Ratio Fundamentalis : discours de Monseigneur Jorge Carlos Patron Wong
Monseigneur Jorge Carlos Patron Wong, Archevêque-Évêque émérite de Papantla et secrétaire pour les séminaires s’est exprimé le samedi 4 novembre 2017 devant l’Assemblée plénière des évêques de Lourdes. L’objet de son intervention Une nouvelle Ratio fundamentalis pour de nouvelles Ratio nationalis est survenu après un temps de travail des évêques.
Chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, chers amis, je vous remercie beaucoup pour l’invitation à votre Assemblée plénière. Son Éminence, le Cardinal Beniamino Stella, Préfet de la Congrégation pour le Clergé, vous salue fraternellement, tout comme le Secrétaire du Dicastère, votre compatriote, Mgr Joël Mercier. Tous les deux vous assurent de leur communion et de leur prière au service de la promotion et du discernement des vocations, ainsi que de la formation initiale et permanente des prêtres.
Dans la première partie de cette intervention, je rappellerai les raisons et les caractéristiques majeures de la nouvelle Ratio fundamentalis (RFIS). Je ne le ferai que brièvement, étant donné que vous avez tous accès aux conférences que j’ai données aux recteurs et aux formateurs de France en mars dernier et qui portent précisément sur ce sujet. Dans la seconde, je décrirai plus longuement les défis qui me semblent fondamentaux pour l’élaboration des Ratio nationalis, objectif principal de la Ratio universelle.
Raisons et caractéristiques de la nouvelle Ratio Fundamentalis
Saint Paul déclare à Timothée, un des premiers successeurs des Apôtres : « Ce que tu m’as entendu dire en présence de nombreux témoins, confie-le à des hommes dignes de foi qui seront capables de l’enseigner aux autres, à leur tour » (2Tm 2,2). La nouvelle Ratio fundamentalis est un acte de tradition, de transmission, dans ce temps qui est celui du kaïros toujours nouveau de la grâce de Dieu, dans son unique dessein de salut. La nouveauté principale de ce texte est de rassembler de manière organique et systématique, non seulement la riche expérience des siècles passés en matière de formation sacerdotale, ce dont, pour une bonne part, l’Église en France peut être fière, mais aussi plus particulièrement celle des cinquante dernières années. En effet, nous avons été témoins d’expériences nombreuses dans les Églises particulières, ainsi que d’une production impressionnante de documents magistériels, jusqu’au pontificat actuel. Tout ceci est le fruit du Concile Vatican II, dont la fécondité, d’ailleurs, n’a pas fini de donner toute sa mesure.
La première Ratio fundamentalis a vu le jour en 1970, afin de répondre au vœu de la première assemblée synodale des évêques de 1967 que soit rédigé un texte cadre indiquant quelques critères ou principes généraux et ordonnés de la formation. Ce texte fondamental avait pour but d’aider les évêques à appliquer la prescription du décret conciliaire Optatam totius concernant la rédaction de Ratio nationales. Je cite le numéro 1 :
« Étant donné la diversité si grande des peuples et des régions, il n’est possible de poser que des lois générales. Aussi établira-t-on dans chaque nation ou rite un ‘régime [ratio] de formation sacerdotale’ particulier, qui sera fixé par les conférences épiscopales, révisé à des temps déterminés et approuvé par le Siège apostolique. Les lois universelles, ainsi, seront adaptées aux circonstances particulières des lieux et des temps, afin que la formation sacerdotale réponde toujours aux nécessités pastorales des régions où le ministère doit être exercé » (OT, 1).
Quarante-six ans après cette première Ratio, où la dimension intellectuelle de la formation prédominait nettement, il était indispensable d’en rédiger une nouvelle. Dans cet intervalle de temps, Saint Jean-Paul II a offert à l’Église ce très riche « compendium » de formation qu’est Pastores dabo vobis ; Benoît XVI a rattaché le Bureau des séminaires à la Congrégation pour le Clergé, faisant ainsi de la formation initiale et permanente une seule réalité ; enfin, le Pape François n’a de cesse de promouvoir la qualité évangélique des ministres ordonnés et de leur formation. Comme SE Mgr Batut l’a rappelé durant la Conférence internationale sur la Ratio fundamentalis, organisée par le Dicastère début octobre, en cette période de transition socio-culturelle, le profil de la nouvelle génération a également changé, et l’appel à une nouvelle évangélisation n’a jamais été aussi fort.
La nouvelle Ratio est le fruit d’une collaboration intense entre la Congrégation pour le Clergé, les Conférences épiscopales, les Nonciatures, certains autres Dicastères et divers experts. Elle part de l’identité du prêtre comme serviteur et pasteur de ses frères ; elle voit la vocation comme le cheminement continu d’un disciple vers la configuration au Christ ; elle insiste sur la formation à l’intériorité et à la communion ; et elle met en valeur l’accompagnement personnel et communautaire.
La Ratio affirme que la formation « est unique, intégrale, communautaire et missionnaire » (RFIS, Introduction, 3). Ces quatre notes caractéristiques de la formation devrait animer celle-ci dans toutes ses dimensions : spirituelle, humaine, intellectuelle et pastorale. Ces dimensions « composent et structurent ensemble l’identité du séminariste et du prêtre, et le rendent capable du ‘don de soi à l’Église’ qui est le contenu de la charité pastorale » (RFIS, Introduction, 3). Chacune d’elles, comme leur articulation, demande un investissement conséquent en temps et en énergie. L’unité et l’intégralité d’une formation pour toute la vie, celle d’un disciple en chemin, requièrent des pas progressifs, avec des étapes, des objectifs, ce que la Ratio appelle la gradualité.
Cette progressivité devra se retrouver dans chacune des 4 étapes qui jalonnent la formation initiale : l’étape propédeutique, rendue désormais obligatoire ; l’étape philosophique où on insiste sur la formation du disciple ; l’étape théologique ou configuratrice ; et l’étape pastorale, dite de « synthèse vocationnelle », qui est déterminante pour passer de la formation initiale au réel de la vie pastorale, où se déroulera la formation permanente.
Enfin, et peut-être d’abord, vous avez dû constater que la pastorale des vocations est pleinement intégrée au document et en constitue même le commencement (chap. 2, juste après les « normes générales »). En effet, tout part de là. Le soin et le discernement des vocations est un des défis fondamentaux de l’Église, sur lequel le prochain synode va d’ailleurs se pencher. Nous allons y revenir dans quelques instants, car il est temps maintenant de passer en revue quelques défis de l’élaboration d’une Ratio nationalis et de les expliciter un peu.
Quelques défis fondamentaux pour l’élaboration des Ratio nationalis
L’Apôtre Paul dit à Timothée : « Voilà une parole digne de foi, et qui mérite d’être accueillie sans réserve : si nous nous donnons de la peine et si nous combattons, c’est parce que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant, qui est le Sauveur de tous les hommes et, au plus haut point, des croyants » (1Tim 4,9-10). C’est cette même espérance dans le Dieu vivant, c’est-à-dire en Celui qui agit et réalise son dessein aujourd’hui – dessein éternel dans son intention et nouveau dans ses modalités – qui nous pousse à nous donner de la peine, à nous engager résolument dans la rédaction d’une nouvelle Ratio nationalis, en mettant en œuvre les défis suivants qui ne sont pas exhaustifs.
- Dialogue et communion épiscopale
Le premier défi, et non le moindre quel qu’en soit le lieu, est celui du dialogue entre les évêques, fruit et condition sine qua non de la communion épiscopale et de sa fécondité. Lors du dernier Congrès sur la Ratio, le Cardinal Stella a déclaré que « la base d’une bonne élaboration de la Ratio nationalis est la communion épiscopale ». Il a ajouté :
« Il faut déployer toutes les énergies possibles pour combattre le ver de l’individualisme qui, dans un domaine comme la formation du clergé, risque d’être nuisible et contreproductif. De fait, la Ratio fundamentalis affirme : ‘Étant sauve l’autorité de l’évêque diocésain, la Ratio Nationalis vise à unifier la formation au presbytérat donnée dans un pays ; elle facilite ainsi le dialogue entre les évêques et les formateurs, au bénéfice des séminaristes et des séminaires eux-mêmes’ (RFIS, 6). La Ratio Nationalis devra donc être l’expression de l’accord entre les évêques d’une région ecclésiastique ou d’un pays, dans un dialogue constant avec la Congrégation pour le Clergé qui – je peux vous l’assurer – désire accompagner cet effort et se mettre au service des évêques, des prêtres et des séminaristes »[1].
Qui dit dialogue, dit écoute, clarté, vérité, charité. Le Saint Père nous en offre un excellent modèle à chaque synode ou réunion qu’il préside : il écoute profondément « ce que l’Esprit Saint dit aux Églises » (Ap 2,17). En introduction au premier synode sur la famille, en 2014, il affirmait :
« Une condition générale de base est celle-ci : parler clair. Que personne ne dise : ‘On ne peut dire cela ; quelqu’un pensera de moi ceci et cela…’. Il faut dire tout ce que l’on sent avec parrhésie. […] Il faut dire tout ce que, dans le Seigneur, on se sent de devoir dire : sans craindre le jugement humain, sans lâcheté. Et, dans le même temps, il faut écouter avec humilité et accueillir le cœur ouvert ce que disent les frères. C’est avec ces deux attitudes que s’exerce la synodalité. C’est pourquoi je vous demande, s’il vous plaît, ces attitudes de frères dans le Seigneur : parler avec parrhésie et écouter avec humilité »[2].
La mise en œuvre de la communion épiscopale dans le dialogue et l’écoute permettra d’améliorer et d’unifier la formation au niveau d’un pays en offrant une Ratio de grande qualité. Ceci favorisera également le dialogue entre évêques et formateurs en vue d’un service toujours plus fécond des vocations. Il va sans dire qu’au nom de cette communion, l’implication dans la formation est requise de chaque évêque, même ceux qui n’ont pas de séminaire dans leur diocèse.
- La pastorale des vocations
La pastorale des vocations s’appuie sur la même espérance mise dans le Dieu vivant qui continue d’appeler des hommes à suivre le Christ bon Pasteur, à se rassembler autour de Lui et à Lui ressembler dans son célibat pour le Royaume, dans sa grande pauvreté de moyens et dans son obéissance au Père, afin d’être entièrement consacrés à l’exercice de la charité pastorale, pour le salut et la vie des hommes. Cette pastorale demande donc, particulièrement de notre part et de la part des prêtres, un nouvel élan et de nouveaux efforts. Je cite la Ratio :
« Premiers responsables des vocations au sacerdoce, les évêques doivent favoriser, dans le cadre d’un plan pastoral d’ensemble, une collaboration efficace entre prêtres, consacrés et laïcs (surtout les parents et les éducateurs), sans oublier les groupes, les mouvements et les associations de fidèles » (RFIS, 13)
Parmi les initiatives que la Ratio promeut, on retrouve en premier lieu la prière pour demander des vocations, conformément au commandement du Seigneur. Mais n’oublions pas non plus qu’un climat de prière permet d’entendre la voix de Dieu, parmi la multitude de messages qui déferlent sur des jeunes connectés en permanence. Des communautés, des paroisses priantes, ardentes et missionnaires suscitent des vocations. C’est la raison pour laquelle, selon la Ratio, il convient de « soutenir les activités ayant pour but de créer un climat spirituel qui favorise le discernement et l’accueil de la vocation sacerdotale » (RFIS, 14).
Je me permets de vous poser quelques questions. Même avec un petit nombre de prêtres, privilégions-nous la présence, voire seulement le passage régulier, d’un prêtre auprès des groupes de jeunes ou dans les écoles catholiques ? L’Église en France a toujours été inventive face aux défis de son histoire et cela a servi, par après, aux autres Églises. Quels défis nous révèle la nouvelle génération de jeunes catholiques ? Que nous inspirent leur désir de se retrouver souvent pour s’entraider à grandir dans le Christ et pour résister à l’esprit du monde, leur recherche d’identité, leur grande mobilité, leur générosité dans le volontariat, leur soif de silence et de beauté dans les célébrations liturgiques, leur recherche de la dimension du sacré … ? Où naissent les vocations aujourd’hui en France ?
D’où une question consécutive : si nous croyons que l’Esprit Saint parle aussi à travers la jeune génération, quelles formes (au pluriel) de vie sacerdotale et d’exercice du ministère diocésain pourraient correspondre à ses besoins ?
Enfin, j’aimerais ajouter que la pastorale des vocations ne s’arrête pas à l’entrée au séminaire. Le discernement se poursuit à chaque étape de la formation initiale et aide ainsi le séminariste à chercher sans cesse la volonté de Dieu. C’est ainsi que, dès le séminaire, le candidat sera un signe de discernement pour les jeunes qu’il rencontre et deviendra plus tard un prêtre soucieux des vocations et de leur discernement.
- Soigner la formation permanente dès la formation initiale
Un autre défi de la nouvelle Ratio est non seulement de bien unir la formation initiale et permanente, mais aussi de considérer leur imbrication mutuelle et de voir que la formation permanente précède même l’initiale et la rend possible. Il importe donc au plus haut point d’entretenir le désir d’une formation permanente dès la formation initiale.
L’attitude fondamentale que cela requiert est de croire, avec nos Pères dans la foi, que la figure attend son accomplissement dans le Christ, Chemin, Vérité et Vie. Le Corps du Christ, et donc chacun de ses membres aussi, est en croissance vers sa plénitude, dont « la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur… » sont celles du mystère de l’Amour du Christ (cf. Ep 3,18), contenu dans les Écritures.
C’est le rôle propre de la propédeutique et du 1er cycle de philosophie de faire prendre conscience au candidat qu’il est un disciple constamment en chemin, toujours à l’écoute du Maître et cherchant sans cesse la Face de Dieu. Puis, le 2ème cycle de théologie enracinera la conviction que la grâce de la configuration au Christ Serviteur, Pasteur et Prêtre n’est jamais achevée. Se laisser transformer selon la pensée, les sentiments et les attitudes du Christ est un travail de toute la vie. L’ordination opérera la configuration au niveau sacramentel et ontologique, mais celle existentielle sera de la responsabilité du ministre collaborant à l’action transformante de l’Esprit Saint.
Vu que la formation permanente n’est pas seulement intellectuelle, mais aussi humaine, spirituelle et pastorale, quels sont les moyens privilégiés de son apprentissage au séminaire ? D’abord, le témoignage des formateurs et de la communauté éducative : si les pères du séminaire, les enseignants, les curés des paroisses de stage et les autres acteurs travaillent en communion, participent aux rencontres de formation permanente, cultivent le désir de se renouveler en permanence, y compris de mettre à jour leurs compétences, tout cela servira de modèle aux séminaristes.
Un autre moyen est l’apprentissage de la vie fraternelle pendant la formation : une fraternité caractérisée par la simplicité, sans faux-semblant, par la cordialité, ou encore par le respect d’autrui. Si les séminaristes se rendent service mutuellement, s’ils sont prêts à faire deux mille pas quand on leur en demande mille (cf. Mt 5,41), si la parole est libre et constructive entre eux, si la correction fraternelle est faite dans l’humilité et la charité, si les échanges à table ou ailleurs reflètent la priorité donnée au Royaume, alors ils expérimenteront qu’une communauté, une équipe de prêtres, est vraiment formatrice. Il en va de même dans les relations avec les prêtres et les laïcs rencontrés dans les paroisses ou lors des diverses insertions apostoliques. Prendre de la hauteur et se poser la question avec les autres de la conformité de la communauté avec l’Évangile et la première communauté chrétienne, aidera également ce processus de communauté formatrice.
Un troisième moyen est l’accompagnement personnel, que ce soit à travers les rencontres régulières ou informelles avec les formateurs, ou avec le père spirituel. Si ces échanges sont bien vécus, et stimulants pour la vie chrétienne, cela permettra au séminariste devenu prêtre, d’une part de choisir rapidement un accompagnateur spirituel, et, d’autre part, de s’ouvrir plus profondément à ses confrères sur le terrain et à partager ses découvertes, ses joies, ses difficultés et ses questions.
En ce qui concerne la formation permanente, un certain nombre de vos diocèses ont déjà mis en place des temps de formation, de relecture, ou encore des sessions pour les prêtres, selon leur âge. Mais quels moyens pourraient aider à instaurer une formation permanente considérée comme une formation de chaque jour et pour toute la vie ?
Des diocèses dans le monde ont déjà dégagé des prêtres à temps plein pour s’occuper de la formation de leurs confrères. « Où les trouver ? » me demanderez-vous. Ne pourrait-on pas appliquer à notre niveau pastoral ce que le Saint Père dit de l’activité socio-politique dans Evangelii gaudium, parlant de péché à vouloir couvrir l’espace plutôt que mettre en place des processus dans le temps[3]. Dans votre pays, les jeunes prêtres sont, en général, bien suivis. Comment pourrait-on élargir cet accompagnement aux prêtres plus anciens ? Qui, mieux qu’un ancien formateur de séminaire, pourrait devenir un accompagnateur et un formateur de prêtres ? Tout cela ne mérite-t-il pas un investissement sérieux, y compris en moyens économiques ? Je pense aussi à l’intérêt de centres thérapeutiques qui pourraient aider des prêtres en souffrance humaine et psychologique.
- Les formateurs et la communauté éducative
Avant de parler des formateurs en tant que tels, j’aimerais commencer par l’idée forte que Mgr Mercier a développée au dernier Congrès international sur la Ratio : c’est toute l’Église diocésaine ou locale, dans sa maternité, qui enfante la formation des vocations et celle des prêtres, et en prend soin, à l’image de la première communauté chrétienne. Les Actes des Apôtres, en effet, montrent celle-ci engagée tout entière, sous l’action de l’Esprit Saint, dans le processus d’agrégation de Saint Matthias au Collège Apostolique (cf. Ac 1,21-26). Les Ratio nationalis pourraient donc présenter quelques moyens permettant de continuer cette participation active de l’Église locale à la formation des prêtres qui lui sont confiés.
Quand la nouvelle Ratio aborde le thème des acteurs de la formation (chap. 6), après le principal Agent qui est la Sainte Trinité (cf. RFIS, 125), elle évoque premièrement l’évêque diocésain – ou les évêques en cas de séminaire interdiocésain ou de séminaire ouvert à d’autres Églises particulières. Les évêques doivent davantage veiller sur l’équipe des formateurs que de se soucier d’accompagner les séminaristes. La Ratio affirme, en effet :
« L’évêque doit être très attentif à ne pas agir de manière à priver de fait le recteur et les autres formateurs de leur autorité dans le discernement de la vocation des candidats et de leur convenable préparation ; au contraire, ‘l’évêque maintiendra de fréquents contacts personnels avec les responsables du séminaire, en signe de confiance, pour les encourager dans leur travail et faire en sorte qu’entre eux règne un esprit de pleine harmonie, de communion et de collaboration’ » (RFIS, 128).
A ce sujet, je me permets de vous poser une question qui n’est pas annexe : faisons-nous suffisamment confiance à la grâce d’état donnée à des formateurs compétents, à savoir à leur discernement ? L’étude des dispenses par la Congrégation montre que, trop souvent, les évêques n’ont pas suivi les avis des Conseils des séminaires.
Le troisième agent est le presbyterium (cf. RFIS, 129). D’où la nécessité d’un presbyterium uni et soucieux des vocations et de leur formation. Il le sera surtout par l’exemple qu’il donnera d’un dynamisme ardent, créatif et missionnaire et par l’humble et fidèle service de chacun. Puis, viennent les séminaristes eux-mêmes, comme protagonistes de leur formation.
Si la communauté des formateurs vient en cinquième position, ce n’est pas qu’elle ait peu d’importance. Au contraire, elle s’inscrit au centre d’un cadre plus vaste qui est l’Église-communion et dont les séminaristes sont appelés à faire l’expérience au cours de leur préparation. A ce cercle appartiennent aussi : les professeurs, les spécialistes, les familles, les paroisses, la vie consacrée et les autres réalités ecclésiales. Tous ceux-ci forment avec les acteurs mentionnés ci-dessus ce que la Ratio appelle la « communauté éducative » (RFIS, 139).
Un mot sur les enseignants au séminaire (cf. RFIS, 140-144) : ceux-ci, choisis avec soin par les évêques, doivent d’abord être des témoins cohérents, soucieux que leur enseignement, en accord avec la foi et la tradition catholique, ne soit pas simplement une transmission de connaissances, mais participe vraiment à la formation intégrale des candidats au ministère pastoral et s’inscrive dans le projet éducatif du séminaire. En veillant si possible à ce que les prêtres soient majoritaires dans le corps enseignant, on choisira des personnes, de divers états de vie, qui soient à la fois compétentes dans leur matière et douées de capacité pédagogique.
Revenons maintenant à l’équipe des pères ou des directeurs du séminaire que la Ratio nomme à bon propos « la communauté des formateurs ». Les pères forment une véritable communauté au sein et au service de la communauté éducative et de l’ensemble des séminaristes. Cela signifie qu’ils sont au moins trois ; que ce soit des hommes de Dieu, vivant de foi et de charité, avec des paroles solides, comme le dit Saint Paul à Timothée : « Tiens-toi au modèle donné par les paroles solides que tu m’as entendu prononcer dans la foi et dans l’amour qui est dans le Christ Jésus » (2Tm 1,13) ; que les pères du séminaire prient les uns pour les autres et tous ensemble pour les séminaristes ; qu’ils participent aux célébrations communautaires ; qu’ils entretiennent des liens forts de fraternité sacramentelle entre eux, offrant ainsi un exemple de collaboration et d’unité presbytérale aux séminaristes ; qu’ils se détendent ensemble ; certains d’entre eux sont aussi chargés de cours pour les séminaristes, ce qui permet un meilleur suivi de chacun ; etc …
En France, il appartient à votre « tradition » formative que les pères spirituels soient choisis parmi les membres de l’équipe des formateurs, ce qui offre le grand avantage pour eux de bien connaître les séminaristes et ce qui demande aux évêques de nommer les formateurs également en fonction de leur expérience de l’accompagnement spirituel et de leur préparation à cette mission.
C’est pour toutes ces raisons que la Ratio affirme :
« Il est nécessaire que des formateurs soient exclusivement consacrés à cette tâche, afin qu’ils puissent s’y adonner complètement ; il faut donc qu’ils habitent au séminaire » (RFIS, 132).
C’est seulement si le cœur du formateur n’est pas partagé par différentes missions et par divers lieux, qu’il pourra se donner entièrement à ceux dont il a la charge et ainsi, les former de manière efficace et opérer un fin discernement. Le peuple que Dieu confie à un formateur est la communauté des séminaristes. D’ailleurs, le Pape François insiste beaucoup sur la place du pasteur au milieu de son peuple. Choisir les meilleurs prêtres, et surtout pas ceux dont on ne sait que faire, et leur donner le ministère de la formation comme mission principale nous demande, à nous évêques, un vrai renoncement face aux besoins immédiats. Mais ce sacrifice produira des fruits en abondance, car nous savons bien que les vocations sont aussi suscitées et « attirées » par le sérieux et la qualité de la formation dispensée. « Ce que tu m’as entendu dire […], confie-le à des hommes dignes de foi – je souligne – qui seront capables de l’enseigner aux autres, à leur tour » (2Tm 2,2).
Enfin, et toujours en vue d’une qualité toujours plus grande de la formation, il est très important que les évêques préparent des prêtres à cette tâche. Par exemple, le Dicastère offre depuis trois ans un cours de formation presbytérale qui a, entre autres, comme objectif de préparer les prêtres envoyés à Rome à être des formateurs, au sens le plus large possible.
- Contenu et élaboration de la Ratio nationalis
Le dernier point de cette intervention portera sur le contenu et les modalités d’élaboration d’une Ratio nationalis. Ceux-ci sont explicités par les numéros 3 à 8 de la Ratio universelle.
Comme le but principal de la Ratio fundamentalis est de donner les éléments qui permettront la rédaction des Ratio nationalis, il va de soi que l’élaboration de la Ratio nationale se fera avant tout grâce à l’étude attentive du document présent, en le confrontant, dans la prière et le discernement communautaire, avec la réalité existante.
La Ratio nationale devra intégrer tous les principes formateurs de la nouvelle Ratio, dont la plupart ont été mentionnés précédemment : l’unité et l’intégralité de la formation et de ses quatre dimensions, la gradualité, les dimensions communautaire et missionnaire de la préparation au ministère ordonné, la communauté éducative, les quatre étapes de la formation initiale ainsi que l’apprentissage de la formation permanente dès le début.
Parmi les 4 étapes, deux étapes sont peut-être nouvelles :
- L’étape propédeutique (RFIS, 59-60), rendue désormais obligatoire, est l’étape indispensable du commencement de la formation initiale, une étape marquée par son caractère introductif, avec comme finalité d’enraciner le premier discernement effectué, dans une suite passionnée et radicale du Christ et, grâce à cette mise en route, vécue en communauté, de favoriser la connaissance de soi.
- La quatrième étape est appelée « pastorale» ou « synthèse vocationnelle ». A ce sujet, « il existe dans les Églises particulières une grande variété d’expériences » (RFIS, 75) affirme la Ratio. La rédaction de la Ratio nationale serait une bonne occasion d’évaluer ces expériences déjà présentes chez vous. Cette étape est une préparation directe et spécifique à l’ordination diaconale, puis presbytérale, et elle « se réalise d’ordinaire en-dehors du séminaire lui-même, au moins pendant une partie importante du temps, […] normalement au service d’une communauté » (RFIS, 75). L’enjeu de cette immersion importante dans le réel de la vie pastorale est de bien accompagner le candidat dans ce passage délicat entre le séminaire et la paroisse, notamment en vérifiant et en aidant la mise en place des éléments appris et expérimentés au cours de la formation dans ses quatre dimensions.
Qui dit « synthèse vocationnelle », dit appropriation de ces éléments en vue de demander le plus librement et avec la plus grande détermination possible l’ordination. « Il est donc recommandé que le curé, ou un autre responsable de la réalité pastorale qui accueille le séminariste, soit conscient de la charge dont il est investi pour sa formation et l’accompagne dans sa progressive insertion » (RFIS, 75). Je vous invite à voir quelle préparation vous pourriez offrir à ces prêtres chargés d’accueillir des séminaristes.
Un mot sur la dimension intellectuelle. Tout en étant d’une importance notable, car elle permet de s’approprier le contenu du dépôt ecclésial de la foi, qui est tout autant doctrinal que spirituel, moral, liturgique et pastoral, elle ne doit pas être surdimensionnée, au détriment du temps accordé aux autres composantes de la formation. En effet, on peut se demander si le volume horaire de l’Ordo studiorum de la Ratio française actuelle est tenable, le but étant d’équilibrer l’ensemble des temps et des moments de la formation.
En ce sens, il sera très précieux de donner des éléments pour que chaque évêque, avec la collaboration des formateurs, établisse ou révise non seulement les statuts ou le règlement, mais aussi le projet éducatif du séminaire. Le projet de formation de chaque séminaire permet d’offrir pour chaque étape et chaque dimension de la formation, des objectifs, des moyens, des temps, afin de dessiner et de baliser un cheminement progressif de formation que pourra s’approprier le candidat et qui permettra à l’équipe de voir où il en est.
En ce qui concerne le seuil de viabilité d’une propédeutique ou d’un séminaire qui est une de vos questions, la Congrégation encourage le regroupement des forces de plusieurs diocèses, toujours en vue de promouvoir la qualité de la formation grâce à une équipe compétente. Quand le Code de droit canonique dit que le séminaire est la pupille des yeux de l’évêque, il ne pense pas d’abord aux murs, mais à la communauté, où qu’elle se trouve.
Enfin, le travail de rédaction de votre Ratio requiert non seulement une collaboration entre évêques et formateurs, mais pourrait être l’occasion d’impliquer aussi différentes commissions épiscopales concernées, comme la pastorale des jeunes, la commission doctrinale, ou encore celle canonique. En outre, associer l’ensemble des formateurs en leur demandant l’évaluation d’une première ébauche du texte pourra favoriser l’unité des critères de formation.
Je vous remercie de votre attention. Tout ceci n’est pas exhaustif et je suis prêt maintenant à répondre à vos questions.
Jorge Carlos Patrón Wong
Archevêque-Évêque émérite de Papantla
Secrétaire pour les Séminaires
[1] Conférence introductive « Mot de bienvenue et présentation des lignes générales de la Ratio fundamentalis » (5 octobre 2017).
[2] Salut du Pape François aux Pères synodaux au cours de la 1ère congrégation générale de la 3ème assemblée générale du synode des évêques (6 octobre 2014).
[3] « Un des péchés qui parfois se rencontre dans l’activité socio-politique consiste à privilégier les espaces de pouvoir plutôt que les temps des processus. Donner la priorité à l’espace conduit à devenir fou pour tout résoudre dans le moment présent, pour tenter de prendre possession de tous les espaces de pouvoir et d’auto-affirmation. C’est cristalliser les processus et prétendre les détenir. Donner la priorité au temps c’est s’occuper d’initier des processus plutôt que de posséder des espaces. Le temps ordonne les espaces, les éclaire et les transforme en maillons d’une chaîne en constante croissance, sans chemin de retour. Il s’agit de privilégier les actions qui génèrent les dynamismes nouveaux dans la société et impliquent d’autres personnes et groupes qui les développeront, jusqu’à ce qu’ils fructifient en évènement historiques importants. Sans inquiétude, mais avec des convictions claires et de la ténacité » (Evangelii gaudium, 223 ; cf. aussi 225).
⚡️ “Quel regard nos évêques portent-ils sur l'Assemblée plénière ?”https://t.co/3RkrdeovWZ
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Depuis Lourdes nous prions pour tout le diocèse et nous confions chacun de ses habitants à la Vierge Marie.#APLourdes pic.twitter.com/4da7pQxJCc
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Prions pour nos évêques qui se retrouvent du 3 au 8 nov. à #Lourdes, pr leur session annuelle de travail en assemblée plénière. #APLourdes pic.twitter.com/gkdpAHhGLC
— Eglise Catholique (@Eglisecatho) 2 novembre 2017
#APLourdes
— Eglise Catholique (@Eglisecatho) 6 novembre 2017
2 jours de répétitions sont nécessaires pr préparer la diffus° en direct de la messe télévisée.
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L' #APLourdes est inaugurée, comme chaque année, par un temps de prière à la grotte. pic.twitter.com/x5bUQ6pTJX
— Eglise Catholique (@Eglisecatho) 3 novembre 2017
En union de prière avec nos évêques réunis à Lourdes en assemblée plénière, "temps de partage, réflexion, prière en commun" #APLourdes https://t.co/CAqPehZzOv
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Présentat. de #APLourdes par @ORDUMAS. Que ns ayons à cœur de prier particulièrement pour nos évêques cette semaine. https://t.co/hVbkZ9aJCM pic.twitter.com/MGIJcDTKyy
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