Mgr Dupleix : « Vatican II donne sens aux recherches de notre monde »

Rentré au séminaire en 1962 et ordonné prêtre en 1968, Mgr André Dupleix a vécu avec le Concile. Ancien Secrétaire général adjoint de la Conférence des évêques de France, membre du groupe de travail pour les 50 ans du Concile, il propose, avec Prier 15 jours avec le concile Vatican II, une démarche spirituelle à partir d’un événement « majeur et incontournable dans la vie présente de l’Eglise catholique et des fidèles ».

Comment cet ouvrage est-il né ?

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C’est une proposition de ma part. J’avais déjà écrit Prier 15 jours avec Pierre Teilhard de Chardin dans cette collection (Ed. Nouvelle Cité). J’ai pensé qu’elle se prêtait tout à fait à une approche du concile Vatican II qui n’était pas évidente au départ : par la prière. Les quinze étapes proposées permettent une meilleure connaissance des textes et de leur impact pour la vie de l’Eglise, etc. Or il y a 16 documents issus du Concile, dont 2 sur les prêtres. J’ai donc réduit à 15 et permis ainsi de prier 15 jours à partir de textes que certains n’auraient peut-être jamais lus comme celui sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse ou sur les Eglises orientales catholiques, alors que les grands documents, eux, sont bien connus. J’ai rendu l’ouvrage très accessible pour la prière en concluant par une citation biblique et une prière que j’ai composée. J’ai rappelé au début que ce Concile a été soutenu et porté par la prière des Pères et celle des fidèles de toutes les Eglises du monde. N’oublions pas que dans notre liturgie, la Profession de foi intègre deux définitions des conciles de Nicée et Constantinople et que, par ailleurs le Concile de Nicée II a définitivement officialisé la place et le culte des images. On ne peut séparer les conciles d’une démarche spirituelle. De plus, la Parole de Dieu était au cœur du Concile, symbolisée par la présence de l’Evangile au milieu de l’assemblée.

Comment avez-vous bâti cette démarche spirituelle ?

Chaque jour – donc chaque document – est résumé par un mot clé. Il y a quatre grandes parties.
1. « Les fondements » intègrent les quatre constitutions. J’ai voulu montrer que la première chose importante à considérer est que l’Eglise est présente dans le monde : c’est Gaudium et Spes, donc « Présence ». Vient ensuite « Dévoilement », pour le document sur la Parole de Dieu, Dei Verbum. Dieu nous a parlé et ne cesse de nous parler. Le troisième jour, c’est « Communion », avec le grand texte Lumen gentium sur l’Église corps et peuple de Dieu. Quatrième jour, « Célébration » : la liturgie avec la Constitution Sacrosanctum concilium. « Faites ceci en mémoire de moi ». L’Eglise est célébrante. La foi ne se dit pas uniquement avec des formules, elle se prie.
2. « Les signes de la grâce » porte sur les différents états et charges dans l’Eglise. Avec « Ministère » (Décret sur la charge pastorale des évêques), j’essaie de montrer que le premier ministère est le ministère apostolique : « Je suis ministre de l’Evangile » écrit Saint Paul. Dans « Appel », sur le ministère et la vie des prêtres, on médite cet appel de Jésus : « Viens suis-moi ». Troisième mot-clé : « Don », pour la vie religieuse. La vie religieuse sous ses différentes formes est aujourd’hui un signe fort du don total à Dieu par amour. Enfin, « Responsabilité » concerne la mission spécifique des fidèles laïcs. Chacun a sa place dans le corps de l’Eglise. Relisons la 1ère Lettre aux Corinthiens, chapitre 12. Chacun, par son baptême, est chargé de mission. Dernier point, les Eglises orientales catholiques. C’est la « Diversité » dans l’Eglise, Pierre et Paul. L’Orient et l’Occident constituent les deux poumons de l’Eglise catholique, comme disait Jean-Paul II. Saint Jean Chrysostome parlait des deux yeux du même visage.
3. « Les moyens ». « Evangélisation » renvoie au Décret sur l’activité missionnaire de l’Eglise et aux paroles de Jésus : « Je vous envoie » (Matthieu 28, 19). « Formation » (Document sur l’éducation chrétienne) rappelle l’importance de ce domaine dans la vie de l’Église. Indissociable de la formation : la « Communication ». On a pu dire que ce décret, Inter Mirifica, était aujourd’hui le moins bien reçu. Je trouve pourtant qu’il a toute sa place. On l’écrirait différemment dans le contexte actuel mais il n’y avait alors rien d’équivalent. Je pense au souci permanent de saint Paul : « Je vous transmets ce que j’ai reçu » (1 Co 15, 1-2). La Bonne nouvelle n’est pas pour nous seuls ! Si elle soit être communiquée, nous devons utiliser tous les moyens de communication, avec discernement mais sans limites.
4. « L’ouverture » : « Liberté », « Unité » et « Dialogue ». Les trois documents sur la Liberté religieuse, l’œcuménisme et les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes ont suscité le plus de débats. Ils sont pourtant essentiels : « La où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3,17). On ne peut pas aborder les grandes questions qui concernent le monde de ce temps à partir de l’Evangile sans considérer la liberté du Christ et notre propre liberté. Certes, il s’agit ici de la liberté religieuse mais la liberté fait partie des droits fondamentaux. Pour l’œcuménisme, c’est évident : « Qu’ils soient un » (Jean 17,21). Il faut prier pour demander d’abord l’unité intérieure mais aussi l’unité à l’intérieur même du corps de l’Eglise. Nous serons un signe crédible de l’Evangile si nous commençons par parler ensemble. Je termine avec « Dialogue » et le texte sur nos relations avec les religions non chrétiennes. Elles sont essentielles. Je cite à ce sujet, et de manière peut-être inattendue, le psaume 8 évoquant la grandeur de l’homme face à Dieu. C’est bien ce lien au Dieu unique qui nous permet d’être ouverts, dans un véritable esprit de dialogue, à toutes les cultures et traditions spirituelles du monde.

Comment l’ouvrage est-il accueilli ? Que retirez-vous de cette expérience ?

Les échos sont bons, surtout à en raison de l’originalité de la démarche pédagogique, chaque élément s’intégrant dans un ensemble. Je suis persuadé que quelque soit la diversité d’importance des documents, leur contexte de rédaction, les débats internes, les difficultés… tous ces textes expriment à leur manière le souffle et la Parole de Dieu. C’est une démarche spirituelle que nous faisons là unifiée par l’action de l’Esprit Saint. A partir de ces 15 mots clés, je crois que nous avons une perspective d’ensemble. Pour moi, personnellement, j’en retire la conviction d’une Église rassemblée, l’affirmation d’unité de la foi et de la pertinence du christianisme aujourd’hui dans le monde. Étant moi-même depuis plus de quarante ans engagé avec passion dans la mission de l’Église je reçois aujourd’hui ce Concile comme un signe remarquable de ce vers quoi nous conduit l’Esprit Saint aujourd’hui. S’il me manquait toute la littérature théologique, si je n’avais que la Parole de Jésus et le concile Vatican II, je serais quand même homme heureux. Que de références, tout au long des documents, à l’Écriture, aux Pères de l’Eglise et à la Tradition ! Nous pouvons comprendre comment ce trésor, porté dans des vases d’argile, est aujourd’hui capable de donner sens aux recherches ininterrompues de notre monde.

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Sept intentions de prière pour conclure

Démarche originale, Mgr Dupleix conclut Prier 15 jours avec le concile Vatican II par une « vaste prière universelle » reprenant les messages du Concile : « Pour les gouvernants », « Pour les hommes de la pensée et de la science », « Pour les artistes », « Pour les femmes », « Pour les travailleurs » mais aussi « Pour les pauvres, les malades et tous ceux qui souffrent » et « Pour les jeunes ». « Nous rejoindrons ainsi, à notre mesure et dans la communion de tout le peuple de Dieu, la conscience qu’avaient les évêques et les théologiens d’œuvrer pour le bien des fidèles et le renouvellement de l’Eglise universelle. Au nom du Christ et dans le souffle de l’Esprit Saint ».

 

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