienne de l’Incarnation du Fils de Dieu, Joseph est, avec Marie, le pédagogue du Fils de l’Homme, dans cet échange où le père et l’ouvrier charpentier initie l’enfant, l’adolescent, le jeune homme, à la vie sociale et au travail manuel, jour après jour, jusqu’à son âge adulte (Luc 2. 52).

Dans cette vie familiale, Joseph et Marie acquièrent en eux-mêmes une connaissance unique de Dieu. « Qui me voit, voit le Père » a dit Jésus à ses apôtres. (Jean 14. 7 à 9) « Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père. Et personne ne connaît le Fils sinon le Père et celui à qui le Fils veut le révéler » (Luc 10. 22) Et il leur a été révélé que leur enfant, c’est « Dieu parmi nous », « Dieu sauve » !

Cette connaissance se fera progressivement et d’une manière limitée par leur condition humaine. Ils ne comprennent pas immédiatement tout de l’infini du mystère dont ils sont les artisans quotidiens à Nazareth. « Ils ne comprirent pas …  » (Luc 2. 50) même s’ils l’appellent plusieurs fois par jour de ce nom « Dieu sauve », « Jésus ». Jésus les dépasse. Il leur faut et il nous faut accepter le temps de la pédagogie divine.

NOTRE PARCOURS AVEC EUX

Si Joseph et Marie sont les éducateurs de Jésus, leur enfant est aussi leur pédagogue dont chaque geste et chaque parole résonnent et s’inscrivent dans leur coeur en les replaçant dans l’exigence initiale : »Qui est ma mère ? Celle qui fait la volonté de mon Père. » (Luc 8. 20)

L’Eglise, par le temps de l’Avent, nous propose un même parcours pédagogique, car il nous faut chaque année et sans cesse reprendre conscience de la réalité de notre foi : Dieu lui-même, en Jésus-Christ, est venu rejoindre l’humanité pour son salut. Cette reprise de conscience est d’autant plus nécessaire que nous vivons en permanence une lutte intérieure entre la grâce de la foi qui nous invite à l’ouverture à Celui qui nous dépasse et la pesanteur humaine qui nous conduit au terre-à-terre immédiat.

C’est là l’enjeu de notre conversion. L’homme livré à lui-même fait l’expérience spontanée de sa finitude. A ce niveau, deux chemins paraissent possibles : ou bien rêver pour se donner quelques raisons de vivre, ou bien réduire peu à peu le champ de ses illusions pour survivre. Mais …..

…..La foi nous propose un autre chemin.

Elle est le mouvement par lequel, comme Joseph et Marie, l’homme et la femme que nous sommes accueillent la vision de Dieu sur nous-mêmes. Elle dépasse ainsi et souvent notre vision superficielle des choses, celle qui nous empêche bien souvent d’accéder à leur vérité. Ce n’est pas sans lutte intérieure que l’on peut entrer dans cette certitude que l’invisibilité apparente de Dieu atteste de sa présence.

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Ce n’est pas par des discours rassurants que les chrétiens se feront les prophètes d’un avenir possible. « Tu nous as fait connaître l’Incarnation de ton Fils bien-aimé. Conduis-nous par sa passion et par sa croix, jusqu’à la gloire de la résurrection. » (prière de ce dimanche). Ce qui importe, c’est que leur foi en la présence de Dieu les conduise à la manifester.

Depuis que Dieu a pris notre condition humaine, chaque croyant est investi de cette présence. Il lui reste à être le témoin de cette foi et de cette espérance, au milieu de ses frères, humblement et dans les réalités quotidiennes.

« Apprends-nous, dans la communion à ce mystère, le vrai sens des choses de ce monde et l’amour des biens éternels. » (prière après la communion)

année liturgique B