« Notre présence dans nos pays est une mission » : Interview de S.B. Antonios Naguib, Patriarche copte catholique d’Alexandrie

Le Patriarche copte catholique d’Alexandrie, S.B. Antonios Naguib était à Paris pour la messe annuelle de l’Oeuvre d’Orient, célébrée dimanche 17 mai 2009 en la cathédrale Notre-Dame de Paris. L’occasion pour lui de présenter cette communauté de chrétiens d’Orient et de dresser un bilan du pèlerinage du pape Benoît XVI en Terre Sainte.

Quel est le visage de la communauté copte catholique d’Alexandrie ?

S.B. Antonios Naguib Patriarche copte catholique d'AlexandrieL’Eglise d’Alexandrie date des origines du Christianisme. Comme le dit le livre des Actes des Apôtres, le jour de la Pentecôte, il y avait des Egyptiens à écouter les apôtres et St Pierre. Ils ont probablement reçu le baptême. Ont-ils apporté en Egypte le christianisme? La tradition fait remonter à St Marc l’évangélisation du pays à son voyage à Alexandrie, avec la conversion d’un adepte qui a suivi de près St Marc et qui a été le premier prêtre, le premier évêque d’Alexandrie, après St Marc. Très vite, le christianisme s’est répandu à Alexandrie, ville de l’intelligentsia de l’Egypte et même du Bassin Méditerranéen d’alors. Cette Eglise a été rayonnante et au centre de la réflexion, de la pensée, de l’enseignement théologique des origines du Christianisme avec l’Ecole d’Alexandrie : Origène, Alexandre, Athanase. Elle était florissante avec ces Pères de l’Eglise, puis par la naissance et l’expansion du monachisme, dans sa double forme, d’anachorète (solitaire) ou cénobite (communautaire), jusqu’à la conquête musulmane. Aujourd’hui la présence chrétienne en Egypte se chiffre dans les 8 millions sur les 80 millions d’habitants. Ca ne dépasse pas les 10%. Sur ces 8 millions, la communauté copte catholique est composée de 250.000 membres. Elle est très vivante.

Comment a-t-elle suivi le pèlerinage de Benoît XVI en Terre Sainte ?

Les Chrétiens d’Orient ont été les plus intéressés bien sûr mais ce voyage du pape a eu un impact extraordinaire sur toutes les communautés des pays du Proche-Orient, même ceux qu’il n’a pas visité, comme l’Egypte. Chaque jour, dans la presse et à la télévision, il y avait un reportage sur les discours du pape. C’était toujours très favorable. La réaction et l’évaluation générales étaient très positives.

Que retenez-vous de cette visite ?

Ce qui m’a touché le plus, c’est sa connaissance du contexte des trois pays qu’il a visités : la Jordanie, Israël et les Territoires palestiniens. Et aussi, les discours et les messages adressés à ces trois pays, ces trois communautés, avec leur diversité pluraliste. Ils étaient adressés à tous les pays de la région et dépassaient même ces horizons pour être orientés et dirigés vers tous les pays du monde car c’était des messages universels qui parlaient de situations pluralistes et individuelles qu’on peut retrouver partout. Par exemple, en Jordanie, cette convivence idéale entre musulmans et chrétiens, cette attention de l’autorité supérieure du Président et du gouvernement aux groupes minoritaires, et aussi la possibilité pour ces groupes d’avoir des lieux de culte, des écoles… La pose des premières pierres d’une église latine et d’une église melkite, puis de l’Université de Madaba, c’est extraordinaire. En même temps, c’est un appel, un exemple pour les autres pays. Son appel à la fraternité et la paix, dans l’unité de cœur et de pensée, cette ouverture, ce respect réciproque, c’est universel !

Qu’est-ce qui vous a touché en Israël ?

J’ai entendu l’appel au respect de l’autre, à la recherche d’une solution, d’une pacification, à la création de ponts plutôt que l’élévation de murs : c’était fort. Ensuite l’appel à l’entente réciproque pour trouver le moyen de dépasser les difficultés et les points de désaccord. Dès son arrivée en Terre Sainte, le pape a souligné qu’il n’y a aucun problème qui soit insoluble, pourvu qu’on ait la bonne volonté et le désir de dépasser conflits et divergences. Ca parle profondément car ce sont les problèmes que nous vivons tous les jours. Quand il a appelé aussi les leaders de communautés religieuses musulmanes, juives et chrétiennes à trouver le point d’accord, qui nous unisse tous, les Fils d’Abraham : c’est magnifique. Son insistance à trouver ce qui unit plus que ce qui nous sépare : ce ne sont pas des théories abstraites. Cela touche notre quotidien.

A quoi avez-vous été attentif dans les Territoires palestiniens ?

J’ai retenu son affirmation du respect de chaque groupe, du droit de chacun à avoir son territoire et son autonomie, et de pouvoir vivre dans la paix chez soi et avec les autres. J’ai retenu aussi cette vision d’espérance : qu’il n’y a pas de situations désespérées mais que l’espérance est à notre portée. Il s’agit de vouloir dépasser les divergences d’abord internes pour pouvoir avoir un dialogue et un échange avec l’autre partie. Ca touche la réalité concrète alors que la situation apparaît désespérée.

Benoît XVI a encouragé les Chrétiens d’Orient à résister à l’exode. Comment entendez-vous cet appel ?

Le pape a insisté sur le devoir de rester. Non pas un devoir imposé mais un devoir inspiré par cette conviction que notre présence dans nos pays est une mission. C’est une mission de témoignage, de réalisation des valeurs évangéliques, de paix, de convivence dans la fraternité et aussi un appel à être un levain, un support de ce courant qui cherche à réaliser la paix dans nos pays, à travers la pensée, les publications et la vie quotidienne sans oublier bien sûr le moyen le plus puissant : la prière dans la confiance et dans l’espérance. Les chrétiens le font, dans certains pays plus que dans d’autres, selon les possibilités et les libertés. Au Liban ou en Jordanie, ils le font beaucoup plus que dans d’autres pays.

Quel message souhaitez-vous transmettre aux catholiques de France ?

La première chose, c’est de suivre de près les nouvelles positives et optimistes, plus que celles « à la mode » et pessimistes. Ces dernières font plus de bruits, se répandent plus et donnent l’idée que la situation générale est ainsi. Ce sont souvent des cas particuliers qui prennent une ampleur dans la presse parce que ça fait du bruit et que cela sort de l’ordinaire, quand l’ordinaire est la vie pacifique. Puis, un appel au soutien par la prière. Faire bon accueil aux émigrants de nos pays et aider à leur intégration dans votre beau pays d’accueil. Enfin, si on peut aider l’Egypte à mieux vivre, toute la population en bénéficie et donc les chrétiens aussi !

Une messe annuelle

S.B. Antonios Naguib a répondu à l’invitation du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et Ordinaire des orientaux catholiques en France, et de Mgr Philippe Brizard, Directeur général de l’Oeuvre d’Orient. Il était entouré des évêques d’Assiout, de Sohag, d’Ismaïlia et de Guizeh, pour célébrer, en français, la messe selon le rite copte de Saint Basile-le-Grand. « Nous avons eu des échos très favorables et très positifs : l’assemblée a été touchée, impressionnée par cette liturgie enracinée dans les bases simples et profondes du christianisme de l’Eglise d’Alexandrie et proche de la vie, avec ce dialogue continu entre l’assistance et les célébrants ».

A Paris, la communauté copte catholique égyptienne se rassemble à Notre-Dame d’Egypte, près de la Gare du Nord, dont le recteur est Mgr Michel Chafik Youssef. Elle compte entre 300 et 1000 personnes. Il y célèbre en arabe et en français.

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