Un évêque se confie de Mgr Stanislas Lalanne
Monseigneur Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise, a publié en septembre : « Un évêque se confie ». Un livre qui retrace son parcours de son enfance au ministère d’évêque. Interview.
Comment avez-vous eu l’idée d’écrire ce livre ? Désiriez-vous faire découvrir le quotidien d’un évêque et celui de la vie de l’Église au grand public ?
J’ai constaté au fil de mes rencontres que la mission d’un évêque est quasiment inconnue. J’en ai particulièrement pris conscience lors d’une discussion avec une journaliste de France 3 Basse-Normandie qui m’a demandé : « À part diriger les prêtres et dire les messes, que faites-vous ? » Elle réalisait une émission sur le quotidien de personnalités issues du milieu politique, religieux ou culturel, et souhaitait montrer à travers un reportage le quotidien d’un évêque. Elle m’a alors suivi dans mes déplacements pendant trois jours.
Tout au long de l’ouvrage, vous évoquez les différentes rencontres qui ont jalonné votre vie sacerdotale. Est-ce une manière de rendre hommage à ceux que vous avez croisés ?
Le ministère d’évêque est un ministère de communion. La vie d’un évêque est peuplée de rencontres, de personnes connues ou inconnues. Il rencontre dans sa vie pastorale les communautés chrétiennes, les partenaires de la vie ecclésiale, des responsables d’associations, des chefs d’entreprise, des élus ou des représentants de l’État. Je voulais raconter les choses merveilleuses dont j’ai pu être témoin comme, par exemple, mes visites avec les détenus dans les prisons lors de la messe de Noël. Cela me touche particulièrement.
Vous démarrez avec une expérience marquante : votre enfance en Algérie et à Versailles. Vous avez parlé de l’homme avant d’évoquer la vie ecclésiastique…
J’ai passé quatre années en Algérie de 1958 à 1962 car mon père avait été muté en tant qu’officier. J’arrivais d’un milieu très protégé (NDLR. Versailles) pour être plongé dans un monde différent, celui du Maghreb. J’étais en contact avec d’autres religions dont je n’imaginais pas l’existence. Dans ma classe, la plupart des élèves étaient juifs ou musulmans. Mon père est rentré en France en juillet 1962 mais je suis revenu un peu plus tôt car les conditions de sécurité l’exigeaient. Le contact avec les autres religions ainsi qu’avec la guerre, la violence puis la mort que je n’avais jamais vraiment côtoyée auparavant, ont été comme un révélateur. L’appel à devenir prêtre a sans doute commencé à ce moment-là. En tout cas, donner ma vie pour les autres est devenu déterminant.
Après avoir été porte-parole puis Secrétaire général de la Conférence des évêques de France, vous êtes nommé évêque dans le diocèse de Coutances et Avranches en avril 2007. Vous parlez d’une certaine « inquiétude » puis d’un « enthousiasme »…
Quand le nonce apostolique m’a appelé pour me faire part de la demande du pape Benoit XVI, c’était inattendu et un bouleversement dans ma vie ! De plus, depuis que j’étais rentrée d’Algérie, j’avais toujours vécu en région parisienne. Je me suis retrouvé évêque d’un diocèse à dominante rurale. J’avais certes déjà été dans la Manche en pèlerinage au Mont-Saint-Michel ou pour visiter les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) à Cherbourg en tant qu’auditeur de l’Institut de Hautes études de Défense nationale (IHEDN). Mais j’arrivais dans un monde que je ne connaissais pas. Cela a été une grande découverte !
Comment avez-vous vécu les premiers mois de ministère épiscopal ?
Plusieurs déménagements quand j’étais enfant et jeune m’ont permis d’acquérir, je crois, une certaine capacité d’adaptation ! J’étais à la fois enthousiaste et un peu inquiet en arrivant mais, très vite, j’ai découvert la beauté de ce ministère auprès de ce peuple qui m’était donné à aimer. L’évêque est à la fois un père, un frère et un ami. C’est vrai, le Manchois se livre assez peu, il faut du temps pour l’apprivoiser ! Mais, rapidement, j’ai noué de belles relations de confiance. Par ailleurs, la région est magnifique et méconnue. Et je peux dire que j’ai adopté rapidement ce département de la Manche !
Vous êtes évêque de Pontoise depuis 2013 où vous avez trouvé une population particulièrement tournée vers Dieu…
Le département du Val d’Oise est plein de contrastes et très divers car il regroupe 140 nationalités différentes, des habitants originaires de tous les continents, sans oublier l’importante communauté chaldéenne à Sarcelles. Les communautés sont très contrastées et vivantes et les assemblées cosmopolites : une belle image de l’Église universelle ! La prière occupe une place importante. De plus, dans plusieurs paroisses, le nombre de pratiquants augmente, ce qui n’est pas seulement dû au développement démographique.
Vous êtes parfois rattrapé par l’actualité : les affaires de pédophilie, les attentats de Paris ou l’assassinat du Père Jacques Hamel. Comment avez-vous vécu ces événements ? Quel était votre rapport aux médias ?
Je connais assez bien le monde des médias pour avoir été secrétaire général et porte-parole de la Conférence des évêques de France. J’ai eu l’occasion de commenter de nombreux événements comme les obsèques de Jean-Paul II, celles de l’abbé Pierre ou l’élection du pape Benoît XVI. Concernant l’assassinat du Père Jacques Hamel, je partais rejoindre les 450 jeunes du diocèse près de Cracovie (NDLR JMJ de 2016) quand les radios et chaînes de télévision m’ont appelé vers 11h du matin. Alors, face à la brutalité de cet événement tragique, on n’a pas le temps de se préparer, il faut aussitôt trouver les mots pour exprimer sa compassion et dire, de manière simple, quelque chose de l’espérance qui nous habite…
Vous aviez été nommé évêque en avril 2007. Quel regard portez-vous sur ces dix années d’épiscopat ?
Je rends grâce pour ces dix années très riches. Comme secrétaire général de la Conférence des évêques de France, je rencontrais les évêques, mais je n’imaginais pas leur vie quotidienne avant d’être moi-même nommé ! Je crois pouvoir dire que ma vie spirituelle s’est approfondie et transformée. Ma prière est habitée par cette multitude de visages rencontrés au fil des jours. Nous sommes dans une posture qui permet de voir et de contempler l’œuvre de Dieu dans le cœur des femmes et des hommes de ce temps. C’est une grâce et c’est magnifique !