Septième congrégation générale du Synode pour le Moyen-Orient

Les interventions des Pères synodaux se sont poursuivies au cours de la septième congrégation générale, dans l’après-midi du 14 octobre 2010. Des auditeurs puis deux invités musulmans ont alors pris la parole.
 

Cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, Président du Conseil pontifical « Justice et Paix »

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« La connaissance du site du Conseil pontifical pourrait être promue comme instrument au service des Eglises locales pour l’approfondissement de la Doctrine sociale de l’Eglise. A ce propos, le dicastère s’engage à compléter la traduction en arabe du Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise. On pourrait en plus envisager, vue l’intention du Conseil de créer une école d’été auprès de ce dicastère, d’inviter et faire participer aussi des prêtres provenant du Moyen-Orient… Les Eglises et les religions minoritaires au Moyen-Orient ne doivent pas subir la discrimination, la violence, la propagande diffamatoire antichrétienne, la négation d’autorisations pour construire des bâtiments pour le culte et d’organiser les offices publics. En effet, la promotion des Résolutions contre la diffamation des religions dans le cadre de l’Organisation des Nations-Unies ne doit pas se limiter à l’islam (islamophobie) dans le monde occidental. Elle doit inclure le christianisme (christianophobie: la religion et les communautés des croyants) dans le monde islamique. On peut également promouvoir l’adoption, toujours dans le cadre des Nations-Unies, d’une résolution sur la liberté de religion alternative à la résolution sur la diffamation des religions ».
 

P. Raymond Moussalli, vicaire général du Patriarcat chaldéen de Babylone (Jordanie)

« Nous sommes une partie de l’histoire et de la culture de cette région moyen-orientale et si nous nous voyons contraints de l’abandonner, nous perdrons notre identité à la prochaine génération. C’est pourquoi, j’espère que du Synode émerge la nécessité d’une plus étroite collaboration entre les chefs des différentes Eglises dans le dialogue réciproque avec les frères musulmans modérés… Il y a une campagne délibérée en vue de chasser les chrétiens hors du pays. Il y a des plans sataniques de la part de groupes fondamentalistes extrémistes qui ne sont pas dirigés seulement contre les chrétiens en Irak, mais qui touchent tous les chrétiens au Moyen-Orient… Nous voulons sensibiliser la communauté internationale afin qu’elle ne reste plus silencieuse devant le massacre des chrétiens en Irak et dans les pays de tradition catholique, afin qu’elle fasse quelque chose pour les chrétiens irakiens, à commencer par une possible pression sur le gouvernement local. Nous sommes en train de traverser un temps catastrophique, à cause de l’émigration des familles et de la perte de notre peuple qui parle encore la langue araméenne prononcée par notre Seigneur Jésus Christ ».
 

Mgr Edmont Farhat, nonce apostolique au Liban

« La situation du Moyen-Orient aujourd’hui, c’est comme un organe vivant qui a subi une greffe qu’il n’arrive pas à assimiler et qui n’a pas eu de spécialistes pour le soigner. En dernier recours, l’orient arabe musulman a regardé vers l’Eglise, croyant, comme il le pense en lui-même, qu’elle est capable de lui obtenir justice. Cela n’a pas été le cas et il est déçu, il a peur. Sa confiance s’est transformée en frustration. Il est tombé en crise profonde… Aujourd’hui, l’Eglise subit des injustices et des calomnies. Comme dans l’Evangile, beaucoup partent, d’autres se lassent ou prennent la fuite. Les frustrés et les désespérés se vengent sur les innocents. Derrière les assassinats physiques et les échecs les plus cuisants, il y a le péché… L’action de Dieu continue dans l’histoire. L’Eglise au Moyen-Orient vit en ce moment son chemin de croix et de purification, qui mène au renouveau, à la résurrection. Les souffrances et les angoisses du présent sont les gémissements du nouvel enfantement. Si elles durent, c’est que ce genre de démons, qui tourmentent notre société, ne se chassent que par la prière. Peut-être n’avons nous pas encore assez prié! »
 

Mgr Ruggero Franceschini, ofm cap, archevêque de Smyrne, administrateur apostolique du Vicariat apostolique d’Anatolie, Président de la Conférence épiscopale de Turquie

« La petite Eglise de Turquie, parfois ignorée, a vécu son triste moment de renommée avec le brutal assassinat du Président de la Conférence épiscopale turque, Monseigneur Luigi Padovese. Pour être bref, je désire mettre un terme à ce désagréable chapitre et effacer les insupportables calomnies que ceux qui ont organisé l’assassinat ont eux-mêmes fait circuler. Parce que c’est de cela qu’il s’agit: d’un assassinat prémédité par ces mêmes pouvoirs occultes que le pauvre Luigi avait indiqués, peu de mois avant, comme responsables des assassinats de Don Andrea Santoro, du journaliste arménien Dink et des quatre protestants de Malatya. Il s’agit d’une obscure intrigue de complicités entre les ultras-nationalistes et les fanatiques religieux, experts en stratégie de la tension. La situation pastorale et administrative du vicariat d’Anatolie est grave… Que demandons-nous à l’Eglise? Simplement ce qui nous manque pour l’heure: un pasteur, quelqu’un qui l’aide, les moyens pour le faire, et tout ceci avec une raisonnable urgence… L’Eglise d’Anatolie risque sa vie… Je désire toutefois rassurer les Eglises proches, en particulier celles qui souffrent de persécutions et qui voient leur propres fidèles se transformer en réfugiés, en leur disant que comme conférence épiscopale turque nous serons encore disponibles à l’accueil et l’aide fraternelle, même au-delà de nos possibilités, ainsi que nous sommes ouverts à toute collaboration pastorale avec les Eglises sœurs et avec les musulmans en faveur d’une laïcité positive, pour le bien des chrétiens qui vivent en Turquie, et pour le bien des pauvres et des nombreux réfugiés en Turquie ».
 
Plusieurs auditeurs et deux invités musulmans ont ensuite pris la parole

M. Marco Impagliazzo, Président de la Communauté Sant’Egidio (Italie)
« Il est de l’intérêt des sociétés musulmanes que les communautés chrétiennes soient vivantes et actives dans le monde du Moyen-Orient. Un Moyen-Orient sans chrétiens signifierait la perte d’une présence interne à la culture arabe, capable de revendiquer le pluralisme par rapport à l’islam politique et à l’islamisation. Sans eux, l’islam serait davantage seul et fondamentaliste. Les chrétiens présentent une forme de résistance à un « totalitarisme  » islamisant. Leur permanence au Moyen-Orient va dans l’intérêt général de ses sociétés et de l’islam… Il n’y a pas seulement un passé chrétien à défendre au Moyen-Orient, mais aussi une vision du futur à affirmer en partant de la conviction que les chrétiens ont là une vocation historique : communiquer le nom de Jésus, le vivre et, ainsi, œuvrer pour construire de manière créative une civilisation du vivre ensemble, celle dont le monde entier a besoin. Il y a ici le devoir du dialogue… Les Eglises au Moyen-Orient peuvent être les artisans d’une civilisation du vivre ensemble, exemplaire à l’échelle mondiale, dans la mesure où elles réintègrent et revendiquent haut et fort le sens de leur mission ».

Mme Pilar Lara Alen, Présidente de la Fondation pour la promotion sociale de la culture (Espagne)
« La Fondation aujourd’hui est présente dans 41 pays et 4 continents. Dans les 5 pays du Moyen-Orient, notre zone prioritaire, nous avons géré plus de 98 programmes avec un chiffre d’affaires de plus de 60 millions d’euros. Après ces années d’expérience sur le terrain, je voudrais faire quelques commentaires sur la situation. Au Moyen-Orient, nous assistons à la disparition de communautés chrétiennes entières, dans l’indifférence du monde entier, et spécialement de l’Europe. En même temps, la guerre fait partie de la vie quotidienne. La pauvreté n’est pas l’unique cause des conflits, c’est plutôt le facteur religieux. Et finalement, les chrétiens continuent à vivre autour de leurs Eglises, même si parfois, il s’agit d’un simple formalisme social. La conclusion est que la présence des chrétiens est fondamentale pour la paix et la réconciliation. Mais ils devraient agir sans déplacer la religion de la vie publique, comme cela s’est passé en Europe, parce que cela ne sert pas au développement. Les valeurs religieuses, nous permettent de progresser, à la fois, sur le plan social et personnel. En conséquence, les chrétiens doivent adapter leurs comportements à leurs croyances, dépasser la haine et les rancœurs et rechercher le pardon. Ils ne devraient pas prêcher en parole, le message évangélique, et en action la vengeance et la lutte armée. Toute personne, a l’obligation de se procurer une formation qui lui permette d’acquérir les conditions pour progresser dans sa vie professionnelle et chrétienne ».

Deux musulmans
prennent la parole au Synode des évêques pour le Moyen-Orient

Source : VIS du 14 octobre 2010

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