A Angoulême, une présence chrétienne sur la place publique
La bande dessinée chrétienne fête ses 25 ans de présence au sein du festival international du 9e art du 27 au 30 janvier 2011 à Angoulême. Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême, évoque les enjeux d’une telle manifestation.
Quelles sont les relations entre la bande dessinée et l’Église d’Angoulême ?
De nombreux sites explicitement chrétiens sont ouverts au grand public, c’est le lien le plus visible. La cathédrale et l’église Saint-Martial en plein centre ville accueillent des expositions. Des visiteurs de tous horizons, plus de 100 000 personnes chaque année, se déplacent pour voir les animations. Ils découvrent des lieux de prière habités. Les chrétiens d’Angoulême sont très engagés dans le festival. Une équipe porte la conception de la programmation, d’autres personnes sont présentes au milieu de tous et sur les lieux de culte pendant les quatre jours, d’autres encore préparent la messe du festival en lien avec les mouvements et le prêtre responsable de la pastorale des jeunes. Dans une église archi pleine, l’eucharistie rassemble chaque année nombre d’enfants et de jeunes, de dessinateurs et de gens de passage. Le Temple protestant participe aussi aux diverses manifestations. Le festival a une belle dimension œcuménique. Fêter, cette année, les 25 ans de BD chrétienne au sein du festival international, c’est reconnaître une présence de la réalité chrétienne sur la place publique.
Qu’observez-vous dans les tendances de la BD actuelle ?
Je suis frappé par le nombre de celles qui jouent sur le dualisme entre le bien et le mal. Mal dont il nous faudrait sortir pour trouver la lumière. Ce n’est pas le christianisme ! Dieu est à l’œuvre à l’intérieur de notre humanité, réelle, belle et blessée, fragile et magnifique. Je vois bien la tentation des dessinateurs dans ce filon de représentations entre personnages éclatants et monstres horribles, mais ce dualisme n’est pas la Révélation.
Qu’attendez-vous de la bande dessinée chrétienne ?
J’espère des progrès dans la confrontation de la réalité chrétienne, c’est-à-dire la Christ mort et ressuscité et l’univers culturel dont les bandes dessinées sont porteuses. De très nombreuses BD sont complexes, extrêmement évocatrices des violences du monde soit par la forme érotique, soit par des images de guerres issues de faits réels ou fantasmés. Je crois que l’inspiration chrétienne ne doit pas avoir peur d’affronter ces représentations. Il ne s’agit pas de baptiser des images violentes mais d’y inscrire la réalité chrétienne, pascale, où la mort n’a pas le dernier mot. Je crois aussi que le travail d’écriture et de création artistique ne peut se contenter d’être le reflet du monde. Il est là pour révéler ce qui nous dépasse, ce qui est encore plus beau, plus humain, encore plus porteur de réconciliation que nous le pensons.
Qu’aimeriez-vous lire prochainement en bande dessinée ?
Je souhaiterais une BD adaptée du film de Xavier Beauvois, « Des hommes et des dieux » ! Ce film parle de la violence des armées, certes, mais surtout de la prière et de la beauté. Et que voit-on précisément ? Sept hommes dont la vie donnée est plus forte que toutes les violences. Il est sûr que de très belles BD pourraient être imaginées autour de cette histoire vraie des Frères de l’Atlas, qui donne à percevoir la résurrection, révèle le don, la beauté et le pardon à l’œuvre au milieu du monde. L’histoire de Sœur Saint-Cybard, religieuse de mon diocèse, qui vient d’être proclamée « Juste parmi les nations », car elle a caché et sauvé une petite fille juive, pourrait également être sujet d’un bel album.