Le Pape François répond aux mouvements et associations de laïcs
Dans le cadre de l’Année de la foi, le Pape François a répondu à quatre questions posées par les mouvements, communautés, associations et groupements laïcs rassemblés à Rome, les 18 et 19 mai 2013, pour réfléchir sur le thème « Je crois ! Augmente en nous la foi ».
Plus de 120.000 personnes étaient présentes Place Saint-Pierre le 18 mai 2013 pour la veillée de Pentecôte. Après des lectures, chants et témoignages, le Pape François a répondu aux questions posées par les représentants des mouvements.
Comment êtes-vous arrivé dans votre vie à cette certitude sur la foi, et quelle route nous indiquez-vous pour que chacun de nous puisse vaincre la fragilité de sa foi?
« J’ai eu la grâce de grandir dans une famille où la foi se vivait de façon simple et concrète… J’ai reçu…le premier message à la maison, en famille ! Et cela me fait penser à l’amour de tant de mamans et de grands-mères dans la transmission de la foi… Nous ne trouvons pas la foi dans l’abstrait, non. C’est toujours une personne qui prêche, qui nous dit qui est Jésus, qui nous transmet la foi, qui nous donne le premier message… Mais il y a un jour pour moi qui est très important: le 21 septembre 1953. J’avais presque 17 ans. C’était la Journée des étudiants… Avant d’aller à la fête, je suis passé à ma paroisse. J’y ai trouvé un prêtre que je ne connaissais pas et j’ai ressenti le besoin de me confesser… Après la confession, j’ai senti que quelque chose avait changé. Je n’étais plus le même. J’avais entendu comme une voix, un appel: j’étais convaincu que je devais devenir prêtre. Cette expérience dans la foi est importante. Nous disons que nous devons chercher Dieu, aller à lui et lui demander pardon, mais quand nous y allons, il nous attend, il est déjà là!… Et cela te surprend tellement que tu n’en reviens pas, et c’est ainsi que la foi augmente! Par la rencontre avec une personne, par la rencontre avec le Seigneur… L’ennemi le plus grand de la fragilité est la peur. Mais n’ayez pas peur. Nous sommes fragiles et nous le savons. Mais Dieu est le plus fort! Si tu vas avec lui, il n’y a pas de problème! Un enfant est très fragile…mais s’il est avec son papa et sa maman, il est en sécurité. Avec le Seigneur, nous sommes en sécurité. La foi grandit avec le Seigneur, en prenant sa main ».
La deuxième question a porté sur le défi de l’évangélisation et sur ce que devaient faire les mouvements pour mettre en pratique la mission à laquelle ils ont été appelés.
« Je dirais seulement trois mots. Le premier est Jésus… Si nous progressons dans notre organisation, dans d’autres choses, de belles choses, mais sans Jésus, nous n’avançons pas, cela ne va pas. Jésus est plus important… Le deuxième mot est la prière. Regarder le visage de Dieu, mais surtout…se sentir regardés… Et le troisième: le témoignage… la communication de la foi ne peut se faire que par le témoignage, c’est cela l’amour. Pas avec nos idées mais avec l’Evangile vécu dans notre propre existence… Ne parlez pas tellement, mais parlez par toute votre vie: la cohérence de vie…qui est de vivre le christianisme comme une rencontre avec Jésus qui m’amène vers les autres et non comme un acte social. Socialement nous sommes ainsi, nous sommes chrétiens, fermés sur nous. Non, pas question ! Le témoignage ! »
La troisième question a été de savoir comment vivre « une Eglise pauvre, pour les pauvres ».
« Avant tout, vivre l’Evangile est la principale contribution que nous pouvons apporter. L’Eglise n’est pas un mouvement politique, ni une structure bien organisée; Elle n’est pas cela… L’Eglise est le sel de la terre, Elle est la lumière du monde, Elle est appelée à rendre présent dans la société le levain du Règne de Dieu, et Elle le fait avant tout par son témoignage, le témoignage de l’amour fraternel, de la solidarité… Quand on entend dire que la solidarité n’est pas une valeur mais qu’elle est une attitude primaire qui doit disparaître, cela ne va pas!… La crise que nous sommes en train de vivre…n’est pas seulement une crise économique; non, il s’agit d’une crise culturelle. C’est une crise de l’homme! Et celui qui peut être détruit, c’est l’homme ! Mais l’homme est à l’image de Dieu… En ce moment de crise, nous ne pouvons pas seulement nous préoccuper de nous-mêmes, nous renfermer dans la solitude, le découragement… Ne vous fermez pas, s’il vous plaît ! C’est un danger: nous nous enfermons dans nos paroisses, avec les amis, dans le mouvement, avec ceux qui pensent les mêmes choses… mais savez-vous ce qui se passe? Quand l’Eglise se ferme, elle tombe malade… L’Eglise doit sortir d’elle-même. Où? Vers les périphéries existentielles, quelles qu’elles soient, mais elle doit sortir… La foi est une rencontre avec Jésus et nous devons faire ce que fait Jésus: rencontrer les autres… Nous devons aller à la rencontre de l’autre et nous devons créer avec notre foi une culture de la rencontre…où nous pouvons aussi parler avec ceux qui ne pensent pas comme nous, même avec ceux qui ont une autre foi… Tous ont quelque chose en commun avec nous: ils sont à l’image de Dieu, ils sont des fils de Dieu. Aller à la rencontre de tous, sans négocier notre appartenance. Et il y a autre chose d’important: avec les pauvres. Si nous sortons de nous-mêmes, nous trouvons la pauvreté… Penser aujourd’hui que tant d’enfants n’ont rien à manger n’est pas une nouvelle. Cela est grave…nous ne pouvons pas rester tranquilles… Mais nous ne pouvons pas devenir des chrétiens amidonnés, ces chrétiens trop bien élevés qui parlent de choses théologiques pendant qu’ils prennent le thé, tranquilles. Non! Nous devons devenir des chrétiens courageux et aller chercher ceux qui sont justement la chair du Christ… La pauvreté pour nous chrétiens, n’est pas une catégorie sociologique, philosophique ou culturelle, non, c’est une catégorie théologale. Je dirais peut-être la première catégorie, parce que ce Dieu, le Fils de Dieu, s’est abaissé, il s’est fait pauvre pour marcher avec nous sur la route. C’est cela notre pauvreté: la pauvreté de la chair du Christ, la pauvreté qui nous a amené le Fils de Dieu avec son incarnation ».
Comment aider nos frères, comment alléger leurs souffrances, si l’on ne peut rien faire ou si peu pour changer leur contexte politico-social?
« Pour annoncer l’Evangile, deux vertus sont nécessaires: le courage et la patience. Les chrétiens qui souffrent sont dans l’Eglise de la patience. Ils souffrent et il y a plus de martyrs aujourd’hui que dans les premiers siècles de l’Eglise… Il faut préciser que souvent ces conflits n’ont pas d’origine religieuse; il y a souvent d’autres causes, de type social et politique et, malheureusement, les appartenances religieuses sont utilisées comme de l’huile sur le feu. Un chrétien doit toujours savoir répondre au mal par le bien, même si c’est souvent difficile. Cherchons à leur faire sentir, à ces frères et sœurs, que nous sommes profondément unis…que nous savons qu’ils sont des chrétiens entrés dans la patience. Quand Jésus va vers sa Passion, il entre dans la patience…Ils font l’expérience des limites…entre la vie et la mort. Et à nous aussi, cette expérience doit nous amener à promouvoir la liberté religieuse pour tous. Tout homme et toute femme doivent être libres de choisir leur confession religieuse, quelle qu’elle soit. Pourquoi? Parce que cet homme et cette femme sont des fils de Dieu ».
Source : VIS du 18 mai 2013.